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Nadeau : « Je n’avais jamais vu autant de neige »
Alors que la fin de saison approche pour les clubs suédois, Joshua Nadeau (vingt-deux ans) revient sur son expérience au Gefle IF – prononcez « Guyfle » – qu'il a intégré début 2016 après une pige avortée à l'AEL Limassol. Au thermomètre à son arrivée : -10 degrés, « mais c'était après la vague de froid ». Entretien boulettes de viande et pommes de terre assaisonnées par des tacles glissés d'un défenseur contre la mentalité de travail française.
Tu évolues dans le championnat suédois depuis le début de l’année civile. Comment ça se passe ?Je suis arrivé à Gävle en janvier pour un essai d’une semaine. Je suis rentré en France, j’ai refait une semaine avec eux, puis encore une semaine en stage à Barcelone et j’ai signé. Ils m’ont très bien accueilli. Un de mes coéquipiers, Tshutshu Tshakasua, parle français, donc ça a facilité les choses. Ça se passe très bien avec tout le monde. Je sentais que le coach comptait sur moi. C’était important, car lorsque je suis allé à Chypre (à l’AEL Limassol, de 2014 à 2015, ndlr), c’était plus une histoire entre l’agent et le directeur sportif. Alors que là, le coach m’a vraiment fait comprendre qu’il comptait sur moi et que j’avais de bonnes chances de jouer.
Pourquoi ça ne s’est pas bien passé avec l’AEL Limassol ? À Limassol, dans l’organisation, il n’y avait rien de professionnel : les paiements en retard, le centre d’entraînement n’était pas bon… Ma première expérience à l’étranger n’avait rien à voir à ce que je connais en Suède.
Tu as eu l’impression de tomber dans un traquenard à Chypre ?Exactement. Quand je suis arrivé, au bout de trois jours, on est partis en camp d’entraînement à Manchester, mais quand on est revenus du camp d’entraînement, c’était n’importe quoi. Pendant un mois, je n’avais pas de voiture. Pour aller à l’entraînement et faire les courses, c’était compliqué. Et je ne parlais pas du tout anglais quand je suis arrivé. Donc c’était difficile de me faire comprendre. Après, je me suis mis à l’anglais. J’ai commencé à m’adapter à leur fonctionnement. Au bout de deux, trois mois, ça allait mieux.
Avec le recul, elle t’a servi, cette première expérience à l’étranger ? Oui, c’était très utile en tant qu’expérience personnelle. Avec toutes les difficultés que j’ai rencontrées, j’ai l’impression d’avoir engrangé trois, quatre ans d’expérience. Comme le club jouait le tour préliminaire de la Ligue des champions, je me suis dit que c’était pas mal, mais si c’était à refaire, je ne pense pas que je viendrais à Limassol. Même si c’est une ville sympa : en hiver ou en été, c’est toujours actif. Il y a la mer, il fait tout le temps beau.
Qu’est-ce qui t’a amené au Gefle IF, le club de Gävle ?Quand j’ai appris que le club s’intéressait à moi et qu’il me payait le voyage pour que je vienne à l’essai, je n’ai pas hésité, je suis venu tout de suite. Le directeur sportif est venu me chercher à l’aéroport. Ils m’ont fait dormir à l’hôtel de l’aéroport la veille pour que je sois dans les meilleures conditions pour faire l’essai au club. Dès que je suis arrivé, je me suis senti à l’aise. Le club m’a trouvé un appartement directement dans le centre ville. Ils m’ont aidé pour emménager. C’était vraiment un accueil familial, ça n’avait pas forcément été le cas à Chypre et même à Ajaccio. Et j’ai été agréablement surpris par les installations.
C’est facile de communiquer dans le groupe ? Les Scandinaves sont réputés pour leur maîtrise de l’anglais…Tout le monde parle anglais dans l’équipe. C’est pareil au quotidien dans les commerces. Du coup, c’est facile de communiquer. Concernant les causeries, le coach parle en suédois et l’assistant-coach me prend à part en m’expliquant en anglais ce que le coach demande. Les dirigeants du club m’ont conseillé d’apprendre la langue, mais ce n’est pas une obligation comme tout le monde parle anglais. Dans la ville, les indications sont en suédois, mais c’est petit, donc je ne me perds pas. Au début, je me suis mis un peu au suédois et j’ai appris quelques trucs. Ceux avec qui je traîne après l’entraînement parlent anglais, donc je n’ai pas approfondi. Dans le groupe, on est trois étrangers hors-Scandinavie : un Ghanéen, un Sierra-Léonais et moi. Il y a aussi deux Finlandais et un Danois.
Quel regard portes-tu sur le niveau de l’Allsvenskan ? En arrivant, je n’avais pas forcément d’image en tête précise du championnat suédois. Finalement, je trouve le niveau pas mal. C’est un bon championnat pour commencer ta carrière, faire beaucoup de matchs en professionnel, sans forcément y rester longtemps. Je trouve que physiquement, c’est largement en-dessous du championnat français. Au point de vue du management, c’est différent. Dans mon club, en tout cas, il y a très peu de turnover. L’entraîneur fait toujours confiance aux mêmes joueurs. Tactiquement, il aime bien les longs ballons et les centres. Mais ça, on le retrouve dans tous les clubs du championnat. À chaque fois qu’on étudie les autres équipes à la vidéo, on regarde des séquences de centres. En fait, tout le monde marque des buts sur des centres.
