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Mourinho, le flirt de Manchester
C'est l'histoire d'une relation platonique. Ils s'aiment, vraiment. José Mourinho aime Manchester United, Manchester ne le déteste pas. Une nouvelle fois, depuis quelques jours, ils se tournent autour et cette fois, ils pourraient se retrouver. Pour sécher les larmes du passé.
C’est là que tout a commencé, un soir de mars 2004. Par une course fondatrice le long de la ligne de touche bordant la tribune sud d’Old Trafford. Il ne restait, ce soir-là, que quelques secondes à jouer. Manchester United recevait le FC Porto en huitièmes de finale de la Ligue des champions. José Mourinho dirigeait sa première campagne dans la compétition, un an après avoir soulevé la petite sœur à Séville face au Celtic Glasgow. Il ne restait, en réalité, qu’une seule frappe, un seul coup franc pour sauver le FC Porto de l’élimination, alors que Manchester United mène 1-0. On joue la 89e minute, on est le 10 mars 2004. Benni McCarthy vient de s’élancer, Tim Howard repousse le ballon dans les pieds de Costinha. Porto vient d’égaliser et se qualifie pour les quarts de finale, nouvelle étape vers son succès futur. José Mourinho, lui, vient de descendre les marches de la tribune sud et court en trench vers ses joueurs. Old Trafford vient de faire la connaissance de José Mourinho. José Mourinho vient de battre Sir Alex Ferguson et un petit peu plus que ça. Car en face, Manchester United vient de tomber.
Les couilles du Special One
Tomber dans la haine que tout un peuple va s’appliquer à entretenir. Car quinze jours avant l’exploit d’Old Trafford, au stade du Dragon de Porto, Sir Alex Ferguson a refusé de serrer la main de José Mourinho, trop irrévérencieux à son goût. L’Écossais ne veut pas offrir ce luxe au Portugais devant les caméras, les deux hommes se salueront dans l’intimité des couloirs des vestiaires. Face à la presse, Mourinho plante le couteau : « Je serais aussi triste si mon équipe était si clairement dominée par une formation qui n’a été bâtie qu’avec 10% de mon budget. » Le sport est fait de ces histoires, de ces rivalités qui s’alimentent par des mots, des gestes mais avant tout des succès. Dans toute sa carrière, Mourinho n’aura perdu que deux fois face à Ferguson. Car après Porto, le Portugais s’est rapproché de l’Écossais au chewing-gum. Pour le dompter avec une bête nouvelle, le Chelsea FC avec qui Manchester United va se partager la majeure partie des titres de champion d’Angleterre pendant de nombreuses années.
Au fond, le respect entre les deux hommes est éternel. « Je me rappelle sa première conférence de presse avec Chelsea lorsqu’il s’est présenté comme le Special One. Je m’étais dit : « Il a des couilles » » , expliquait Ferguson il y a quelques années. En Angleterre, les deux penseurs ont appris à s’aimer, car au fond, ils se ressemblent par leur arrogance commune et parce qu’ils pensent le foot de la même manière. Plusieurs fois, à la fin de leurs différentes batailles, ils se sont même pris dans les bras. « À Chelsea, le service de restauration s’occupait traditionnellement d’acheter le vin pour l’entraîneur adverse, mais naturellement, leur choix n’était pas à la hauteur de ce que méritait le boss(Sir Alex Ferguson, ndlr).La première fois, j’ai été très gêné. La seconde, j’ai appelé l’un de mes meilleurs amis et lui ai commandé le top du top. Depuis ce moment, à chaque match, on a bu la même bouteille » , détaillait Mourinho dans un long entretien donné à BT Sport en décembre 2014. Au point de se voir même parfois en dehors comme un soir de nul entre City et le Real (1-1), à Manchester, où Ferguson était venu retrouver Mourinho au Manchester Lowry Hôtel. Sir Alex Ferguson prépare alors sa retraite, José Mourinho le sait. Dans sa tête, le Portugais rêve de prendre la suite de l’un de ses meilleurs amis. Ferguson : « José peut diriger n’importe quelle équipe et entraîner absolument partout. » Sauf qu’il n’arrivera jamais.
Les larmes de Mourinho
L’entraîneur écossais vient de perdre sa belle-sœur, la sœur de sa femme, Cathy. « Je voyais ma femme regarder la télévision, un soir, puis regarder au plafond. Je l’ai sentie isolée. Seule. Quand je lui ai dit que cette fois, j’allais prendre ma retraite pour de bon, elle n’a pas eu d’objection. J’ai compris qu’elle voulait que je le fasse. » Ferguson parle d’une dette. Avant de partir en mai 2013, Manchester United lui pose une dernière mission : définir les contours de sa succession et, donc, trouver son successeur. José Mourinho attend l’appel de son ami. Il n’arrivera jamais. Lorsque Sir Alex Ferguson prend la parole, dans le cœur d’Old Trafford le 12 mai 2013, David Moyes a déjà été nommé. L’histoire raconte qu’en apprenant la nouvelle, Mourinho a fondu en larmes, se sentant choqué, trahi, voire humilié de se faire doubler par un entraîneur sans expérience du haut niveau. Ferguson aurait refusé auprès du board cette option, choix confirmé par Sir Bobby Charlton. Dans un livre sur l’entraîneur portugais publié en septembre 2013 par le journaliste Diego Torres, l’épisode est raconté : « Mourinho pensait que Ferguson était son allié, son ami, mais aussi son parrain. Il était convaincu que leur relation était basée sur une véritable relation de confiance. Il pensait aussi que tous les trophées qu’il avait gagnés jusqu’alors le feraient passer loin devant les autres candidats. Quand il a appris que Moyes avait été nommé, il a ressenti une profonde défiance. »
Ferguson est de cette classe. L’homme n’aime pas ce qui dépasse et encore moins ce qui dépasse plus que lui. Son attachement à Manchester United est tel qu’il ne souhaite pas installer à sa place quelqu’un qui serait éventuellement plus fort que lui et probablement plus fort que le club, une vision impensable chez les Red Devils. Sauf que presque trois ans plus tard, rien n’a marché et Manchester United est une ruine. Tout est à reconstruire pour retrouver l’identité du club, de sa formation, de ses valeurs. Louis van Gaal n’a fait que déconstruire le tableau. Alors le nom de José Mourinho commence à revenir, tourne autour de Manchester. José aime le rouge et ne s’en est jamais caché. Reste cette image d’un homme capable de faire vriller les institutions comme au Real. Un débat existe autour d’une nomination du Portugais. La question est posée, car si la philosophie de jeu de Mourinho pourrait se marier avec celle de Manchester United, son image devra être travaillée. Des semaines devraient passer, Ferguson devrait parler, et Mourinho continuer à attendre. Les ruines de United aussi.
Par Maxime Brigand