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Nagelsmann, le coach post-Klopp
Quand Jürgen Klopp prend le pouvoir à Mayence, puis connaît le succès avec Dortmund, c'est un chamboulement dans l'ordre établi des entraîneurs allemands. Depuis, les clubs de Buli ont fait le choix de s'appuyer et avoir confiance en leurs jeunes entraîneurs aux idées bien fixes, qu'importe leur expérience en tant que joueur. Des gars comme Julian Nagelsmann.
« L’art et la manière de travailler là-bas [à Hoffenheim et Leipzig] méritent le plus grand des respects. » Interrogé sur le travail de Julian Nagelsmann par la SWR – le média public du sud-ouest de l’Allemagne – en novembre 2016, Jürgen Klopp ne sait pas encore qu’il parle d’un coach auquel il va devoir se mesurer neuf mois plus tard en barrage de Ligue des champions. Reste que les médias allemands titrent de suite et allègrement sur tout le bien que « Kloppo » pense du petit jeune, même s’il ne le cite pas directement. De loin, l’ancien coach de Dortmund continue d’observer ceux qui lui ont succédé. Il est le modèle à suivre, le père spirituel, et donc aussi celui qui peut distribuer les bons points et couver les jeunes pousses de son regard bienveillant. Sans être le maître, il a quelques disciples à distance. Une manière de dire que si Nagelsmann a explosé au haut niveau, c’est parce qu’avant lui, il y avait eu Klopp. Et qu’après Klopp, il y aura Nagelsmann.
Dépasser Klopp
Le rapprochement entre l’ancien de Mayence et l’actuel d’Hoffenheim est évident au premier abord. Ce sont des gars similaires malgré leur différence d’âge (50 pour Klopp, 30 pour Nagelsmann), plutôt inattendus et qui bousculent l’ordre établi. Mieux, ce sont deux coachs qui se connaissent bien et qui font d’ailleurs partie de la même boîte d’agents et échangent régulièrement. « Nous nous écrivons de temps en temps. Je l’apprécie beaucoup parce qu’il a su rester normal » , avouait Nagelsmann après le tirage au sort il y a deux semaines. Enfin, les deux ont une même approche du métier. Ainsi, Klopp et Nagelsmann se rejoignent sur l’enthousiasme qu’ils provoquent dans un groupe. Ce ne sont pas que des théoriciens du football. Il s’agit avec eux de bien plus, d’un lien affectif qui se traduit sur le terrain.
Pour le coach de Hoffenheim, il s’agit d’un travail à 70/30. Dans le Mirror, le recruteur Lutz Pfannenstiel estime que Nagelsmann a modifié la mentalité du club avant tout. « Les joueurs étaient anxieux, le coach n’avait pas de réussite, le club était en dépression… Les choses ne s’annonçaient pas bien. Et soudain, le nouveau gars du coin a été appelé : Julian Nagelsmann, 28 ans, un anonyme dans un grand championnat. » Nagelsmann succède à des techniciens d’expérience. Il marque la rupture nette avec Huub Stevens et Markus Gisdol, qui eux ne peuvent plus aider un club de la Bundesliga post-Klopp. Pas pour le haut du tableau, et à peine pour le maintien. En bon coach de l’après-Klopp, avec ses joueurs, Nagelsmann s’essaye alors aux principes du gegenpressing, avant de se rétracter pour un jeu plus réfléchi, pragmatique et scientifique. Les datas deviennent prédominantes. Nagelsmann est celui qui va plus loin que Klopp.
Le passeur Tuchel
Pour comprendre cela, il faut chercher le chaînon manquant. Si Nagelsmann doit autant à l’entraîneur actuel de Liverpool, c’est qu’il y a eu une étape de plus dans la filiation. Ce n’est pas avec Klopp, mais avec Thomas Tuchel que Nagelsmann a commencé à prendre goût au job. Successeur désigné de Jürgen Klopp, à Mayence puis à Dortmund, Tuchel est également le formateur et inspirateur de Nagelsmann. C’est un passage. Pour Thomas Tuchel, Nagelsmann commence par de petits coups de main et installe l’idée d’une reconversion après une carrière avortée de joueur de football. Pfannenstiel explicite : « Pendant sa rééducation, il a observé des joueurs et analysé des matchs pour Tuchel. Il connaît bien Nagelsmann et était convaincu de ses qualités. »
En fait, Nagelsmann apprend et prend dans les deux camps ce qui l’intéresse. Avec Tuchel, il aborde plus la dimension tactique et prévoit différents schémas avant chaque match. « Son style n’est pas basé sur un système unique. Il change et ajuste selon l’adversaire. Il travaille toujours avec un plan d’attaque… et plus important encore, il a toujours un plan B. Il parle de modèles et de principes que chaque joueur doit comprendre. » Avec Klopp, il a vu comment inspirer confiance et discipline à la fois. « Ce ne sera clairement pas un match facile » , annonce le coach de Liverpool après le tirage au sort. L’analyse post-tirage au sort pourrait être classique et attendue. Venant d’un fin connaisseur de la Bundesliga, elle sonne comme une mise en garde et une grande méfiance. Klopp sait que son disciple indirect a retenu les leçons et peut à son tour déjouer tous les pronostics. Il ne pouvait même y avoir pire adversaire pour lui que celui qu’il a contribué à faire éclore : si Nagelsmann connaît sûrement tous les trucs de vieux singe de Klopp, l’inverse n’est pas si sûr.
Par Côme Tessier