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Morientes-Luis García : « Au Barça comme à Madrid, il faut être bon tout de suite »

Propos recueillis par Antoine Donnarieix
Morientes-Luis García : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Au Barça comme à Madrid, il faut être bon tout de suite<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

L’un est passé par le Real Madrid pour remporter trois Ligues des champions, l’autre a été formé au Barça, mais a surtout connu son heure de gloire avec Liverpool en 2005. Avant le Clásico ce dimanche au Camp Nou, les légendes Fernando Morientes et Luis García se sont prêtées au jeu de l’entretien croisé en souvenir de ce match à part.

Bonjour Fernando et Luis ! Quel est votre meilleur souvenir lié au Clásico, que ce soit avant, pendant ou après le match ? Fernando Morientes : Le meilleur, c’est forcément ma toute première fois. Quand je passe du Real Saragosse au Real Madrid, j’ai 21 ans. À cette époque, il y a trois objectifs qui trottent dans ma tête : gagner des titres, marquer des buts et jouer le Clásico. Dès ma première saison, il y a un Clásico en Supercoupe d’Espagne, car le Real avait remporté la Liga et le Barça la Coupe d’Espagne. Malheureusement, j’étais blessé et, même si nous avions gagné, je n’avais pas pu y participer… Mais en cours de saison, j’ai pu enfin jouer. Nous avions perdu (défaite 3-2 à Madrid, NDLR), mais à titre personnel, cela reste un jour historique. Rien que pour l’ambiance, c’était complètement différent de ce que j’avais vécu auparavant parce que le Santiago-Bernabéu était en transe. Luis García : Je n’ai pas eu la chance de jouer le Clásico autant de fois que Fernando. J’ai beaucoup lutté pour parvenir à intégrer l’équipe première du Barça, on m’a prêté au Real Valladolid, à Tolède, à Tenerife, et j’ai même dû passer par un transfert à l’Atlético de Madrid avant d’être racheté par le Barça et enfin jouer ce Clásico. Il est certain que la première fois marque une forme d’aboutissement parce que j’en ai rêvé depuis tout petit. Hélas, nous avions perdu ce match à cause de Ronaldo qui était imparable à cette époque (défaite 2-1 au Camp Nou, 6 décembre 2003, NDLR). L’ambiance dans le stade, c’était choquant. Heureusement que certains coéquipiers étaient là pour me tranquilliser parce qu’il y a de quoi perdre ses moyens.

Et le pire ? FM : Sans hésitation, le retour de Luís Figo au Camp Nou après sa signature au Real (défaite 2-0 le 21 octobre 2000, NDLR). Entre le moment où nous sommes sortis de l’hôtel pour aller au stade et celui où nous avons pris l’avion pour rentrer à Madrid, nous étions sans cesse suivi par des personnes et un bruit de foule en colère, cela nous mettait la pression. C’était des moments compliqués, mais cela reste gravé dans ma mémoire. LG : C’était la veille du match retour de la saison 2003-2004. Je jouais régulièrement, on faisait une bonne deuxième partie de saison et j’allais probablement démarrer la rencontre en tant que titulaire. Lors de la dernière séance d’entraînement du samedi, j’entame un atelier avec ballon à l’arrêt où je dois plonger au premier poteau et réceptionner un centre de Xavi pour marquer en première intention. Et là, clac ! Je me déchire l’adducteur… Résultat, j’ai regardé le match depuis la tribune et je n’ai plus rejoué de la saison. C’était dur, mais je rejoins l’avis de Fernando : cela fait partie d’une carrière sportive, et il faut savoir apprendre des mauvaises passes.

Si je n’ai pas signé au Barça, c’est parce que je ne le voulais pas. Le contrat était prêt, mais ce dont nous avions parlé en amont n’avait rien à voir avec ce qui était concrètement écrit dessus.

