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Mouhamadou Fall : « On me dit que j’ai gardé l’attitude d’un footballeur »
Nouveau champion de France du 200m et qualifié pour les Championnats du monde d'athlétisme qui auront lieu du 27 septembre au 6 octobre à Doha, Mouhamadou Fall est venu tardivement à la piste. Footballeur plus jeune, le sprinteur évoque ses années en R1, ses lignes droites face à Jean-Christophe Bahebeck et ses objectifs pour les prochaines compétitions.
Tu as longtemps joué au foot avant de passer à l’athlétisme, tu es passé par quels clubs ?J’ai commencé en benjamins dans le club de ma ville, à Persan, dans le 95. J’ai joué là-bas jusqu’en U13.
Ensuite, j’ai fait des tests au FC Chambly et j’ai été pris là-bas avec deux potes. Mais j’avais aussi été pris à l’US Chantilly. À ce moment-là, le projet de l’US Chantilly me plaisait plus, les équipes seniors étaient plus fortes. Donc, je suis parti en U15 à Chantilly, où je suis resté trois ans. De meneur de jeu, je suis passé récupérateur et j’ai joué trois ans en DH (l’actuelle R1). Mais la dernière année, en U18, je n’étais plus dedans. Mes potes sont partis un peu partout en centre de formation : à Nancy, à Strasbourg, au PSG… C’est là que j’ai un peu lâché et je suis retourné dans mon club à Persan. Mon objectif était vraiment de m’amuser. Là-bas, j’étais surclassé, je ne jouais plus avec les U18 mais avec la première pendant deux ans. J’ai finalement arrêté ensuite, ce n’était plus pareil. Le noyau dur avec lequel j’ai grandi n’était plus là et j’ai un peu perdu la flamme.
Tu as joué avec des joueurs qui sont ont percé par la suite ? Oui, j’ai joué avec Jean-Christophe Bahebeck à Persan. Il est ensuite parti directement au PSG. On se connaît depuis petit. Je suis toujours en contact avec lui. À Chantilly, j’ai aussi connu Junior Ntima qui a joué à Strasbourg et Mamadou Doucouré, attaquant passé par le centre de formation de Lens et qui a signé à l’Atlético par la suite.
Et tu as finalement commencé l’athlétisme, à 23 ans. Comment as-tu eu le déclic ? En fait, on s’amusait à faire des courses sur 60m entre potes dans la rue. À ce moment-là, j’étais gérant d’un bar de nuit à Persan et souvent, il y avait du monde qui venait, dont des joueurs de National. Je ne participais pas à ces défis à la base mais j’ai finalement essayé. Et en fait, j’ai gagné les courses, ça a choqué un peu tout le monde (rires). J’avais arrêté complètement le sport et la plupart des gars qui participaient jouaient toujours au foot. Cela a été filmé donc ça a tourné un peu sur les réseaux. Plein de potes voulaient relever le défi avec moi après. À chaque fois qu’ils venaient, on faisait une course et je les battais souvent ! Même Jean-Christophe Bahebeck ! On a fait deux courses, j’en ai gagné une et il en a gagné une. Après on a arrêté, je lui ai proposé une revanche mais il n’a pas voulu ! (rires)
Et donc, c’est après ces défis que tu as décidé de te mettre à l’athlétisme ?
Après ça, je n’étais pas trop dans l’optique de me mettre à l’athlétisme. Mais c’est mon ancien prof d’EPS à Persan qui est venu me chercher dans mon bar plusieurs fois pour me pousser à en faire. Et je me suis dis pourquoi pas. Je n’avais pas une très bonne condition physique et c’était un moyen de m’entretenir finalement. Ensuite, j’y ai vraiment pris goût. Surtout après une compétition, les championnats départementaux, où j’ai fait le deuxième temps sur 100m. J’ai fait moins de onze secondes (10’90) dès ma première course et plusieurs clubs m’ont approché. Le chrono, je ne regardais pas vraiment honnêtement, c’était plus la place qui comptait ! Comme quand je faisais les défis contre mes potes. Les compétitions d’après, dans les tribunes, c’était un peu comme un match de foot. Tout le monde venait avec des tam-tams, il y avait la totale !
Tu penses que le foot a pu t’apporter pour l’athlétisme ? Il y a des choses que tu gardes du foot dans ta pratique du sprint ? On me dit souvent que j’ai gardé l’attitude d’un footballeur. Un côté un peu insouciant. On me dit souvent : « Ça se voit que tu viens du foot et pas de l’athlétisme » , en gros. Je sens souvent que je suis un peu en retrait pendant les compétitions, je ne vis pas cela pareil que les autres. Je n’ai pas de stress. Je me mets des objectifs, bien sûr, mais je prends un peu l’athlétisme comme un jeu. Je veux avant tout kiffer, comme quand je jouais au foot. Je n’arrive jamais avec une pression et je pense que c’est avant tout dû au fait que je n’ai pas beaucoup d’années d’athlé dans les jambes. J’ai moins d’impératifs, j’ai tout à gagner et rien à perdre. Je suis peut-être en avance au niveau des chronos que je pouvais espérer, donc maintenant, ce n’est que du bonus. Je suis vraiment dans cet état d’esprit là.
