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Mourinho, voyage au bout du conflit
En débarquant à Tottenham en novembre dernier, José Mourinho est resté fidèle à sa méthode, celle du conflit permanent. L'altercation qui a tout récemment opposé Hugo Lloris et Heung-min Son mardi lors de la victoire des Spurs face à Everton (1-0) est un symptôme de ce malaise, dont le club du Nord de Londres, qui affronte Bournemouth ce jeudi, aurait bien besoin de se débarrasser à l'heure d'aborder le sprint final vers l'Europe.
Lorsque José Mourinho se pointe en conférence de presse, en ce 6 juillet, quelques instants après la victoire poussive de son équipe face à Everton (1-0), il sait déjà probablement que des explications lui seront demandées au sujet de l’altercation qui a opposé Hugo Lloris et Heung-min Son à la fin de la première mi-temps. Alors, quand la question tombe, Mourinho sait déjà qu’il va faire du Mourinho : il coupe le journaliste, tire un sourire provocateur dont il a le secret et balance simplement : « it’s beautiful ». Face au chaos, comme à son habitude, le Mou ricane et raille. Des paroles et un incident révélateurs de la politique de la terre brûlée qu’a mise en place le technicien portugais, fidèle à sa méthode, depuis son arrivée chez les Spurs en novembre dernier. Un pari osé au sein d’un club moqué depuis des années pour sa supposée fragilité mentale, mais pour l’instant loin d’être gagnant.
La Guerre et la Guerre
De fait, alors que les Spurs pointent à la huitième place du classement (à quatre points du sixième, Wolverhampton, mais aussi à deux points du dixième, Burnley) et éprouvent un besoin urgent de points en vue d’une qualification européenne, l’environnement au sein du club londonien semble délétère. En cause, la méthode même de l’entraîneur portugais, ce que lui-même avoue, voire revendique. Relancé en conférence de presse sur l’incident qui a mis aux prises Lloris et Son, deux garçons pourtant peu réputés pour leur sang chaud, Mourinho a ainsi avoué qu’elle était probablement la « conséquence de réunions », au cours desquelles il aurait demandé à chacun de ses joueurs de « mettre leurs coéquipiers sous la pression constante de l’esprit d’équipe ». Problème, pour Mourinho, la pression a souvent un autre nom : le conflit, ouvert ou larvé, une technique de management devenue quasiment sa marque de fabrique.
Mais à force de vouloir sans cesse jongler avec la guerre et la paix, Mourinho en a fini par oublier la paix. Dès son passage au Real Madrid, le Mou s’était mis à dos certains piliers du club, notamment Iker Casillas. À Chelsea, de même, ce sont des « discordes palpables entre entraîneur et joueurs » qui avaient mis un terme à son retour. Enfin, à Manchester United, lors de sa précédente expérience sur un banc, il avait installé une tension constante, envoyant missile sur missile à ses joueurs et se livrant à une guerre d’ego interminable avec Paul Pogba.
Refermer la boîte de Pandore
À Tottenham, cette méthode hypothèque tout espoir de calme, ce dont le club du Nord de Londres a pourtant bien besoin afin d’assumer la succession de Mauricio Pochettino. En coulisses, alors que Tottenham cherche à enclencher un nouveau cycle en rajeunissant l’effectif, des querelles minent le vestiaire, à l’image de celui qui oppose depuis quelques semaines José Mourinho et Tanguy Ndombele, pourtant considéré un temps comme l’avenir des Spurs au milieu de terrain. Sur le terrain, l’absence de fonds de jeu s’accompagne de sorties de route banales prises séparément, mais dont la succession laisse penser que quelque chose est pourri au Royaume du Mou : outre l’altercation entre Son et Lloris, il faut aussi mentionner le pétage de plomb d’Eric Dier, tout récemment suspendu quatre matchs après être monté dans les tribunes pour protéger son frère, le 4 mars dernier, à l’issue de la séance de tirs au but perdue face à Norwich en FA Cup (1-1).
Reste le bénéfice du doute, puisque la série de clashs et incidents est peut-être finalement le signe d’une équipe qui retrouve un esprit combatif après les moments de déception et de flottement qui ont suivi la défaite en finale de la Ligue des champions face à Liverpool l’été dernier (0-2). Mais reste aussi une inquiétude, celle que Mourinho confonde une nouvelle fois concurrence positive et conflit malsain. Si l’histoire doit se répéter, il n’est pas rassurant de noter qu’à chaque fois que l’entraîneur de 57 ans a ouvert la boîte de Pandore au cours des dernières années, il n’est jamais parvenu à la refermer. Face à un Bournemouth aux abois (19e), ce jeudi, les Spurs ont ainsi une occasion en or d’oublier les vieux démons et de calmer les esprits… au moins jusqu’au prochain dérapage.
Par Valentin Lutz