Le dernier footballeur à être passé d’un club à l’autre est Luis Enrique, l’actuel sélectionneur national. Fernando, tu aurais pu jouer pour le Barça pendant ta carrière : le club t’avait approché à l’été 2002, et le Real, focalisé sur l’arrivée de Ronaldo, était prêt à te vendre… Maintenant que tu y repenses, tu aurais aimé signer au Barça ? FM : (Rires.) Très bonne question ! C’était une vraie période d’incertitude. En vérité, ce n’était pas quelque chose que j’avais cherché par moi-même, mais un accord mis en place par mon club. En clair, c’était quelque chose qui ne me convenait pas. J’avais gagné des trophées avec le Real pendant de nombreuses années, et ils me permettaient de rejoindre le Barça. C’était très étrange. Si je n’ai pas signé au Barça, c’est parce que je ne le voulais pas. Le contrat était prêt, mais ce dont nous avions parlé en amont n’avait rien à voir avec ce qui était concrètement écrit dessus. Il manquait des détails. Dès lors, j’ai refusé de le signer parce que ce n’était pas clair à 100%. J’étais heureux de revenir au Real Madrid, mais je voyais aussi que des changements allaient intervenir au sein de l’effectif. Quelques années plus tard, je partais à Liverpool. LG : Waouh, je suis sous le choc ! (Rires.) Je n’étais pas du tout au courant de cet épisode, alors qu’on partageait la même chambre d’hôtel pendant nos déplacements avec Liverpool. Cela veut dire que nous aurions pu jouer ensemble au Barça ! À titre personnel, je n’imagine pas cette possibilité de jouer pour le Real. FM : Aujourd’hui, je ne me vois toujours pas porter le maillot du Barça et je suis très heureux qu’on me reconnaisse comme un joueur du Real Madrid. Mais sur le coup, je devais rester le plus professionnel possible parce que mon club m’invitait à partir et concrètement, il s’en fichait de savoir si j’allais jouer au Barça ou ailleurs. De mon côté, je devais faire un choix personnel en pensant au bien-être de ma famille. Jouer au Barça quand on vient du Real Madrid, ce n’est pas à la portée de tout le monde. Cela dit, je reste honoré d’avoir reçu un appel direct de Louis van Gaal pour me demander de rejoindre le Barça.

Cela t’a vexé d’être mis sur le marché ? FM : Oui, parce que j’étais heureux et identifié à Madrid. De plus, je sentais que je pouvais rester encore plusieurs années dans le club. Mais maintenant que les années ont passé, je comprends mieux la gestion d’une direction et les décisions parfois difficiles à prendre.

Sans Messi, nous perdons tous. Il ne manquera pas seulement au Barça, mais à tout le championnat.

Ce Clásico se fera sans la présence de Leo Messi dans l’effectif du Barça. Qu’en pensez-vous ? LG : Sans Messi, nous perdons tous. Il ne manquera pas seulement au Barça, mais à tout le championnat. Cela dit, je crois que le Barça va devoir compter sur ses éléments offensifs principaux dans ce match. Contre Valence, Ansu Fati a marqué un but similaire à ceux que marquaient Messi pour le Barça lorsqu’il se mettait sur son pied gauche. Il a pris le numéro 10 sans se poser de questions, il souhaite assumer ce rôle et cette responsabilité malgré son jeune âge. Aussi, il ne faut pas omettre Memphis Depay, Luuk de Jong et le retour très attendu de Sergio Agüero, cela pourrait devenir l’une des attaques les plus dangereuses d’Europe. Je pense que la clé du match va se situer au milieu de terrain. Si le Barça parvient à neutraliser le Real Madrid dans cette zone, cela pourra leur sourire. Mais c’est loin d’être gagné d’avance.FM : Ce Clásico se fera sans Messi, mais aussi sans Di Stéfano, Butragueño, Hierro, Ronaldinho, Cristiano Ronaldo… Ce que je veux dire, c’est que je comprends que les gens soient tristes de ne pas voir Messi dans ce match parce qu’il est l’un des plus grands footballeurs, et peut-être même le plus grand, de l’histoire. Mais concrètement, nous parlons avant tout d’un Barça-Madrid. Ce sont deux clubs déjà centenaires et membres permanents de la Liga depuis sa création. Sincèrement, je considère que les personnes s’intéressent avant tout à ce que représente le Clásico dans son histoire passée, présente et future. Celui qui veut voir Messi, il pourra regarder OM-PSG à 21 heures le même jour. Mais pour profiter du Clásico, il va s’intéresser à cette affiche plus tôt dans la journée. Un Clásico sans Messi n’est pas forcément une mauvaise nouvelle, cela dépend du point de vue de chacun.

