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MZ : « L’Euro ? J’espère qu’on va tous les frapper ! »
Dehmo, Hache-P et Jok'air forment la MZ. Un groupe de rap qui est en train de faire son trou. Et si les trois MCs sont à l'aise micro en mains, ils le sont encore plus quand il s'agit d'utiliser leurs pieds. Entretien entre histoire de ballon rond, équipe de France et anecdotes de quartier.
Vous venez du 13e arrondissement de Paris, comment avez-vous grandi ici ? Dehmo : On a grandi entre nous, on est très sectaires en fait. On n’aime pas trop s’ouvrir aux autres, pas parce qu’on ne les aime pas ou autre, c’est juste que c’est notre mentalité. C’est comme ça depuis le début.
C’est une force du coup ? Dehmo : Ouais, c’est notre force même. On ne va pas trop voir à gauche ou à droite, et ça se ressent dans les sons qu’on produit. C’est clair.
Et l’enfance ? L’école ? Comment ça s’est passé pour vous ? Dehmo :
Oh, un peu comme tous les jeunes (rires), tu vas à l’école, tu te mets à l’arrière de la classe, tu fous la merde, tu comprends rien au cours de maths. T’as plutôt envie d’aller t’amuser que d’apprendre, t’as peur quand le bulletin arrive à la maison. Tu vois le délire ? C’est ta plus grande peur, ça. On n’avait pas les soucis qu’on peut avoir aujourd’hui. Le plus grand de nos soucis à l’époque, c’était la boîte aux lettres.
Et le foot dans tout ça ? Dehmo : Le foot, c’était dans la cour de récré…
Ça se prenait pour Zizou ? Dehmo : Oh, tu sais, ce sont les autres qui te font te sentir comme Zidane. Hache-p et moi-même sommes des joueurs de foot depuis tout petits, et on excelle dans ce sport (rires). Jok’air, lui, son truc, c’est le basket. Hache-P : J’ai joué tous les postes dans l’axe, moi ! 5, 6, 10, attaquant de pointe, tous ! Parce que je suis ambidextre, pour de vrai. Corner pied droit, corner pied gauche. Et les coups francs aussi. Les gardiens de l’Île-de-France me connaissent, c’est sûr (rires). Dehmo : Quand on jouait et qu’il y avait des coups francs, il nous faisait juste un signe en mode « laisse-moi le tirer, je sors l’équipe du pétrin » (rires). Moi aussi, j’étais très polyvalent, mais le poste qui m’allait le mieux, c’était celui du 10. Mais moi, c’était plus sérieux, j’ai eu deux clubs dans ma vie. D’abord le FC Gobelins, le club du quartier, quoi. Ils sont devenus super forts, mais avant, c’était pas le même niveau. C’était un club moyen. Ils faisaient des barbecues (rires). Après, je suis allé à Évry, et là c’était un gros niveau. Je suis monté jusqu’en 14 ans fédéraux. Donc je n’étais pas mauvais, mais le foot, je m’en foutais au final. Je préférais rester au quartier. Je n’aimais pas les entraînements, je voulais venir jouer que le dimanche, moi ! Et ma fracture du bras m’a fait tourner cette page petit à petit.
Au quartier, ça joue comment d’ailleurs ? Hache-P :
Au quartier ? Ça joue très dur. On est plus dur que technique, ça c’est sûr. Écoute, c’est simple. Dernièrement, on a participé à un tournoi organisé par la radio Génération. Il y avait des footeux pros, de différents horizons. On est arrivé en demi-finales contre une équipe de futsal. On menait 3-0 – d’ailleurs, je suis impliqué sur les trois buts (rires) – et pourtant au début du tournoi, tout le monde nous regardait comme des types de dessins animés ! Dehmo : Sincèrement, il faut dire qu’on n’avait aucune dégaine ! Même notre manager ne croyait pas en nous (rires). Toutes les autres équipes avaient sorti le gros matos, les beaux maillots, etc. Moi, je portais un jogging cannabis, tu vois le délire ! (rires) Hache-P : Et on a perdu parce qu’ils ont triché ! Il y a eu des magouilles avec l’arbitre du match. Il nous a refusé un but valable et a rajouté du temps à la fin, sans raison. Après on a joué énervé, et du coup, on a perdu notre jeu. Mais franchement, c’étaient des pros, et pourtant ils étaient claqués ! Et en plus, je vais te dire un truc… on jouait sous Jack ! Alors imagine en étant sobre ! Mais bon, ça restera un bon souvenir.
Justement, votre plus beau souvenir de foot, c’est quoi ? Hache-P : Moi, c’était un match contre le Paris FC. Tu vois le but de Trezeguet en finale de l’Euro 2000 ? C’était le même ! Jok me met un centre en retrait, je fais une demi-reprise, et boum ! Bon, moi, c’était pas en lucarne, mais bon. J’ai dégoûté le gardien ! Après, ils reviennent à 1-1 et mènent même 2-1. Et à la dernière minute, coup franc pour nous. Je te laisse deviner qui l’a tiré ! Le coach me demande de centrer, je lui répond : « T’es fou ou quoi ? » Ça a terminé dans le but, évidemment ! C’était beau quand même. Dehmo : Moi, j’étais en poussins, et à l’époque, je jouais gardien. C’était à mes débuts. J’ai fait un ou deux arrêts, donc le coach me pensait bon. Et un jour de match, on perdait 6-1. J’ai demandé direct à ce qu’on me laisse jouer ! J’ai dribblé je ne sais plus combien de fois tout le terrain, et on a gagné 7-8. Et j’en ai mis sept, des buts (rires).
