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MU-Barça : retrouvailles entre vieux potes
Alors que Manchester United et le Barça se retrouvent pour la douzième fois mercredi soir en match officiel, leur confrontation n'a jamais semblé aussi déséquilibrée sur le papier. Retour sur un classique du foot européen qui s'est construit en différentes étapes.
C’est l’histoire d’un type qui aime comparer le joueur de foot à « une fleur qui a besoin de bonnes graines, d’un bon terreau, d’une lumière, d’une bonne eau et d’un bon jardinier » et qui est aussi capable de le transformer en matelas de gymnastique. C’est arrivé lors d’une semaine d’avril, en 2008, entre un aller-retour de Ligue des champions entre le Manchester United de Sir Alex Ferguson et le FC Barcelone de Frank Rijkaard. Carlos Queiroz avait été recruté comme adjoint par le premier pour deux choses : son élégance et son imagination. La preuve par les faits, quelques jours avant la seconde manche, prévue à Old Trafford, dans la soirée du 29 avril 2008. Lors de la première, Manchester United avait tenu le nul au Camp Nou (0-0), mais Ferguson était rentré de Barcelone avec un objectif : faire sauter, au retour, le passing carousel catalan, alors animé par le trio Xavi-Touré-Deco. Mais comment faire ? Là, Queiroz réfléchit, imagine et décide, quelques jours avant la rencontre, de placer des matelas entre ses deux milieux axiaux (Carrick et Scholes) et ses deux défenseurs centraux (Brown et Ferdinand, Vidić étant blessé).
La consigne est formelle : le ballon est interdit d’entrer en contact avec le matelas. Autour de cette règle, Carlos Queiroz organise le onze de Ferguson et enseigne les mouvements à réaliser en fonction du ballon. Préparation payante : lors du grand soir, Manchester United laisse le ballon au Barça (62,4% de possession pour les Catalans à Old Trafford cette nuit-là), regarde les vagues de la bande de Rijkaard s’empaler dans le vide, bouche la circulation de balle au milieu d’une prestation ultra-défensive et fera la différence grâce à une merveille débouchée par Paul Scholes après une relance foireuse de Gianluca Zambrotta au quart d’heure de jeu. Pour la seule fois de son histoire avec la C1, Manchester United vient de faire tomber le Barça (1-0).
Un come back, un British Game et une doublette
Comment appréhender la relation entre ces deux clubs ? Par un exploit, d’abord, qui a construit ce qui reste encore à ce jour considéré comme la plus belle nuit européenne connue à Old Trafford. Une nuit à trois buts et un come back, orchestré par un Bryan Robson de gala et auquel Alex Ferguson, alors toujours à Aberdeen, a assisté du fond de son canapé. C’était en 1984, lors d’un printemps où Manchester United et le Barça s’étaient donné rendez-vous en quarts de finale de la Coupe des coupes. Un quart de finale que les Catalans, coachés par César Luis Menotti, champion du monde des moins de 20 ans avec l’Argentine cinq ans plus tôt au Japon avec Maradona aux manettes, avaient parfaitement abordé à la suite d’une victoire maîtrisée à l’aller au Camp Nou (2-0). À l’époque, le Barça, c’était avant tout ça : Maradona, Schuster, Marcos Alonso, Urruti… Mais aussi cette gamelle, donc. Car au retour, le United de Ron Atkinson réussira à retourner la troupe de Menotti (3-0) grâce à un doublé de Robson et à un but de Frank Stapleton qui avait collé des frissons à l’entraîneur mancunien. Ce qu’il expliquera après la rencontre ainsi : « J’ai longtemps cru qu’on avait marqué le troisième but trop tôt… Résultat, j’ai l’impression que le dernier quart d’heure a duré trois jours. »
Pour coucher le Barça, Manchester United avait réussi à imposer un pressing féroce au milieu catalan, ce qui se retournera contre le club anglais en novembre 1994, jour de punition au Camp Nou (4-0), où Cruyff avait fait payer à MU son insolence de mai 1991. 1991 aura été l’année du premier titre européen de Ferguson avec les Red Devils et Mike Phelan, actuel adjoint de Solskjær, sur le terrain : une Coupe des coupes, remportée à Rotterdam contre des Barcelonais techniquement supérieurs, mais incapables de matérialiser leur domination, ce qui avait rendu dingue Johan Cruyff. « Ils ont eu une occasion de plus que nous, je ne pense pas qu’ils nous ont été supérieurs, lâchera après coup le technicien batave. Manchester United a joué un British game. » Ce qui dans la tête de Cruyff se réduit à du long ball et à une faiblesse intellectuelle dans l’approche. Peu importe, Ferguson tient un trophée référence et retrouvera le Barça lors de sa plus belle quête européenne, lors de la saison 1998-1999. Une quête débutée par une double confrontation en poules contre les Espagnols, soldée à chaque manche par un 3-3 spectaculaire, notamment celle au Camp Nou, qui reste dans les mémoires pour la fabuleuse partition livrée par la doublette Yorke-Cole.
Le bus de Rome
Si Barcelone restera à jamais comme le lieu où Manchester United a déclenché la plus grosse secousse de son histoire il y a vingt ans, le Barça, lui, est devenu au cours des années 2000, hors demi-finale retour de 2008, un traumatisme pour le club anglais. Au moment d’évoquer dans son autobiographie la première finale de C1 entre les deux équipes, jouée en 2009, Michael Carrick en tremble encore : « J’ai quitté Rome, mais je ne pense pas que Rome m’ait vraiment quitté. Quand je suis rentré chez moi après la finale, je me suis assis dans le jardin et je n’ai parlé à personne. Je ne pouvais pas. J’étais totalement engourdi.(…)Le Barça m’a causé deux ans de dépression. Cette défaite a été le pire moment de ma carrière. J’ai été déçu du match le plus important de ma carrière. C’est comme si j’avais été renversé par un bus. »
Il arrive souvent que les finales de 2009 et 2011 soient associées, mais il semble clair que la seconde fut la conséquence de la première. Cela s’explique assez simplement : les fantômes de Rome (2009) n’ont jamais été vraiment chassés par les hommes de Ferguson qui ont longtemps cru pouvoir attraper ce Barça difficilement saisissable, mais qui lui donnera finalement une première leçon de maîtrise (0-2) avant une seconde plus violente (1-3), deux ans plus tard, à Wembley. Lors de ces deux finales, Manchester United a été retourné par le jeu de possession et la patience insolente du Barça. Mercredi soir, ces deux vieux potes se retrouvent à Old Trafford pour un quart de finale aller qui s’annonce déséquilibré. Pour contrer les mauvaises ondes, Ole Gunnar Solskjær a vu Sir Alex Ferguson. Cela suffira-t-il pour réveiller les souvenirs ? Pas sûr.
Par Maxime Brigand