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« Nakata était un précurseur »

Propos recueillis par Brieux Férot
5 minutes
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Qu’importe l’âge, le meilleur cadeau de Noël est souvent japonais. En salles depuis dix jours, le dernier film de Kore-Eda Hirokazu, Tel père, tel fils, joyeux, brillant et accessible, a obtenu un très joli prix du jury lors du dernier Festival de Cannes. L’occasion de revenir avec son réalisateur sur la question de la transmission. Dans le football et ailleurs…

Au Japon, l’intérêt relativement récent pour le football s’est-il aussi transmis de père en fils, comme dans le film ?

Dans le film, la transmission se fait autour d’une activité que je n’ai moi-même d’ailleurs jamais pratiquée et qui est un complexe pour moi avec ma fille : le cerf-volant. Lors d’une question qui lui est posée à l’école, le fils dit que son père lui a appris le cerf-volant alors qu’en fait ce n’est pas le cas. Ces petits mensonges sur ce que transmettent ou non les pères à leurs enfants m’ont intéressé. Si ton père ne t’apprend pas à faire un sport… Le mien avait fait du tennis et comme je n’avais pas de bonnes relations avec lui, je me suis mis au volley, dans les années 60-70. Une fois, une seule, nous avons fait du sport ensemble : on est allés au bowling. Très important, la filiation par le bowling ! Donc pour répondre : oui, le football est enfin entré dans la culture collective aujourd’hui, se transmet plus facilement mais a connu une évolution un peu différente des autres sports.

Comment est-ce arrivé ?

Le football est devenu à la mode au détriment du volley-ball. Le volley est un sport de ma génération, plus « olympique » , les filles avaient gagné la médaille d’or aux Jeux de 64 de Tokyo, idem pour l’équipe masculine en 72 aux Jeux de Munich. À ce moment-là, le volley a explosé, et vous vous êtes retrouvés en Europe, à regarder pendant des années Jeanne et Serge à la télévision… J’ai commencé à m’intéresser au football lors du lancement de la J-League, lancé il y a plus d’une vingtaine d’années, mais le base-ball reste le plus populaire. La Coupe du monde 2002, ça a été une vraie fête populaire parce qu’on l’a organisée avec la Corée et parce qu’on avait Nakata. D’ailleurs, je veux préciser une chose sur la mise en scène des matchs : on a souvent parlé des nouveautés, avec des plans plus rapides durant cette Coupe du monde mais le Japon est trop respectueux des règles, nous avons juste essayé de faire le mieux possible avec les codes déjà existants. Le top, c’est vrai, ça aurait été de demander à Johnnie To, ou mieux, à Akira Kurosawa de réaliser un match, vu comment il a filmé Les Sept Samouraïs

Le pays l’aimait d’amour, Nakata ?

Il est marrant Nakata, moi, je l’aime beaucoup, mais pas vraiment les Japonais, en fait… En partant à la Roma, Nakata a été un précurseur, dans plein de domaines : il a voyagé, était toujours bien sapé, jouait plutôt perso et aimait déjà être au centre de tout, du jeu et des discussions… Lors de la Coupe du monde 2002, notre grande chance, contrairement à vous peut-être et même si nous ne l’avons pas gagnée, c’était d’avoir alors déjà une superstar avant de commencer le tournoi… C’est aujourd’hui un mec super riche, qui a dû aussi être victime de son égocentrisme. Il reste aujourd’hui très attentif à son look, il a toujours dépensé beaucoup d’argent dans ses tenues… Mais moi, à un moment, je voulais en prendre un autre dans un film : Nagayama Masashi, le premier buteur japonais de l’histoire en Coupe du monde, en 1998. S’il avait pris sa retraite, je l’aurais bien vu dans un film en costume en samouraï, ça ma paraissait être une belle idée. Mais il joue toujours, à plus de 40 ans, ça ne se fera donc sûrement jamais…

Et Philippe Troussier, qui était caricaturé avec son traducteur linguistique et culturel, Florent Dabadie ?

En fait, Dabadie est plus connu que Troussier aujourd’hui, il a fait son propre chemin avec beaucoup d’humour et d’intelligence… Disons qu’aujourd’hui, en partie grâce à eux, nous avons une équipe nationale avec des joueurs qui évoluent dans le monde entier, ce qui nous a permis, en tant que citoyens, en tant que peuple, de mieux nous penser par rapport au reste du monde. C’est un sport qui stimule beaucoup l’imaginaire des jeunes, le football, car tous les physiques peuvent réussir. Il ne faut pas se mentir : en basket ou en volley, on n’a plus aucune chance, nous le savons très bien. En football, en revanche, quand on voit des joueurs comme Nakagawa, ça nous fait vraiment rêver…

Est-ce que l’exacerbation des ego a mis à mal le collectif de la sélection nationale aussi facilement qu’ailleurs ?

Au niveau mondial, je pense qu’on peut considérer que les joueurs japonais sont les derniers à avoir conservé cet esprit d’équipe en sélection, mais il faut bien voir qu’au début, ils se sont même fait critiquer pour cela : quand l’exode a commencé, des gens les critiquaient parce qu’ils étaient trop collectifs. C’était dingue, certains leur disaient de plus s’accrocher au ballon, de profiter de leur vedettariat, de se mettre en avant… La suprématie de l’ego a pris le dessus un court moment, mais le collectif est aujourd’hui toujours très présent, dans les commentaires, dans la rue ou dans les médias, tout le monde est très soucieux de cela. Oui, on peut toujours parler d’esprit japonais collectif : c’est cet esprit là qui fait qu’aujourd’hui, au base-ball, un joueur comme Hideki Matsui est populaire alors que la légende Ichiro Suzuki est respectée.

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Propos recueillis par Brieux Férot

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