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Motivé, Mothiba
Si Lille est en Ligue 1, c'est grâce à lui. Et si Strasbourg est quatrième attaque de Ligue 1, c'est aussi grâce à lui. Avec sa dégaine des années 1990, Lebo Mothiba est aujourd'hui un attaquant en vogue.
Ils sont 15 dans la surface. Dix Toulousains dont un gardien, cinq Strasbourgeois. Parmi eux, un homme dont les qualités s’appellent placement et finition. Le seul, aussi, à jouer avec le maillot rentré dans le short : difficile de le rater. Et pourtant, Lebo Mothiba est libre d’ajuster sa tête à la réception du corner botté par Kenny Lala. Alors forcément, ça fait exploser le kop ciel et blanc, une dernière fois coincé au milieu des sièges avant le passage en tribune debout. La Meinau est déjà conquise, comme Pierre-Mauroy avant elle. Un stade que retrouve ce soir le natif de Tembisa, dans les faubourgs de Johannesburg. Avant d’y retourner avec le maillot lillois sur ses épaules carrées et sous son éternel sourire ? Pas impossible. Car si le LOSC a inclus une clause de rachat prioritaire sur 24 mois dans un transfert à quatre millions d’euros cet été, c’est aussi parce qu’il y a trop de qualités chez un seul homme pour le laisser filer sans assurance.
Sortez les briquets
Janvier 2018. Dans un trou sportif et financier, Lille en vient à lâcher un million d’euros pour récupérer son joueur initialement prêté pour la saison à Valenciennes. « On l’aurait sûrement laissé en prêt si on avait pu recruter, pose Galtier d’entrée. La situation fait qu’il a une très belle opportunité, à lui de la saisir » . Challenge accepted pour le Sud-Africain. Premier match dans l’élite, premier but. Trois mois plus tard, un doublé maintient le LOSC en Ligue 1. Et au soir du 19 mai, ça fait cinq buts en 14 apparitions, un total plus que correct pour commencer au plus haut niveau.
Alors, quand Mothiba quitte Lille pour Strasbourg le 30 août, soit 364 jours après un autre départ sur le gong, il y a comme un goût d’erreur dans les bouches lilloises. Rémy n’a alors joué qu’un petit quart d’heure, Leão reste une inconnue et Pépé a suffisamment prouvé que sa place n’était pas en pointe. Et puis Mothiba, apprécié comme Eder avant lui, reste le premier buteur de la nouvelle saison, deux minutes après une ouverture du score rennaise au stade Pierre-Mauroy. Un but important pour interdire toute forme de doute au LOSC, avant que Pépé et Bamba ne se mettent en route. Depuis, les flèches lilloises font des étincelles et le roc Mothiba est en feu sous son nouveau maillot bleu.
Black-bleu-beau
Lebo Mothiba à Strasbourg, c’est six buts en 531 minutes de Ligue 1. En y ajoutant une passe décisive pour Da Costa, cela donne un mec de 22 ans décisif toutes les 76 minutes en championnat. Pas mal pour l’homme que l’on surnomme Lebotelli, en référence à son « idole » – jusqu’à lui tirer le portrait sur papier Canson pour assouvir sa passion du dessin. Et malgré tout ce qui les distingue : début de saison, style de jeu, implication et attitude. Il suffit de voir le néo-Strasbourgeois tout sourire lors de sa conférence de présentation en Alsace, le 31 août dernier. Et de l’écouter : « Je suis un attaquant qui garde le ballon pour le milieu de terrain, qui fait des efforts défensivement. Si tu donnes tout, le but viendra après. » La seconde couche est passée par son entraîneur, dans les colonnes de 20 minutes : « Il est toujours à bloc. À son âge, c’est extraordinaire d’être aussi pro que lui. Des mecs comme ça, je n’en ai pas vu des tonnes. » Le vernis de louange n’a pas fini de sécher que Jean-Michel Vandamme, qui l’a connu à Lille, passe la troisième : « Si j’avais une fille que je voulais marier, je voudrais qu’il soit mon gendre. » Avis aux cœurs libres, le beau Mothiba est aussi un mec sympa.
« Success is not final, failure is not fatal: it is the courage to continue that counts. » pic.twitter.com/Gx4Mc0cs9b
— Lebo Mothiba (@LeboMothiba11) 17 octobre 2018
Naissance d’un bon
Pour l’heure, Mothiba a déjà trouvé son âme sœur footballistique, elle s’appelle Nuno Da Costa. Après six mois à se tourner autour du côté de Valenciennes en 2017, les deux joueurs se donnent du plaisir sous le maillot bleu du Racing : trois passes décisives du Cap-Verdien pour le Sud-Africain, et donc une dans l’autre sens. L’un pour allumer les mèches, l’autre pour faire exploser les défenses entre grosse présence physique et efficacité clinique. Au total, Mothiba et Da Costa chiffrent 50 % des 20 buts marqués par leur équipe, quatrième attaque de Ligue 1. Comme un air de Niang-Pagis, saison 2004-2005.
Comme un air de déjà-vu, aussi, pour Mothiba : après Baptiste Guillaume et surtout Martin Terrier, il est le troisième ancien Lillois à se révéler après avoir pris la tangente vers l’est. Et à ce rythme, il pourrait un jour avoir un monde à portée de main. C’est qu’ils commencent à être loin, le township de Tembisa, le poste de défenseur central au Mamelodi Sundowns et les dix mois d’arrêt pour cause de cheville en vrac aux Diambars de Johannesburg. Le Bafana Bafana aux trois buts en quatre sélections prend du galon. Son rêve est un théâtre qui s’appelle Old Trafford. En attendant, avec un Mothiba motivé, ses partisans vont vite devoir lui trouver un chant.
Par Eric Carpentier