- Angleterre
- Manchester United
Mourinho, la fin de la foire
Sous contrat jusqu’en 2020, José Mourinho a été viré mardi matin de son poste d’entraîneur de Manchester United, deux jours après une défaite fatale à Anfield (3-1).
« Vous pouvez comparer mon Porto à ce Liverpool. Je dis ça par rapport à la qualité des joueurs. Porto est la meilleure équipe que j’ai eu concernant les transitions défensives. Dès qu’on perdait le ballon, on sortait sur l’adversaire comme des chiens et on récupérait le ballon en moins de deux secondes. Le Real était ma meilleure équipe de contre-attaque. Parce que j’avais un jeune Di María, un jeune Ronaldo, un jeune Higuaín, un jeune Benzema. On tuait tout le monde sur les transitions offensives. Et, à l’Inter, j’avais mon meilleur bloc bas. J’avais Materazzi, Samuel, Lúcio, Córdoba… On pouvait défendre cinq heures et ne pas concéder le moindre but. Les joueurs font jouer l’équipe d’une certaine manière, c’est aussi simple que ça. » Puis, le silence. Un silence lent, pesant, entrecoupé de nouveaux missiles tirés de tous les plateaux du Royaume alors que José Mourinho, plaqué contre le mur d’une salle de presse d’Anfield, lâche les armes et glisse que le seul objectif mesuré de la saison se réduit désormais à la conquête d’un top 4. Un top 4 qui est ce matin à onze points, Manchester United vivant actuellement son pire début de saison depuis 1990 : dix-sept matchs joués, sept gagnés, cinq nuls, cinq perdus et une différence de buts de zéro. Vingt-neuf buts marqués, vingt-neuf buts encaissés, soit déjà un de plus que sur toute la saison dernière, bouclée à une miraculeuse deuxième place, à dix-neuf points de Manchester City. Après la défaite à Liverpool (3-1) dimanche, il se murmurait que Mourinho ne serait pas licencié dans un « futur immédiat » . Mardi matin, le Portugais a pourtant été balancé par-dessus bord, confirmant ladite malédiction de la troisième saison du Special One.
Carrick dans un premier temps, puis Solskjær ?
Comment ne pas voir venir la chose ? Avant le déplacement à Anfield, Mourinho était déjà à terre : « Une équipe de foot n’est pas qu’une histoire de dépenses. Une équipe de foot, c’est comme une maison et une maison, ce n’est pas seulement acheter des meubles. Vous devez travailler dans cette maison et une fois qu’elle est prête, là vous achetez des meubles, vous dépensez de l’argent sur les meilleurs meubles et vous pouvez ensuite vivre dans une maison incroyable. Aujourd’hui, cette équipe est loin de jouer à mon image. » Oui, même après deux saisons pleines, même après des centaines de millions dépensés, même après tout ça, un jour, tout ça doit s’arrêter. Même à Manchester United, même dans un club où le manager a toujours eu une liberté importante, il est l’heure : l’heure de remettre les choses à plat et de ne plus accepter l’inacceptable.
On se dit aujourd’hui que même un coach intérimaire – Michael Carrick pour le moment, en attendant un autre intérimaire extérieur jusqu’à la fin de saison (Solskjær pourrait être ce choix de court terme) – peut apporter de l’espoir dans une saison qui est loin d’être finie, United restant en course en C1, en FA Cup et pouvant bien raccrocher le wagon en championnat, qui sait. En 2016, José Mourinho était le choix idéal aux yeux de tout le monde, lui qui avait un jour pleuré au printemps 2013 en apprenant la nomination de David Moyes pour prendre la suite de Sir Alex Ferguson. Puis, sa première saison aura été relativement bonne, notamment grâce à une victoire en C3 et en League Cup. La seconde ? Acceptable. Et la troisième ? Si Manchester United reste une bête commerciale, son état sportif n’a que rarement été aussi mauvais, et Mourinho, s’il n’a pas toutes les responsabilités, y est aussi pour quelque chose, l’équipe n’ayant globalement pas progressé et n’ayant jamais dégagé une stratégie de jeu claire, là où le Portugais était un expert de la gestion tactique d’une rencontre, pour la tuer ou la retourner.
Et aujourd’hui, que faire ?
Non, Mourinho n’a pas tout raté à United, mais le moment était venu pour lui de partir : au fur et à mesure des semaines, il est redevenu José, le gamin passionné et méprisé de ses dirigeants, qui avait promis de changer de style tout en ayant pleinement conscience qu’il n’avait pas les moyens d’y arriver, et sorti frustré d’un mercato estival foireux comme rarement. Et aujourd’hui, que faire ? Il existe plusieurs voies possibles, dont un retour favorisé à l’essence de ce club : Nicky Butt, aux manettes de l’Académie, pourrait prendre davantage de responsabilités ; Carrick va grandir ; Solskjær pourrait revenir ; et Giggs, demain ? Une autre veut que MU, une institution dégueulant de trophées dont le récit reste une longue suite d’échecs entrecoupée de trois périodes dorées symbolisées par trois entraîneurs exceptionnels (Mangnall, Busby, Ferguson), patiente jusqu’à l’été prochain pour choisir un successeur à Mourinho. Les noms fusent : Pochettino, Zidane, Jardim, Conte, Blanc… On parle ici du club le plus riche du monde, mais aussi d’un jouet financier qui pourrait prochainement changer de mains, de têtes. C’est l’ensemble qui est aujourd’hui visé, de la famille Glazer à Edward Woodward, et qui doit être retravaillé : c’est l’enjeu des prochains jours, des prochaines semaines, des prochains mois. Et Mourinho, celui qui impose sa personnalité à son groupe plus que l’inverse, dans tout ça ? Prolongé en janvier 2018, il partira avec un beau chèque, mais aussi un sentiment d’échec : celui de ne jamais avoir réussi à installer une équipe à son image dans la durée, une première pour un expert de la gestion mentale et de l’art de faire déjouer l’adversaire.
Par Maxime Brigand