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Nacho Novo : « Avant ce match, je ne pouvais pas fermer l’œil de la nuit »
Haï par les supporters du Celtic, qui lui ont pour certains envoyé des menaces de mort. Chéri par les fans des Rangers, qui adoraient le voir chambrer le kop de Celtic Park. Nacho Novo a marqué le « Old Firm » de son empreinte pendant ses six saisons passées sous les couleurs des Glasgow Rangers. Aujourd’hui à Belfast où il évolue sous les couleurs du club de Glentoran, c’est dans les couloirs de « L’oval » à la sortie d’un derby face à Linfield que l’on retrouve le milieu espagnol de trente-sept ans. Souriant et détendu malgré la défaite de sa nouvelle équipe, l’homme qui a disputé 16 derbys de Glasgow a pris le temps de nous raconter ses souvenirs de « Old Firm ».
En 2004, après une grosse saison à Dundee, tu as quasiment eu le droit à une sorte de « Old Firm » en coulisse. Le Celtic et les Rangers se sont battus pour te faire signer et tu as choisi de décliner l’offre du Celtic pour choisir les Rangers. Pourquoi ?
Pour plusieurs raisons. D’une part, pour moi, les Rangers ont toujours été le plus grand club de Glasgow, donc j’avais très envie de les rejoindre. Puis quand j’évoluais à Dundee, l’un de mes amis, Mikel Arteta, jouait aux Glasgow Rangers. J’étais allé le voir plusieurs fois et j’avais trouvé l’ambiance à Ibrox Park fabuleuse. L’autre raison, c’est qu’à ce moment-là, les Rangers s’étaient lancés dans une politique de recrutement très ambitieuse en faisant signer pas mal de très bons joueurs, dont un certain Dado Pršo. Donc j’ai pensé que le meilleur choix pour moi était de signer là-bas.
Le derby, Celtic-Glasgow, c’est quelque chose dont on t’a parlé dès tes premiers jours à l’entraînement ? (Il se marre) Oui, carrément. J’étais déjà au courant de l’importance de ce match, car j’avais joué deux saisons en Écosse avant de rejoindre les Rangers. Mikel Arteta m’en avait parlé, mais c’est vrai que ça a été l’un de mes premiers sujets de conversation avec mes nouveaux coéquipiers. Mais bon, vous avez beau en parler, on comprend vraiment ce que c’est une semaine avant la rencontre…
Et alors, ça ressemble à quoi, Glasgow à une semaine de derby ?C’est fou et vous sentez que quelque chose d’important se passe, dès que vous prenez votre voiture pour vous rendre à l’entraînement. La ville est toute bleue d’un côté et blanche et verte de l’autre. Quand je me baladais, je me faisais insulter par les fans du Celtic, alors que dans l’autre sens, je recevais plein de messages d’encouragement de la part des supporters des Rangers. La pression est vraiment incroyable. Je pense que c’est la plus belle chose que j’ai vécue dans ma carrière de footballeur. Pour moi, c’est l’une des plus grosses rivalités dans le football actuel et vous le sentez en tant que joueur. Avant ce match, je ne pouvais pas fermer l’œil de la nuit.
Tu t’en es bien sorti en étant souvent excellent, voire carrément décisif lors de ces rencontres. Comment expliques-tu cela ?
Tout simplement parce que quand j’entrais sur le terrain pour jouer contre le Celtic, je me sentais comme un fan des Rangers. J’avais envie de les battre. Je n’aime pas les fans du Celtic. Dès mes premières rencontres contre eux, ils m’ont pris à partie, ils ne m’aimaient pas et c’était réciproque. Ça me motivait énormément, je me sentais dans un état spécial lors de ces matchs.
C’était quoi cet état spécial ? Je ne sais pas, j’avais une motivation supplémentaire du fait que les fans du Celtic me détestaient. Mais c’est aussi tout le folklore autour du match. J’ai joué au Bernabéu devant 90 000 personnes, ou même au Camp Nou, mais pour moi ce match, c’est encore différent. Il y a moins de monde en tribune, mais le bruit, l’atmosphère, c’est un truc que tu ne vis pas ailleurs et ça me poussait à tout donner.
L’atmosphère que tu décris a aussi un côté sombre. À plusieurs reprises, certains supporters du Celtic t’ont envoyé des menaces de mort. Tu n’as jamais eu peur pour ta sécurité ? Non, jamais. À partir du moment où j’ai reçu des menaces, les Glasgow Rangers ont tout mis en œuvre pour faire en sorte qu’il ne m’arrive rien. J’avais un garde du corps avec moi tous les jours pendant un moment. Mais pour être honnête, je m’en fichais. Je ne faisais que jouer au foot, je n’avais rien à cacher et j’avais entière confiance dans le club.
Ta réponse, c’était de chambrer les supporters du Celtic à chaque fois que tu marquais contre eux…(Il rigole) Oui, car ils sont assez fiers.
Ils se considèrent comme les meilleurs fans du monde, et moi je ne suis pas d’accord avec ça. Plusieurs fois, ils ont essayé de m’attaquer, et puis il y a eu ce jour où ils m’ont lancé un bout de papier, avec une balle de pistolet à l’intérieur et un message « On espère que tu vas mourir » avec la signature IRA. Donc quand je marquais contre le Celtic, je prenais plaisir à aller les chambrer pour leur montrer que moi non plus, je ne les aimais pas, et que je n’avais pas peur.
C’est quoi ton plus gros souvenir de derby ? Le premier que j’ai disputé en 2005. Il me semble que ça faisait plus de cinq ans que l’on n’avait pas battu le Celtic. On n’avait pas arrêté de nous le rappeler toute la semaine. On finit par gagner 3 à 1 en fin de match et je marque le dernier but de la rencontre. Ça a été un gros soulagement pour nous, on a passé un super moment après le match avec les fans. Puis on est parti faire une grosse fête entre joueurs. Un grand souvenir.
Aujourd’hui, il paraît que ton fils évolue dans les équipes jeunes des Glasgow Rangers, t’aimerais le voir un jour porter le maillot bleu lors d’un derby ? Honnêtement, je ne lui mets absolument pas la pression avec le foot. Tout de suite il est à fond, mais si un jour il veut faire autre chose, je comprendrai parfaitement. S’il devient footballeur, j’espère qu’il sera meilleur que son père. La seule chose que je peux vous assurer, c’est qu’il ne portera jamais le maillot du Celtic.
Propos recueillis par Charles Thiallier, à Belfast