Comment pourrait-on comparer la façon de travailler en Suède avec la France ? J’ai remarqué que les joueurs travaillent beaucoup plus comparé à ce que j’ai connu à Ajaccio. Ici, les joueurs restent souvent sur le terrain à la fin de l’entraînement ou vont à la salle de musculation. Tu en vois très peu qui repartent directement au vestiaire.
Tu n’es pas le premier expatrié à faire cette remarque. C’est quoi le problème en France, on est trop flemmards ?
Je pense que l’on est un peu flemmards à la base. On n’a pas cette culture du travail. Le problème en France, c’est que si des joueurs – surtout s’ils sont jeunes – font du travail supplémentaire, ça ne va pas être bien vu par le reste du groupe. Ils vont dire : « Ouais, tu veux te faire remarquer par le coach… » Contrairement à ce que je vis en Suède, j’ai l’impression qu’en France, beaucoup de joueurs parlent les uns sur les autres. C’est chacun pour soi. Alors qu’ici, c’est chacun pour les autres. On se tire vers le haut tous ensemble. Tu prends le temps de bien faire les choses. Avec les coéquipiers, on échange souvent. De temps en temps, dans le vestiaire, je comprends un peu ce qu’ils disent en suédois, du coup, j’essaye de leur parler et eux ne me mettent pas de côté.
C’est quoi ta vie en Suède en dehors du foot ? Au niveau visites, je n’ai pas fait grand-chose depuis que je suis arrivé. Gävle, c’est une petite ville (environ 70 000 habitants, ndlr), à environ une heure et demie de Stockholm. Quand on a entraînement, ça ne me dérange pas, je me repose. Quand on a une journée de repos, j’aimerais bien sortir un peu, et là, il n’y a vraiment rien à faire. J’essaye aussi d’aller au cinéma de temps en temps.
Tu as connu un choc culturel en arrivant ?Le temps. Lorsque je suis arrivé, la plus grosse période de froid était passée, mais il neigeait, c’était impressionnant. Je n’avais jamais vu autant de neige, à part quand je suis allé au ski. Quand ils dégageaient les routes, ça arrivait peut-être au-niveau de ma taille. Et puis, en janvier, il faisait -10 degrés. Quand tu joues au foot, tu as les pieds glacés. Mais j’étais bien équipé, je m’entraînais avec trois couches sur moi. En juillet-août, il fait bon : 24, 25 degrés. Maintenant, c’est reparti dans le froid. En ce moment, il fait quatre degrés.
Tu as testé la nourriture locale ?
Les Suédois mangent beaucoup de pommes de terre, de boulettes de viande, du poisson. Ils mettent beaucoup de sauce aussi. Moi, j’ai gardé mon alimentation française. J’ai juste changé mes habitudes au petit-déjeuner – je mange des œufs avec des toasts et des flocons d’avoine. Au club, à chaque fois qu’on mange ensemble, c’est boulettes de viande et pommes de terre avec des fois un peu de poulet.
Quelle est la place du football en Suède par rapport aux autres sports ?Un des sports préférés des Suédois, c’est le hockey. Ils sont super bons au hockey. On a un stade de hockey, il est davantage rempli que le stade de foot situé juste à côté. (il demande à un coéquipier, ndlr.) Il y a entre 6 000 et 7 000 personnes personnes de moyenne au hockey et entre 2 000 et 3 000 au foot. Quand je suis arrivé en février, la saison de hockey venait de se terminer, mais là, j’espère aller voir quelques matchs.
Tu te verrais bien rester plusieurs années en Suède ? Est-ce que tu souhaites revenir en France ? La Suède, c’est un bon pays pour commencer une carrière. Je conseille à tous les jeunes joueurs de venir – mais il faut apprendre l’anglais avant. Moi, je me verrais bien resté. Après, ça dépend si le club se maintient en première division (Gefle IF est quinzième sur seize et relégable à cinq journées de la fin, à cinq points du barragiste Helsingborgs IF, ndlr). J’arrive en fin de contrat, j’ai signé un an, plus deux en option. S’il y a une opportunité en Ligue 1, pourquoi pas, mais ça ne me tente pas plus que ça. En fait, j’espère que je ferai une bonne carrière là où j’aurai l’opportunité d’évoluer. Si j’avais le choix entre une offre suédoise et une offre française toutes deux équivalentes ? Ça dépendrait du discours de l’entraîneur.
En août 2013, tu avais fait tes grands débuts en pro au Parc des Princes avec l’AC Ajaccio. Ça reste doublement gravé dans ta mémoire, vu que vous obtenez le match nul (1-1). Et la rencontre se termine brutalement pour toi avec le choc dans les airs contre Blaise Matuidi… Sur le moment, je ne réalisais pas. Avec le temps, je me dis que quoi qu’il arrive, ça restera mon premier match de Ligue 1 contre le grand PSG ! J’en garde quand même un excellent souvenir, même s’il y a eu le choc de la tête avec Blaise Matuidi.
Par Florian Lefèvre