- C1
- Finale 1993
- OM-Milan (1-0)
Munich 93 : l’OM pour une étoile !
Prononcez ces mots : « la coupe aux grandes oreilles », et tout le reste suit. OM, 1993, 26 mai, Munich, Boli, coup de tête, 1-0, Tapie, Deschamps, virage blanc des Marseillais, Goethals, première C1 française ! Et les rubans bleu et blanc attachés au plus beau des trophées...
Dédicace à Melvin !
« La balle arrive sur moi. Il y a Rijkaard et Baresi qui me retiennent complètement ! Et c’est là que je dis que les « génies du foot » étaient avec nous parce que c’est en redescendant que je prends le ballon de la tête(Basile désigne le haut de son crâne gauche): c’est Rijkaard et Baresi qui me « redescendent » quand la balle frappe ma tête ! Et puis là, la balle part ! Linéaire… Et je la suis, je la vois partir derrière moi, quand je redescends… Elle part vers l’histoire… Au fond ! » Basile Boli m’avait longuement conté « sa » finale en passant par tous ses états : émotions, rires, gravité, incrédulité, sourires malicieux, courts silences, trépignements… Il n’avait rien oublié de ce 26 mai : l’avant, le pendant et l’après. C’est surtout l’avant qui fut épique. Il y a d’abord cette blessure au genou qui ne guérit pas et qui le dispensera du match contre VA le 20 mai (1-0). Or, Tapie avait été inflexible : ne joueront la finale à Munich que tous ceux qui auront été du déplacement à Valenciennes. C’est Raymond Goethals qui sauvera la mise d’un Basile pourtant très diminué ! L’avant, c’est aussi la montée à Notre-Dame-de-la-Garde avant de partir à Munich. Abedi le musulman, Bokšić l’orthodoxe et Völler le protestant : ils sont tous de la virée à la Bonne Mère ! Deux jours avant la finale, Basile appelle son frangin, tout juste papa d’un petit Elvin, pour lui demander d’être le parrain du petit neveu : « Si jamais je marque un but, je le lui dédierai, au petit Elvin ! » Avant le match, enfin, le pote Abedi Pelé lui glisse fermement : « Écoute, Baze. D’habitude, je centre toujours mes corners au deuxième poteau. Mais, là, putain ! Ils sont trop grands, les Milanais. Alors, cette fois-ci, je vais frapper mes corners plus courts. Essaye d’aller couper au premier poteau. » OK, d’accord. Sauf que… Au bout de dix minutes de jeu, le genou de « Baze » couine ! Il veut en finir : « Allez voir le coach et dites-lui que j’ai envie de sortir » , balance-t-il au docteur Bailly venu soigner un coéquipier. Rudi Völler vient alors l’engueuler : « Ça ne va pas, non ?! Tu restes ! Il faut que tu t’accroches ! » Tapie ordonne à son tour au banc phocéen : Boli ne sort pas ! L’autre médecin de l’OM répercute l’ordre : « Non, Basile. Tu ne sors pas. » Deschamps et Desailly en rajoutent trois couches : « Ah, non, Baze ! Tu ne sors pas. Tu restes ! » La suite, tout le monde la connaît : à jamais les premiers, Basile pour l’éternité…
Un corner imaginaire…
Le foot français n’était donc pas maudit. Il fallait en fait que la D1 soit d’abord très compétitive pour que la lose tenace des clubs français s’éclipse s’enfin. Et c’était le cas en ce début de décennie 1990. Après la demi-finale volée en 1990 face au Benfica, l’OM avait perdu d’un souffle aux TAB la finale de C1 1991 après avoir dominé l’Étoile rouge de Belgrade. En quarts, Raymond-la-Science avait donné la leçon à Sacchi et à ses Rossoneri (1-1 et 1-0 devenu 3-0 sur tapis vert). En 1992, l’AS Monaco perturbée par le drame de Furiani avait plongé face à un Werder Brême insignifiant (2-0). En 1993, l’OM avait encore atteint la finale de C1 alors qu’en Coupe UEFA, la France plaçait deux demi-finalistes, Auxerre et le PSG, sortis par Dortmund et la Juve. C’était dans l’air : avec une deuxième finale en trois ans, l’OM abordait la marche ultime dans une position d’outsider, certes, mais avec de sérieux arguments à opposer au Milan de Fabio Capello. Car derrière un 5-2-3 et sa défense axiale à trois (Desailly, Boli, Angloma) et ses deux latéraux (Di Meco, Eydelie), Marseille aligne un redoutable trident offensif Völler-Bokšić-Pelé. Comme un message fort destiné à faire comprendre aux Milanais que l’OM subira, mais saura piquer et mordre ! Car c’est ce qui se passera durant 90 minutes. La domination des Italiens, grâce à leur duo Van Basten-Massaro dangereux, mais heureusement inefficient, sera globalement bien contenue par un bloc phocéen bien discipliné. Et devant, des actions d’éclat de ses attaquants gêneront Milan, Völler ratant même l’ouverture du score en début de match…