Costaud… Et à la télé, il y a un match qui vous reste à l’esprit ? Dehmo :
Ouais, le Côte d’Ivoire – Égypte de 2006 ! Quand les Ivoiriens ont perdu avec des magouilles bizarres, j’avais vraiment la rage, et ce jour-là, mon cœur s’est brisé et mon amour pour le foot en a pris un coup aussi d’une certaine manière. Jok’air : Sinon, le Côte d’Ivoire-Grèce en 2014 ! L’arbitre siffle penalty à la dernière minute, et Samaras marque, mais il n’y avait rien sur lui ! Il tombe tout seul ! C’était un truc de fou.
Et il y a des joueurs qui vont ont vraiment marqué ? Dehmo : Ouais ! J’avoue qu’au départ, je supportais le PSG, quand il y avait Pauleta, et puis Drogba est arrivé à Marseille. Je me suis dis « Mais qu’est-ce que tu vas faire avec Pauleta ? » et je me suis mis à bien aimer l’OM, pour Drogba !
Jok’air : Tu sais quoi, le plus grand joueur que j’ai connu de ma vie, c’est Kader Keita. Il avait la hargne, la technique, le physique ! Franchement, ce mec-là, il n’avait rien à envier à Cristiano Ronaldo. Hache-P : C’est clair, c’est l’alcool qui l’a eu ! Tu te rappelles Lille-Manchester United en Ligue des champions ? Kader Keita, il a montré à Cristiano Ronaldo ce qu’il savait faire ! Il l’a prouvé ! Contre l’AC Milan aussi ! Mais il fallait qu’il aille en Angleterre. Après bien sûr, il y a eu Drogba, et surtout, le meilleur, ça restera Ronaldo, le vrai. Quand tu vois que Zlatan ferme sa gueule en face de lui, ça veut tout dire !
Et pour vous, c’est qui le plus grand joueur africain ?Hache-P : Pour moi, c’est Drogba. Le mec avait tout ! Dans les airs, Didier prenait tout ! Toujours à l’affût pour une reprise, une déviation, une frappe. Un vrai attaquant quoi. Jok’air : Oh les gars, n’oubliez pas Aruna Dindane… Mais dans tous les cas, je dis Kader Keita ! Et je ne dis pas ça parce que je suis ivoirien, hein ! Dehmo : C’est un mytho, lui ! Il serait pas ivoirien, mais camerounais, ça aurait été Eto’o. Hache-P : Il a été très fort Eto’o quand même…
Et George Weah, dans l’histoire ? Hache-P : Non, non, ne compare pas… C’est incomparable ! Eto’o a marqué dans les meilleurs clubs, il a placé son pays sur la carte du monde. Dehmo : Ce n’était pas la même époque non plus. Peut-être que si on le mettait dans cette époque, il aurait tout cassé.
Et votre joueur frisson, c’est qui ? Hache-P : Ronaldinho et plus récemment Neymar, c’est de la violence… Dehmo :
Les joueurs comme Neymar sont forts, hein, mais ils ne savent pas jongler simplement. Ils sont obligés de te faire des trucs qui servent à rien. Mais je pense que dans le domaine, Ronaldinho excelle. Neymar, ça se voit que c’est emprunté. Ronaldinho, la manière dont il contrôle, c’est inné. Il voit tout venir, le mec vit pour ça. Neymar, c’est du genre à prendre son geste et à le refaire à sa sauce. Un vrai mec technique, il est prêt à prendre des coups. Ils ne vont pas chialer comme tous aujourd’hui. Il faut s’attendre à se faire casser, ça veut dire que tu percutes bien et que tu fais bien le boulot.
Le mélange des deux, ce serait pas Hazard ? Dehmo : Parfois, quand il prend des coups, il se relève et il sourit. Hache-P : Il est vif, costaud avec ses petits muscles là, mais dans le style, je trouve que Gervinho est meilleur. Ils ont joué ensemble à Lille, d’ailleurs. Gervinho, c’est un gars qui percute. Toute sa vie, il a percuté. Maintenant, il est allé percuter pour 60 000 euros par match.
