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Nadine Keßler : « Les Lyonnaises sont des compétitrices hors normes »

Propos recueillis par Sophie Serbini
8 minutes
Nadine Keßler : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Les Lyonnaises sont des compétitrices hors normes<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Lauréate du Ballon d’or en 2014, Nadine Keßler, 28 ans, a malheureusement dû mettre un terme à sa carrière au printemps dernier en raison d'une grave blessure au genou. Avant la finale de Ligue des champions féminine qui oppose cette année l'Olympique lyonnais à son ancien club, le VfL Wolfsburg, l'ancienne internationale allemande se confie.

Après une première partie de carrière ponctuée par de nombreux titres en club et avec la sélection allemande, vous avez récemment dû annoncer votre retraite en raison d’une grave blessure au genou que vous n’arriviez pas à soigner. Une décision que vous avez mis du temps à prendre.Oui, cela a été un très long processus. Je suis maintenant blessée depuis presque deux ans. J’ai subi cinq opérations au genou. J’ai essayé plusieurs fois de revenir. Je suis allée voir plusieurs médecins, j’ai testé plusieurs traitements, mais cela n’a jamais vraiment marché. En avril, je me suis rendue compte que j’avais besoin de prendre une décision et de réaliser que ma vie devait continuer. J’ai parlé aux dirigeants de Wolfsburg, puis aux médecins, qui m’ont conseillé d’arrêter ma carrière.

C’est en plus une blessure qui vous gêne aussi dans votre vie quotidienne.Oui, durant ces deux dernières années, j’ai même éprouvé des difficultés à marcher. Ma vie était devenue beaucoup plus compliquée, je ne pouvais plus faire certaines choses. Et la douleur était toujours très vive. La dernière opération que j’ai subie me permet enfin de souffrir moins, mais quand je vois tout le chemin que j’ai encore à parcourir pour aller mieux, il n’y avait vraiment aucune chance pour que je puisse à nouveau penser au football.

Avez-vous déjà des idées pour la suite de votre carrière ?Je souhaite rester dans le monde du football, c’est certain, mais je vais déjà finir ma rééducation, prendre du temps pour moi. J’ai besoin de réaliser que ma carrière de footballeuse professionnelle est vraiment terminée. Durant l’été, je prendrai sans doute une décision. Je dois juste trouver un métier dans lequel je suis aussi bonne que sur un terrain. (rires)

Vos anciens entraîneurs vous définissent comme un leader, mais aussi comme une joueuse très intelligente sur le terrain, qui s’intéresse de près à la tactique. Vous voyez-vous devenir coach plus tard ?Je me vois bien être coach, même si pour le moment, je ne peux pas trop jouer, donc je vais devoir attendre la fin de ma rééducation. Mais oui, je pense passer ma licence. C’était un plan que j’avais déjà en tête avant ma blessure.

En Allemagne, le sport fait partie de notre société, c’est normal que les filles fassent du foot. Ça ne pose de problème à personne, ce n’est pas un sujet de conversation entre les gens à vrai dire.

En France, l’ancienne joueuse Corinne Diacre entraîne depuis maintenant deux ans le club de Clermont, en Ligue 2. Vous pourriez envisager de faire la même chose ?Je n’étais pas au courant : je trouve ça vraiment bien pour elle ! J’aime le football en général et je pense que tout le monde peut coacher tout le monde. C’est très bien qu’une femme puisse enfin entraîner des hommes. Je ne vois vraiment pas le problème. Nous connaissons le football aussi bien que les hommes.

En Allemagne, le football féminin est un sport bien mieux considéré que dans beaucoup d’autres pays, surtout européens.Le sport fait partie de notre société, c’est normal que les filles fassent du foot. En Allemagne, ça ne pose de problème à personne, ce n’est pas un sujet de conversation entre les gens à vrai dire. Nous avons de très bonnes structures, l’équipe nationale et nos clubs ont eu beaucoup de succès. Évidemment, le football de haut niveau est toujours principalement un sport d’hommes, même ici. Les gens ont beaucoup de respect pour ce que nous faisons, mais nous ne sommes clairement pas au niveau de popularité des hommes. Après, c’est vrai que la situation est bien plus compliquée dans beaucoup d’autres pays. Mais l’Allemagne, bien qu’en avance sur certains points, n’est vraiment pas au niveau d’un pays comme les États-Unis. Je pense que nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir pour être plus reconnues.

Un club comme Wolfsburg essaye, à la manière de Lyon, d’investir de manière significative (bien que ce soit plus récent) dans le football féminin, pour ne pas avoir qu’une équipe masculine. Ce genre de démarche vous séduit ?C’est bien pour les équipes féminines d’avoir derrière elles un gros club. Les clubs qui ont des équipes masculines qui fonctionnent, comme Wolfsburg ou Lyon, ont de très bonnes infrastructures, une histoire riche, des sponsors qui sont là depuis des années, ce qui permet aux équipes de filles de profiter de tout ça et de gagner plus rapidement en expérience. Ces derniers temps, de plus en plus de clubs ayant une équipe masculine performante se tournent vers le foot féminin (PSG, FC Barcelone…). C’est bien, car ils injectent beaucoup d’argent et permettent au sport d’être plus professionnel. Plus de médias s’intéressent à vous si vous avez un nom associé à un grand club masculin. Malheureusement, cela veut aussi dire que les clubs traditionnellement féminins (comme le Turbine Potsdam, par exemple) avec une histoire beaucoup plus longue cèdent du terrain.