Luis, parmi les stars citées par Fernando, je crois que c’est Ronaldinho qui t’a marqué directement…LG : Oui, je l’ai vu réciter son football contre le Real Madrid à Santiago Bernabéu puis recevoir une ovation de la part du stade (le 19 novembre 2005, 0-3, NDLR), c’était un grand moment. J’avais pu partager le vestiaire avec Ronaldinho quand il est arrivé, mais j’étais déjà à Liverpool à ce moment-là. Donc c’est un souvenir de supporter, très iconique pour tout le barcelonismo. Le récital de Ronaldinho fait partie des anecdotes historiques du Clásico, au même titre que la tête de porc balancée à Figo ou le silence de Raúl après son but au Camp Nou. Mais l’ovation pour Ronnie, c’était surtout une marque de respect de la part du Real envers un joueur exceptionnel. C’était une manière de montrer qu’au-delà de la rivalité, il y avait aussi de la reconnaissance. Ronaldinho, c’était un sourire et beaucoup de magie. Les supporters madrilènes lui ont rendu hommage, cela témoigne de la rareté du moment.

Aujourd’hui, une star sera plus scrutée que les autres : Eden Hazard. Fernando, que penses-tu de sa situation au Real ? FM : Elle est difficile, voire très difficile. Il entame sa troisième saison au Real Madrid, et les blessures ne l’ont pas aidé à trouver le rythme nécessaire pour briller comme il l’a fait à Chelsea. Au Barça comme à Madrid, il faut être bon tout de suite. Gagner, gagner et gagner. Tu n’as pas le choix. Si Hazard fait deux bons matchs de suite, le fan du Real Madrid ne va pas s’en satisfaire. Pour que Hazard réussisse à Madrid, il doit faire une saison complète à un excellent niveau. En cela, cette saison 2021-2022 va être décisive pour son avenir au club. Pour l’instant, il reste dans la lignée de ce qu’il a produit depuis son arrivée en Espagne : c’est parfois bon, mais ce n’est pas toujours le cas. Peut-être qu’il sent la pression et que cela l’empêche d’être à son rendement maximum. C’est dommage, mais c’est le quotidien au Real Madrid.

En tant que fan du Real Madrid, je considère que Benzema le mériterait. Pas uniquement pour sa saison, mais aussi pour sa trajectoire.

Ce que fait Karim Benzema, par exemple. Dernièrement, le Français a marqué beaucoup de points en vue de la prochaine attribution du Ballon d’or. Peut-il obtenir le trophée en fin d’année ? FM : Tout le monde possède un avis sur ce sujet, et chacun opte pour son favori. Ce qui est certain, c’est que le futur vainqueur ne souffrira aucune contestation parce qu’il sera légitime. En tant que fan du Real Madrid, je considère que Benzema le mériterait. Pas uniquement pour sa saison, mais aussi pour sa trajectoire : quand Cristiano Ronaldo a quitté le Real, il se disait que le club allait être orphelin d’un footballeur différent des autres, capable de marquer et de changer le cours d’un match. De Benzema, les gens disaient : « Il est bon et il comprend le football, mais il ne marque pas assez. » Depuis, le Real a pris conscience que Benzema était parfaitement capable d’assumer ce rôle à son tour. Actuellement, il joue merveilleusement bien, et ses statistiques sont excellentes (13 buts en 9 passes décisives en 16 matchs toutes compétitions confondues, NDLR). Il prouve qu’il est un footballeur complet et qu’il ne connaît pas de limite. C’est une très grande joie pour le Real Madrid. Pour terminer, comment voyez-vous l’issue du Clásico dimanche ? LG : Ah, le fameux pronostic ! J’ai vu le Barça et le Real réaliser de bons matchs cette saison, mais j’ai aussi vu les deux équipes déjouer… En vérité, cela importe peu : c’est à l’instant présent qu’il faut performer, et cela dépend de beaucoup de détails. Le favori est le Real Madrid, car ils sont plus haut au classement, mais cela ne veut pas dire qu’ils vont gagner. Personnellement, je vois bien un match nul.FM : Pour ce Barça-Madrid, le Real arrive dans de meilleures dispositions. Benzema et Vinicius atteignent tous les deux un niveau extraordinaire. Cela ne me paraît pas impossible de les voir gagner.

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