Et l’Euro, comment vous le sentez ? Dehmo : J’suis pour la France ! J’espère qu’on va tous les frapper. Hache-P : Moi aussi, je dis la France, même si Deschamps n’a pas pris mes gars Ben Arfa et Dembélé. J’étais un peu fâché, franchement. Dehmo : Ouais, c’est vrai que Ben Arfa, c’est dommage. Il commence à chiffrer niveau âge. Pourtant, c’était le meilleur techniquement cette saison en France. Donc tu ne peux pas sortir l’excuse de la faiblesse du championnat français. Hatem, il ne jouait pas dans une assez grosse équipe. Il y avait toutes les raisons de le prendre. Ce serait juste le petit bémol des 23. Mais après, je m’en fous, je reste français. Hache-P : C’est comme Lass Diarra qui se blesse. Le sélectionneur prend Schneiderlin, un joueur qui n’a quasiment pas joué de la saison malgré le fait qu’il soit à Manchester. Dans ce cas-là, il fallait prendre Rabiot, titulaire au PSG et auteur d’une super saison. Je pige pas… Jok’air : En plus, c’est notre gars, il passe de la MZ dans les vestiaires du PSG !
Le seul bémol de l’EdF, donc, c’est le secteur défensif… Rami, il vous fait peur ? Hache-P : Défensivement, c’est le brouillard. D’ailleurs, petite fierté du côté de Manchester United avec Éric Bailly qui vient de signer pour 40 millions d’euros. Un Ivoirien, les gars (rires) ! Dehmo :
C’est absolument pas un joueur rassurant. C’est le genre de défenseur à pouvoir te mettre des mains dans la surface, par exemple. Il peut te faire un match parfait, mais à un moment, le mec va te faire une erreur de poussin, un truc d’enfant ! C’est un « défenseur dingueries » ! Je déteste ce genre de défenseur, ils peuvent être super forts, mais une erreur d’inattention et ils peuvent te faire n’importe quoi. Ceux qui font des dingueries sont des joueurs nerveux. Sakho, c’est un joueur du même style. Pourtant, les mecs sont super forts !
Qu’est-ce qui pourrait empêcher l’EdF d’aller au bout, du coup ? Hache-P : Adil Rami ! (rires) Dehmo : Les polémiques autour de tout ce qui se passe en dehors des terrains. L’affaire Benzema et compagnie. Giroud, tout le monde le conspue, est-ce que c’est bien ? Bah non ! Tout le monde lui est tombé sur la gueule. Pourtant, lui, il n’a jamais rien dit. Il est là, à la disposition de l’équipe. Il fait de son mieux. Si Didier Deschamps le sélectionne, c’est pas pour rien. On a une putain d’équipe, mais les gens n’arrêtent jamais de parler. Hache-P : En vrai, le coup de Ben Arfa et Dembélé m’est resté en travers. Dembélé, il est plus fort que Coman. Il a autant de percussion, mais une meilleure finition.Dehmo : Sauf que Coman est là depuis plus longtemps et évolue dans un grand club, alors que Dembélé a le temps de voir venir. Il a même pas encore goûté à l’équipe de France. Ce sont des facteurs à prendre en compte pour une compétition comme l’Euro. Hache-P : Mais regarde en Angleterre, ils ont bien pris Rashford alors que le type ne joue que depuis cinq mois…Dehmo : Mais l’Angleterre, ils n’ont pas de joueurs. Nous, à part en défense, on a trop de joueurs.Hache-P : Ok, alors donne-moi un joueur français plus fort que Rooney.Dehmo : Si Rooney était français, on aurait dit : « Ouais, lui, il était chaud avant, mais maintenant, il fait plus rien. » On l’aurait taillé violemment, même. Wayne, on le respecte pour ce qu’il a fait. C’est normal, mais il a quand même baissé de ouf.
Dernière question… Qui est le plus fort à FIFA ? Dehmo : J’annonce, je suis le plus naze ! Pourtant, au vrai foot, de nous trois, c’est moi le meilleur. Jok’air : Hache-P, il est toujours au milieu, en fait ! C’est toujours le deuxième, en vrai, comme sur FIFA (rires). Hache-P : Putain, mais dis la vérité… La dernière fois, je lui ai dit : « Jok’air, à FIFA, tu peux plus me battre. » On a joué, on a fait trois matchs, je l’ai battu deux fois et lui, une. Jok’air :
Je reconnais, il m’a battu deux fois, mais je n’étais pas bien mentalement. Mais depuis que FIFA 16 est sorti, tu sais combien de fois il m’a battu ? C’est la quatrième fois qu’il me bat ! Et pourtant, on a dû faire une cinquantaine de matchs, hein. Hache-P : C’est quoi le problème ? Je vais te le dire. Depuis que je me trimbale toujours avec la Play pas très loin, il m’esquive ! On rentrait d’un week-end là, on avait trois jours pour jouer. Le premier jour, je l’ai frappé. Le deuxième, je l’appelle, il répond pas, je vais dans sa chambre, je le vois checker son téléphone, mais pourtant, monsieur était sur messagerie. Je lui envoyais des « trouillards » par texto. Il répondait pas (rires). Jok’air : Hache-P, il aime trop parler… Arrête mon frère ! Est-ce que tu as déjà eu le mien, même ? Parfois, on se fait des soirées, je le bats dix fois d’affilée. Quand t’en as marre de taper quelqu’un, tu arrêtes de taper. Je n’ai pas la console et je le frappe, alors que le type joue en réseau.
Propos recueillis par Maxime Nadjarian et Gad Messika