Même si ces deux dernières années cela a moins bien fonctionné pour Lyon en Ligue des champions, elles restent les meilleures.

Ce jeudi soir, Lyon affronte donc Wolfsburg. Ces deux dernières années, l’OL a un peu marqué le pas sur la scène européenne. Mais cette saison, les Lyonnaises sont revenues très fort et ont écrasé le PSG en demi-finale. Sont-elles favorites selon vous ?J’admire vraiment cette équipe. Elles sont si fortes depuis si longtemps. C’est une des premières grandes équipes féminines sur le plan européen. Et même si ces deux dernières années, cela a moins bien fonctionné pour elles en Ligue des champions, elles restent les meilleures. J’ai joué tellement de matchs compliqués contre elles, il fallait bien qu’elles finissent par perdre à un moment. (rires) Cette année, elles sont revenues à leur meilleur niveau. Vraiment. Le seul problème pour elles, c’est que la première division française est trop faible. Elles jouent peu de matchs à enjeux durant la saison et doivent attendre la Ligue des champions pour se confronter aux meilleures. En Allemagne, le championnat est beaucoup plus disputé. Mais pour moi, elles restent favorites.

En plus, de nombreuses joueuses de cette équipe vont partir à la fin de la saison (Amandine Henry, Louisa Necib et Lotta Schelin) et chercher à gagner un dernier titre.Ces filles-là sont des compétitrices hors normes. Je pense qu’elles vont vraiment tout donner pour finir cette belle épopée de la meilleure des manières. Dans le foot féminin, il n’y a rien de mieux que la Ligue des champions, contre un club allemand qui plus est, pour finir en beauté.

De son côté, Wolfsburg a connu un début de saison compliqué et n’a pas réussi à se réveiller à temps pour empêcher le sacre du Bayern Munich. Selon votre coach, votre absence, puis retraite, a beaucoup pénalisé l’équipe. Comment peuvent-elles empêcher une victoire de Lyon ?Contre Lyon, il faut vraiment rester très concentrées. Jouer de façon très collective et rester aux aguets. Techniquement, ce sont les plus fortes et, physiquement, elles sont au même niveau que les meilleures équipes allemandes. Mais surtout, elles jouent ensemble depuis des années. Nous les avons déjà battues une fois en 2013, et c’était un match très très intense. Il ne faut vraiment rien lâcher contre elles.

Vous serez au stade ce jeudi soir ?Évidemment ! Je suis officiellement encore en contrat avec Wolfsburg jusqu’à la fin du mois, donc même si j’ai déjà pris ma retraite, je serai là avec les filles. Ce sera en quelque sorte mon dernier match, même si je ne joue pas.

C’était une énorme surprise pour moi de gagner le Ballon d’or. J’étais sous le choc. C’était de loin le plus beau jour de ma carrière même si, sur le coup, je n’ai pas vraiment réalisé.

Lorsque vous avez gagné le Ballon d’or en janvier 2015, vous avez battu deux légendes du football féminin : Marta et Abby Wambach. Vous vous attendiez à gagner face à elles ?Mes performances cette année-là ont été très bonnes. J’avais tout gagné avec mon club, donc tout le monde pensait que j’avais de grandes chances d’être lauréate. Mais quand vous êtes assise à côté de ces deux-là, vous vous dites que c’est impossible. C’était une énorme surprise pour moi : je n’avais pas préparé de discours ! J’étais sous le choc. C’était de loin le plus beau jour de ma carrière, même si sur le coup, je n’ai pas vraiment réalisé. À ce moment-là, j’étais déjà blessée, donc c’était vraiment mon dernier grand moment en tant que joueuse.

C’est ce qu’on appelle une sortie en grande pompe.Oui, c’était mon plan depuis le départ, gagner le Ballon d’or et partir. Au sommet ! (rires)

Un club au Pérou porte votre nom. Cela vous a beaucoup touché, vous en avez même parlé sur les réseaux sociaux plusieurs fois.Oui, ils ont créé un club à mon nom et ont mis en place des cours pour que les jeunes filles apprennent à jouer au foot. Je suis en contact avec eux régulièrement maintenant, on s’envoie des mails, je leur envoie des cadeaux et j’espère pouvoir y aller bientôt. En tant que Sud-Américains, ils auraient pu trouver une autre footballeuse à qui rendre hommage, il y en a tellement, mais ils m’ont choisie. Je dois reconnaître que c’est vraiment cool !

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Propos recueillis par Sophie Serbini

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