Tu as changé quelque chose dans ton entraînement cette année qui a fait que tu as beaucoup progressé cette année ? Oui, clairement. J’ai changé de coach l’année dernière. Mickael Hanany est hyper réfléchi. Il a disputé plusieurs fois les JO en saut en hauteur, il a un palmarès. Et le fait d’être avec quelqu’un comme ça, ça te rend serein dans plein de choses. Puis, il a des méthodes d’entraînement qui viennent des Etats-Unis et je pense que j’avais besoin de ça, d’entraînements longs et très exigeants. J’ai aussi changé mon hygiène de vie et je fais des efforts au niveau du sommeil, de l’alimentation.
Avec ta qualification pour le 200m, ça sera ta première grande compétition en individuel à Doha. Tu l’abordes dans quel état d’esprit, quels sont tes objectifs ?
Mon but, c’est de battre mes records. En faisant descendre le chrono, je vais forcément passer devant certains et c’est comme ça que je me motive. Plus le chrono descend, plus tu grimpes dans les classements mais je n’y vais vraiment pas pour battre un athlète en particulier. Je pense juste à courir vite. Dans dix jours, je dispute un 200m avec l’Equipe de France pour les championnats d’Europe par équipe. Ça sera un bon test avant Doha, je poserai la course et on verra ce qui en sort.
Et sinon, tu suis toujours le foot ?En fait, je suis au travers de mes potes mais sinon j’ai totalement décroché. Au niveau de l’actualité, j’entends. Après bien sûr, je suis les gros matchs et les rencontres importantes en Ligue des champions mais ce n’est pas comme avant, où je ne loupais pas un match de Ligue 1 ou même de Premier League.
Tu supportes quelle équipe ?
J’ai toujours supporté la Juventus et Paris aussi, bien sûr. Mais ma vraie équipe de cœur c’est la Juve. Le recrutement cette année, je valide totalement, que du bon pour le moment. Mais après, j’ai aussi la nostalgie de l’époque Nedved. Nedved, Cannavaro, Zambrotta… Mon coup de cœur pour la Juve, je l’ai eu à ce moment-là. Après, en Ligue 1, c’est le PSG, à fond ! C’est local, pas le choix. Après, si Chambly finit par monter en Ligue 1, ça sera Chambly. Quand je vois le parcours de l’équipe, je me dis que j’ai été con (rires) ! Après, plus sérieusement, je me plais beaucoup plus dans l’athlétisme que dans le foot, je trouve que c’est plus marrant.
Tu pourras toujours faire comme Usain Bolt, essayer de passer de l’athlétisme au foot. Tout le monde me dit ça ! Mais bon, j’ai joué il y a quelques mois, honnêtement, j’ai gardé un peu mais par contre au niveau des adducteurs, et sur pas mal d’autres muscles, ça laisse des traces. Je n’étais plus habitué, l’athlé et le foot ne sollicitent pas les muscles de la même manière. J’ai eu mal aux adducteurs pendant trois jours, je me suis dit, c’est mort, j’arrête (rires) ! On ne peut pas faire les deux, ça impacte trop sur l’athlé, c’est dangereux. Ce n’est pas l’envie qui manque pourtant, surtout avec la CAN et les tournois qui se jouaient dans pas mal de quartiers. J’aurais bien voulu jouer, mais en pleine saison, impossible (rires) ! Après l’athlé, j’y reviendrai.
Les gens te confondent toujours avec Paul Pogba ?
Ça s’est calmé (rires) ! Quand ce n’est pas Paul Pogba, c’est Keita Baldé ou M’baye Niang. Mais en ce moment ça va. Sauf à Marseille, où j’étais allé faire un meeting en Juillet. Je me suis retrouvé dans un Carrefour Market et il y avait une dame à la caisse. Avant que je quitte le magasin, elle m’appelle et me demande : « Est-ce que c’est bien vous ? » . Je rigole, et je lui réponds « C’est à dire ? » . Elle me demande alors si je suis Paul Pogba. Je lui dis oui pour rigoler et elle s’est mise à crier. Mais après ça directement, je lui ai dit que je blaguais (rires). Elle a commencé à me demander si j’étais de sa famille et tout ! Après, ça arrive surtout avec les personnes qui regardent le foot de loin.
Propos recueillis par Victor Launay