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M’Vila, la rédemption passe par Milan
Sur la pointe des pieds, Yann M'Vila a fait son retour de ce côté-là de l'Europe. L'ancien milieu de terrain de l'équipe de France s'est engagé avec l'Inter Milan, et espère bien repartir de zéro. À tout point de vue.
La technique est bien rodée. Yann M’Vila voulait revenir par ici, après un exil en Russie. Mais le joueur voulait faire ça en toute discrétion. Alors, pour ne pas faire de vague, il a choisi le moment où tous les yeux étaient rivés sur le Brésil. En pleine Coupe du monde, l’ancien milieu de terrain du Stade rennais s’est engagé pour quatre ans avec l’Inter Milan. La formule est celle d’un prêt de deux ans à deux millions d’euros (un million maintenant, un million en juillet 2015), avec obligation d’achat fixée à 9 millions au terme de la saison 2015-16. Effectivement, pratiquement personne n’en a parlé, pas même en Italie, où on a préféré évoquer, notamment dans la Gazzetta dello Sport, l’arrivée à Milan de Nabila, la copine de M’Vila selon le quotidien rose. Qu’on parle peu de lui, c’est finalement ce que M’Vila souhaitait. Car le natif d’Amiens a appris à ses dépens qu’il valait parfois mieux se faire oublier, plutôt que d’être sous le feu des projecteurs. Lui qui, le 8 novembre 2012, a été suspendu de toute sélection en équipe nationale pour une durée de 19 mois, suite à l’affaire de la sortie en boîte avant un match de qualification à l’Euro Espoirs 2013. La suspension a pris fin le 30 juin 2014. M’Vila est désormais un homme libre, et aussi un homme sélectionnable. Il le sait. Et c’est pour cela qu’il est revenu.
Discours bien rodé
Janvier 2013. M’Vila est paumé. Trop de pression, trop de choses dites sur lui. Il est courtisé par QPR, en Angleterre, mais il fait un choix étonnant, en décidant de rejoindre le Rubin Kazan. Étonnant, vraiment ? Non. Car après ce qu’il venait de vivre, le brassage médiatique, la suspension, il fallait s’isoler. S’isoler dans un pays où le niveau est en constante progression, toutefois, de façon à ne pas perdre le rythme non plus. Mais l’idée générale, c’était de laisser l’orage passer. Et le bilan de son passage dans le Tatarstan est clairement mi-figue mi-raisin. 37 matchs toutes compétitions confondues, une participation à l’Europa League, et pas grand-chose de plus. Pas de coup d’éclat, mais pas non plus d’écarts ou de dérapages. Yann a été sage, puis a tout aussi sagement regardé les performances de l’équipe de France au Brésil, en y voyant Griezmann devenir le nouveau chouchou des Français, alors que les deux étaient dans le même bateau ce soir d’octobre 2012.
Mais pas de rancœur. M’Vila sait que le plus dur est derrière lui. La suspension est terminée, l’exil en Russie aussi. Il est temps de revenir aux affaires sérieuses. Et pour ce, le joueur a choisi sa destination : Milan, rive nerazzurra. Pourquoi là et pas ailleurs ? L’ancien Rennais apporte ses explications. « Le Dinamo Moscou était intéressé pour me faire signer. Mais dès que j’ai su que l’Inter s’intéressait à moi, ça a fait tilt. C’est un club important, qui a entamé un nouveau cycle avec Mazzarri. Il y a des choses à faire ici, à construire, aussi bien pour le club, que pour moi » a-t-il affirmé lors de sa présentation officielle. Autre preuve que le joueur veut repartir sur de bonnes bases : il a accepté de revoir son salaire à la baisse pour venir en Italie. « Oui, j’ai renoncé à de l’argent pour venir dans ce club. J’ai considéré le projet sportif avant tout. J’aime le foot et je veux jouer. J’ai 24 ans, et du temps pour gagner de l’argent, j’en ai encore pas mal devant moi. » Un discours bien rodé, qui convaincrait presque les plus sceptiques.
« Futur patron des Bleus pour les 15 prochaines années »
Que M’Vila veuille se racheter une conduite, on l’a bien compris. Même si, au fond, le joueur a clairement été le bouc émissaire d’une affaire pas si grave que ça. D’ailleurs, quand un journaliste italien lui demande s’il est vraiment « un bad boy » , M’Vila répond du tac au tac : « Peut-être que je l’ai été. Peut-être aussi que ce sont des conneries de journalistes français, je ne sais pas. » Maintenant, reste le plus important : retrouver le niveau qui l’avait propulsé au rang de « futur patron des Bleus pour les 15 prochaines années » . Car, on a tendance à l’oublier, M’Vila était bien parti pour être le pilier de l’équipe de France, du haut de ses 21 ans. Aujourd’hui, lorsque l’on voit le milieu de terrain mis en place par Didier Deschamps, on se dit qu’un M’Vila au top aurait parfaitement sa place ici, aux côtés de Pogba, Cabaye ou Matuidi. Voilà aussi pourquoi il a choisi l’Inter. Parce que, même si la Serie A n’a plus son resplendissement d’antan, elle demeure un championnat compétitif, où il va devoir être au top physiquement. « Après la tournée de l’Inter aux USA, je serai prêt. Ce qu’il faut, c’est que je joue. Puis il faudra être bon pour donner envie à Mazzarri de me faire jouer encore, et ainsi de suite » , a-t-il précisé.
Double bonus avec ce choix de l’Inter. D’une, le club interista va jouer cette saison l’Europa League. De deux, Walter Mazzarri, arrivé la saison dernière sur le banc du club, n’a pas encore trouvé son onze idéal. Il dispose de nombreux joueurs au milieu de terrain (Kovačić, Álvarez, Guarín, Kuzmanović, Hernanes, Schelotto, Taïder, Khrin) et aura l’embarras du choix pour créer son milieu idéal. L’occasion pour M’Vila de faire ses preuves et de démontrer à son nouveau coach qu’il mérite d’en être. Mazzarri, d’ailleurs, connaît le potentiel de sa nouvelle recrue. Mais il préfère jouer la technique de la carotte. « Il vient d’arriver et il a encore besoin d’entraînement. Il ne s’est pas entraîné depuis longtemps, mais vous pouvez tout de suite voir qu’il est à l’aise avec le ballon et qu’il a une bonne vision du jeu. Il devra s’entraîner durement pour avoir des minutes au compteur, mais dans le contexte actuel, je peux vous dire qu’il a fait aussi bien que ses coéquipiers » , a-t-il affirmé après le premier match amical de l’Inter, au cours duquel M’Vila est entré en jeu. Lors des prochains jours, l’Inter se rendra aux États-Unis pour y affronter le Real Madrid (club que M’Vila aurait pu rejoindre lors de l’été 2012), Manchester United et la Roma. Trois gros rendez-vous et autant d’occasions pour M’Vila de prouver qu’il en a encore sous le capot. Et que le moteur n’a pas été givré dans le grand froid de Kazan.
Éric Maggiori