Un match équilibré en somme, dont on se doutait qu’il se jouerait à pas grand-chose. Un faux corner, en fait. Car sur l’action qui amène le coup de pied de coin suivi du but de Boli à la 43e, c’est bien Abedi Pelé qui touche le ballon en dernier dans son duel avec Maldini sur la ligne de sortie de balle ! À la mi-temps sifflée sur le 1-0 marseillais, les réalisateurs de la RAI ne s’y trompent pas en passant l’action Maldini-Pelé plusieurs fois au ralenti… La TV italienne s’attarde aussi sur JPP se préparant à une entrée imminente. Le regard trop surdéterminé du Ballon d’or 1991 trahit déjà un destin contrarié. Il entrera à la 58e à la place de Donadoni sur un coup de poker offensif de Capello : un passage à trois attaquants. Trop fébrile face à ses anciens coéquipiers, il ne sera jamais dans le ton de ce match au sommet, et Marseille tiendra le score jusqu’au bout.
Boli-Pelé, récidivistes contre Paris…
La victoire olympienne acquise grâce à un bloc compact, un collectif soudé, un « commando fada » , ne distinguera que deux personnalités : Boli, le buteur, bien sûr, et puis ce jeune et chevelu gardien de but prometteur au sourire plein de zénitude, Fabien Barthez. À 22 ans à peine, le rookie a tenu la baraque, sauvant même l’OM sur une frappe à bout portant de Van Basten. Sans une fracture du péroné de Pascal Olmeta plus tôt dans la saison, Fabien de Lavelenet n’aurait pas lancé sa carrière légendaire par un sacre continental… Autre héros phocéen, Didier Deschamps a fait son boulot de « souleveur de trophée » . À Munich, il a fait sien le bon conseil de Platoche : « Didier, quand tu vas à la tribune, vas-y doucement, lentement… Prends ton temps, ces moments-là sont rares, alors savoure. » Mais le grand triomphateur de la soirée reste Bernard Tapie. En larmes sur la pelouse au moment de féliciter ses joueurs un à un, il en éclipse le bon Raymond Goethals, pourtant artisan tactique du premier succès français en C1. Mais l’aura de Nanard est trop immense : il est l’OM, il est Marseille, il est Adidas, il est TF1 et il est aussi le futur de la gauche, en poulain politique du président Mitterrand en personne ! Bernard Tapie est la France. La gnaque qu’il a insufflée à son OM innervera même les Bleus de Jacquet lors de France 1998, via le « gang des Marseillais » , passés ou non à l’OM, (Desailly, Deschamps, Barthez, Zidane, Blanc).
Le samedi 29 mai 1993, c’est ce même OM couillu qui fera exploser son dernier rival en championnat, le PSG. Pour ce match du sacre, même éreintés par les trois jours de bamboche d’après-Munich, sans quasiment dormir et sans s’entraîner, les gars de Tapie vont tabasser 3-1 au Vélodrome des Parisiens qui menaient pourtant au score. Et c’est encore le duo Pelé-Boli qui coulera le vaisseau lutécien en égalisant violemment : centre du premier et coup de boule éléphantesque du second en pleine lucarne de Lama. Ricardo a volé sous le coup de boutoir de Baze ! À Munich, Black Boli avait aussi cassé Van Basten… Le Hollandais volant avait joué là son dernier match. C’est aujourd’hui encore un des gros regrets de Baze. L’autre, ce sera évidemment ces nuages noirs qui assombriront le bel été olympien avec les tout débuts de l’affaire OM-VA. La tourmente finira par emporter le bel édifice bâti par Tapie. À Munich, Silvio Berlusconi avait été prémonitoire. Dans un grand élan de classe, il était descendu dans les vestiaires de l’OM pour féliciter les vainqueurs du soir. Interrogé pour TF1 par Pascal Praud qui lui demandait s’il était « un président malheureux » , il avait répondu alors en souriant : « Malheureux ? Mais pourquoi ? Moi, je suis sûr de revenir en finale l’an prochain. En sera-t-il de même pour Marseille ? » La suite lui donnera, hélas, raison. Depuis 1993, la France attend toujours une deuxième coupe aux grandes oreilles…
Par Chérif Ghemmour