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Mustafi, loin de la mise en bière
Central du FC Valence depuis l'été 2014, l'international allemand, également globe-trotter européen, s'est rapidement mué en valeur sûre de la Liga. Au point de devenir cette saison l'étendard d'un fanion ché en quête de titres. Portrait d'un guerrier qui ne porte pas la bière dans son cœur.
La Ciudad Deportiva de Paterna accueille, chaque jour, les licenciés du FC Valence, des stars des Chés aux pupilles de la cantera, en passant par les partenaires commerciaux. De fait, les joueurs de l’équipe première servent la soupe dans une salle de presse décorée par des sponsors en tout genre. Estrella, la marque de bière locale, en fait partie. Un marketing envahissant qui n’est pas du goût de Shkodran Mustafi. De confession musulmane, l’international allemand aux origines albanaises « ne veu(t) pas de la bière » qui se trouve devant lui. Une discussion avec le chef de presse plus tard, il lâche un ironique « je vais te tuer » et, le regard noir tourné vers cette dite bouteille, entame sa conférence de presse. Cet instantané, loin d’être une affaire d’État, illustre l’âpreté et l’intransigeance du central valencien. Car, malgré ses seuls 23 printemps, le natif de Bad Hersfeld renvoie déjà aux caractéristiques d’un padre des prés. Une maturité précoce qui lui permet d’endosser le costume, laissé vacant par Nicolas Otamendi, d’étendard d’un FC Valence aux ambitions floues.
Mustafi : « La crise ? Ils sont tous avec le dernier iPhone »
« Mon cerveau est un peu plus vieux que mon âge. » L’aveu a de quoi laisser perplexe. Plus qu’une anomalie scientifique, l’aveu de Shkodran Mustafi au Pais pointe du doigt sa vie de globe-trotter. D’abord formé dans les catégories de jeunes d’Hambourg, il s’exile rapidement en Angleterre et, plus précisément, du côté de Liverpool. Sans jamais fouler le maillot d’Everton en Premier League, il décide, en janvier 2012, de partir pour l’Italie et la Sampdoria de Gênes. Avant, à l’été 2014, de s’engager pour le FC Valence. De quoi lui offrir quelques perspectives sur les différentes mentalités européennes : « En Italie et en Espagne, les gens aiment la vie. Les Allemands et les Anglais, eux, sont toujours en train de travailler et de regarder vers le futur. En Espagne, ce qui se passera dans le futur appartient au futur. » Ses périples le pressent également à être critique quant à la situation économique de ces pays : « Sincèrement, je ne vois pas la crise. Tout le monde en parle, mais quand tu sors, tu les vois tous avec le dernier iPhone ou ordinateur. Ils devraient tous être heureux de vivre en Europe. En Afrique, ils verraient la vraie crise. »
Idem, ces expériences au sein des quatre pays les plus importants du panorama footballistique européen lui décernent le profil de « défenseur moderne » . Rapide, puissant, physique et technique, il a gardé le meilleur des championnats auxquels il s’est frotté. « En Angleterre, le football est divertissant, dur et rapide. Il y a peu de place à la tactique : c’est tout devant ou tout derrière. En Italie, le football est bien plus tactique et lent. Et en Espagne, c’est une version plus rapide du calcio, un mélange d’anglais et d’italien : rapide, technique et tactique. J’ai beaucoup grandi à jouer dans différents pays » , ponctue-t-il. Pour autant, tous ses périples ne sont pas synonymes de réussite. Après avoir choisi l’exil en Angleterre au lieu de prolonger avec Hambourg, il découvre les joies de l’anonymat. Pour sûr, en trois saisons, il n’entre jamais en jeu en Premier League. Qu’importe, puisque « tu dois penser à grandir en tant que personne et joueur » . Une philosophie qui lui vient de son paternel, immigré albanais en Allemagne : « Mon père m’a toujours dit « Ne te préoccupe pas de l’argent quand tu es jeune. Il viendra si tu continues de travailler. » »
Étendard des Chés, avant une disgrâce à la Otamendi ?
Le labeur payant, il se retrouve donc aujourd’hui l’étendard et la coqueluche de Mestalla. Un statut qu’il a, durant l’été, chipé à son ancien comparse de l’axe central Otamendi, parti en disgrâce aux yeux de l’aficion valencienne pour Manchester City. Le jeune âge de Mustafi ne l’empêche donc pas de gagner en galon. Quoi de plus normal : à 22 ans, il fait partie de l’escouade allemande qui remporte le Mondial brésilien. Un succès qui, loin de lui faire tourner la tête, le responsabilise : « Tu dois prendre conscience que c’est le plus grand trophée possible. C’est un rêve, oui, mais également une énorme pression parce que tu dois démontrer tous les week-ends que tu es champion du monde. Mais je suis jeune, j’apprends toujours et je commets des erreurs. Je dois oublier ce que j’ai gagné pour me concentrer sur Valence. » Ce discours, juxtaposé à une hargne de tous les instants sur le pré, lui octroie l’amour des Chés. Un amour qui pourrait rapidement prendre du plomb dans l’aile : de nombreuses grosses écuries, comme le Real Madrid, se sont déjà renseignées.
Par Robin Delorme, à Madrid