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Nagelsmann, le licencié surprise
Mis à la porte par le Bayern Munich, Julian Nagelsmann paye le prix d’une direction impatiente et intransigeante.
Comme une petite bombe dans le microcosme footballistique. Oui, le licenciement de Julian Nagelsmann par le Bayern Munich en a étonné plus d’un. Arrivé il y a près de deux ans pour perpétuer le travail victorieux entamé par Hansi Flick, le technicien de 35 ans n’aura finalement pas tenu la distance. Pour le remplacer, la direction bavaroise a expressément nommé Thomas Tüchel et son expérience. Comme l’envie de passer à autre chose, très vite. Réputé pour sa gestion dans les situations de crise – depuis la fin du FC Hollywood au début des années 2000 -, le Bayern Munich a donc cette fois décidé de s’en créer une. Distancé d’un point seulement par le Borussia Dortmund en Bundesliga, invaincu en Ligue des champions, quart-de-finaliste en Coupe d’Allemagne… Le Rekordmeister est toujours en lice pour un nouveau triplé, cette saison. Avec 71,4% de victoires, Naglemann se classe même juste derrière Pep Guardiola, Hansi Flick et Carlo Ancelotti dans l’histoire du club. Dans les bureaux de la Säbener Straße, on ne l’entend pourtant pas de cette oreille.
Lâché par les cadres
« Nous en sommes arrivés à la conclusion que la qualité de notre équipe, malgré le titre de champion de Bundesliga l’année dernière, est de moins en moins mise en avant. Après la Coupe du monde, notre style de jeu a baissé en qualité. Ces fortes fluctuations liées aux performances ont jeté le doute sur nos objectifs pour cette saison, mais aussi sur nos objectifs à l’avenir et c’est pourquoi nous avons agi maintenant. » En quatre phrases face à la presse, le président du club Oliver Kahn a ainsi résumé la situation, du moins en surface : Julian Nagelsmann n’est plus l’homme de la situation sportive. Il faut dire qu’avec trois défaites et trois nuls en Bundesliga en cette édition 2022-2023, le Bayern tient son pire début de campagne depuis onze ans (six défaites et trois nuls à la même période en 2011-2012, le Borussia Dortmund ayant alors fini champion). En dépit du sans-faute affiché en C1, les dirigeants ont donc préféré prendre les devants afin de se prémunir d’une mauvaise surprise.
« J’ai rarement vu une prestation aussi fade, sans dynamisme et force mentale du côté du Bayern Munich », pointait publiquement Hasan Salihamidžić, directeur sportif, au sortir de la défaite des siens face au Bayer Leverkusen (2-1). Celle de trop. Pour autant, ce bilan domestiquement mitigé saurait-il expliquer une décision aussi radicale que le licenciement de l’entraîneur en chef ? Difficile à entendre, outre-Rhin. Dès lors, tant dans les colonnes de Kicker que de Bild, la tendance irait surtout vers un conflit larvé entre Nagelsmann et ses cadres. Premier élément : le licenciement de l’entraîneur des gardiens, Toni Tapalović. Meilleur ami de Manuel Neuer, le Germano-Croate s’est fait virer en janvier. Un temps attribuée au duo Kahn-Salihamidžić, cette décision serait en réalité le fruit de divergences entre Tapalović et le staff de Nagelsmann. Interrogé sur la question, Neuer n’avait d’ailleurs pas hésité à répliquer dans les colonnes de Süddeutsche Zeitung et The Athletic : « Toni a toujours été là pour le club et tout à coup, on le licencie… C’est l’une des choses les plus brutales que j’ai vécues dans ma carrière. » Autre renfort perdu en route : Thomas Müller. Moins utilisé (sept rencontres disputées dans leur intégralité, seulement), le fer de lance offensif se serait personnellement senti visé par le « tout réformateur » entamé par son coach.
Tüchel embusqué
Et comme souvent, perdre des cadres du calibre de Neuer et Müller signifie mort tactique. De moins en moins écouté et compris, Julian Nagelsmann a doucement perdu le contrôle d’une équipe déjà habituée à naviguer en pilote quasi automatique. Sur ses treize matchs post-Coupe du monde, le FCB ne compte ainsi que huit victoires (trois nuls successifs entre le 20 et le 28 janvier, deux défaites). Les propos de Kahn font tout de suite écho, au point de voir une institution que l’on disait maîtresse en gestion patrimoniale s’asseoir sur des indemnités importantes. Recruté pour 25 millions d’euros au RB Leipzig à l’été 2021 – soit l’entraîneur le plus cher du monde –, Nagelsmann, sous contrat jusqu’en juin 2026, va effectivement coûter près de 50 millions à son employeur. « Je regrette la manière dont l’histoire se termine avec Julian. Mais après une analyse approfondie de notre évolution sportive, notamment depuis janvier et avec le bilan de la seconde moitié de la saison précédente, nous avons décidé de le libérer », a ajouté Salihamidžić. Un ratage complet.
Pour faire oublier cette période grise, le board bavarois a décidé de rapidement tourner la page, et ce nouveau chapitre porte le nom de Thomas Tuchel. Libre depuis son départ de Chelsea en septembre, le bientôt quinquagénaire a été annoncé en fin de journée ce vendredi et s’est engagé pour les deux prochaines saisons. Là encore, le Bayern a tenu à gagner du temps pour s’éviter tout désagrément à l’approche de l’été. Sondé par Tottenham – prêt à se séparer d’Antonio Conte – et le Real Madrid – dont le départ de Carlo Ancelotti est déjà programmé –, Tuchel est en effet immédiatement devenu la priorité des Roten. Au-delà du pragmatisme, ce dénouement rapide révèle surtout que ce feuilleton ne s’est pas ficelé en quelques heures, mais que tout semble s’être dessiné depuis l’hiver dernier. Une période bien connue de Thomas Tuchel qui débarquait à peu près dans les mêmes conditions du côté de Chelsea en janvier 2021, pour remporter la Ligue des champions six mois plus tard. Le Bayern Munich ne serait pas contre un scénario similaire, évidemment.
Par Adel Bentaha