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Mourinho, le détail de l’histoire

Par Thibaud Leplat, à Madrid
Mourinho, le détail de l’histoire

C’est le temps de ceux qui avaient tout prévu, tout imaginé, tout prédit. Tout ? Sauf l’imprévisible. Mourinho a éliminé le PSG comme un détail. Sans un mot plus haut que l’autre, Chelsea a retourné la situation et les statistiques. Merci à tous les prophètes.

Il y a des êtres dont la spécialité est de prédire le passé. Ils font preuve d’une éloquence rare et d’une détermination toujours plus affirmée pour nous annoncer, au pire moment de la soirée, qu’ils ne sont même pas déçus. Eux savaient tout ce qui allait arriver. Ils étaient déjà prêts. « Mais oui » , assènent-ils, « c’était évident » , ou encore « la plus grosse erreur tactique de Blanc, c’est l’entrée de Marquinhos, il aurait dû faire jouer Pastore d’entrée » , concluant par un « je vous l’avais bien dit, Chelsea était supérieur dès l’aller » . Ceux qui savaient tout avant les autres (mais n’ont jamais osé rien dire), ceux qui s’y connaissaient vraiment (mais que « personne » n’écoute « jamais » ), comme ce célèbre consultant radiophonique aux accents de Duce, comme tous ces spécialistes de la défaite annoncée, comme tous ces gens qui ne voulaient pas voir le réel en face, ceux-là se démènent maintenant en vaines arguties. Ces êtres qui préfèrent toujours les mauvaises nouvelles, qui vivent dans un monde où le présent n’existe que pour confirmer des théories élaborées à force de relectures et de mauvaise foi, gagnent toujours à fin. Regardez-les hier soir, comme ils couraient le long d’une ligne de touche, shootaient dans une bouteille d’eau, donnaient les ultimes instructions à Demba Ba et Fernando Torres. Les prophètes du passé se sont encore bien amusés. Mais ils n’ont rien compris à Mourinho.

Une bonne joke

Car un vrai prophète ne gagne jamais. C’est d’ailleurs à sa tristesse qu’on le reconnaît. Mourinho allait dominer l’espace émotionnel de cet éliminatoire. Il allait être le centre de toutes les préoccupations et donc pouvoir imposer ses pulsations pendant une semaine, ne jamais être dépassé par l’évènement, inviter ses joueurs à prendre modèle sur lui, maîtriser la tension. « J’essaie toujours de contrôler mes émotions pour donner à l’équipe ce qu’elle est en droit de me réclamer. Tout comme il y a une contribution tactique, il faut apporter une contribution émotionnelle. » À Paris, sa réputation le précédait déjà. Il n’y avait plus qu’à regarder les adversaires se méfier de lui, lui céder le premier plan. Comme lui, son équipe se ferait calme et tâcherait de maintenir le « contrôle » sur le match. C’est-à-dire qu’elle n’en subirait jamais le sort. Si ses joueurs ont lâché par instant, c’est parce que nonchalamment, ils se laissaient porter eux aussi par la narration de leur chef et oubliaient leur partition. Résultat : 3 buts encaissés – un ballon relancé dans l’axe, un but contre son camp suite à un mauvais placement et une « joke » de Pastore – alors que Chelsea maîtrisait le cours du jeu. Ils auraient pu renifler un peu, tous ces devins, au lieu de se réjouir et de nous asséner des inepties sur un Paris qui avait dominé le jeu. Le jeu peut-être, mais pas l’enjeu.

Mindgames

Les génies ont oublié de nous dire qu’un Paris sans Zlatan n’était pas qu’un Paris sans intelligence, sans rage, sans révolte. C’était juste ce qu’il manquait à Mou. Tandis qu’Ibra sortait pour blessure musculaire (donc pour mauvaise préparation) au moment où Paris en avait le plus besoin, le problème Cavani avait déjà disparu pour Chelsea. Qui s’était fendu d’une sortie dans la presse quelques jours avant le match ? D’où pouvait bien venir cette idée ? Qui cherchait un attaquant de classe mondiale pour remplacer Lukaku l’an prochain ? Qui a raté l’immanquable deux fois pendant le match retour ? Berlusconi était un grand amateur de ces warm-up dans la presse des jours précédents un grand match (cf Weah avec Paris avant une demi-finale contre Milan). En Espagne, c’est aussi une pratique assez courue : la presse madridiste rigolait toujours beaucoup avec Forlán et Agüero les veilles de derbys contre l’Atlético. Déstabiliser l’adversaire en tournant autour d’un joueur adverse en mal de reconnaissance n’est pas vraiment nouveau. C’est simplement une autre façon de désamorcer sa colère, de jouer avec les nerfs d’autrui, et donc de maîtriser la narration émotionnelle de la rencontre. Voilà ce que signifie « contrôler » l’enjeu. Encore une fois, nos prophètes n’ont rien vu et se sont tus.

Le point de détail de l’histoire

Alors hier soir, tandis que le match ronronnait en première mi-temps, les prophètes du passé se délectèrent de voir un Paris « bien en place » , malgré un but « encaissé sur une touche, donc évitable » , dixit Laurent Blanc, comme si ces phases de jeu ne comptaient pas vraiment pour eux, les vrais connaisseurs. Comme si Chelsea subissait la loi de Paris, alors que c’était précisément l’inverse qui venait d’arriver. En réalité, en refusant l’initiative du jeu, Paris perdit la maîtrise de ses nerfs et laissa Chelsea dicter ses conditions. Il n’y aurait plus qu’à appliquer les consignes. Samuel Eto’o, lui, est bien du genre à croire aux prophéties : « C’est incroyable. Mourinho nous disait depuis ce matin que c’était possible. De ne pas tomber dans le piège de la précipitation. Que l’on marquerait en première mi-temps et en fin de match. Il avait dessiné ce scénario incroyable. » Il paraît qu’aujourd’hui il y a beaucoup de communication dans le travail des entraîneurs, qu’ils ne peuvent pas préparer toutes les séances d’entraînements eux-mêmes, qu’il y a Jean-Louis Gasset pour cela, qu’un entraîneur qui fait tout est un has been (voyez Christian Gourcuff et tous ces vieux diplômes). Mais ce que certains appellent « le passé » , José Mourinho appelle cela « la flemme » : « Le grand secret, c’est la préparation individuelle à très haut niveau (…). Il faut traiter chaque joueur de manière différente, tout en leur faisant sentir qu’ils sont traités de la même façon. » Non. Un entraîneur moderne n’est ni un devin, ni un publicitaire, ni un directeur de colo. C’est une sorte de prophète, un vrai, pas de ceux qui nous parlent du passé en nous demandant de nous taire, mais un de ceux qui éclairent le présent. Toutes les organisations humaines ont besoin de croire en un prophète. Un jour, nous lui confions notre destin parce qu’il est le seul à savoir où nous allons. Sa mission est d’éradiquer pour nous le hasard et l’imprévu. En un mot, il nous prépare. Hier soir, Blanc a dit : « L’élimination s’est joué sur des détails, vraiment à pas grand-chose. » Oui, juste à un détail. À un entraîneur, en somme.

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