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Montpellier-Toulouse, le derby excitant ?
Samedi soir, Montpellier reçoit Toulouse à la Mosson. 242 kilomètres séparent les deux villes et pourtant, certains, Laurent Nicollin en tête, parlent de derby occitan. Vraiment ?
2 avril 2017, 17 heures : fait rare dans la saison, le stade de la Mosson ne sonne pas creux. 22 217 des 32 900 sièges sont occupées pour assister à l’un des rendez-vous de l’année. Record d’affluence de l’année battu. Pour la venue de la pléiade de stars parisiennes ? Non. Celle des étoiles montantes monégasques qui filent vers le titre ? Non plus. Le choc sudiste contre un OM qui a retrouvé des couleurs ? Toujours pas. Non, ce samedi d’avril 2017, Montpellier reçoit le Toulouse Football Club dans le tout nouveau « derby occitan » . Et si la Mosson rugit, c’est parce que Laurent Nicollin décrète des places à deux euros pour son nouveau derby. D’ailleurs, le principal intéressé l’avoue alors lui-même dans les colonnes de Midi Libre : « Les vrais derbys, c’était face à Sète, à l’Olympique d’Alès, à l’AS Béziers, et bien sûr, contre Nîmes. » Alors, pourquoi le président, à l’époque délégué, du MHSC s’attelle-t-il à construire ce choc occitan ?
Coup marketing et nouvelle région
Privé de son derby face à Nîmes depuis 2009, date de son retour en Ligue 1, Montpellier pourrait le retrouver dès la saison prochaine si les Crocos continuent sur leur lancée en Ligue 2. En attendant, le MHSC coche chaque année la venue de l’OM en remplacement. De son côté, le TFC se dispute l’hégémonie sur la Garonne avec des Girondins qui, eux aussi, cochent d’abord la venue des Marseillais avant celle des Toulousains. Bref, de Montpellier à Toulouse, même problème : l’absence d’un vrai derby. Alors, pour compenser, Nicollin II s’appuie sur une nouvelle rivalité qu’il justifie comme il peut : « Dans les années 1980, le TFC nous avait pris Serge Delmas, les frères Passi, Robin Huc, Francis Andreu qui était notre secrétaire général à l’époque… De là était née une petite rivalité qui ne s’est pas étendue avec le temps. » Mais que le président montpelliérain tente de ressusciter aujourd’hui. La preuve, le site du MHSC tease le derby occitan depuis une semaine. Une opération de com’ nécessaire pour réveiller une « rivalité montée de toutes pièces, un produit marketing, selon Sylvain, capo de la Butte Paillade 91. Le derby occitan, c’est surtout vendeur. Je pense qu’ils font ça pour remplir le stade. »
De fait, aucun élément ne peut être vu comme source de rivalité entre « deux villes qui se ressemblent beaucoup selon Marco, porte-parce des Indians Tolosa. Elles ont accueilli plusieurs vagues d’immigrations après la guerre d’Espagne puis la guerre d’Algérie, donc on se ressemble vraiment, tandis que, par exemple, Bordeaux est une ville bourgeoise.
Mais ici, on rencontre les mêmes populations qu’à Montpellier, il y a une proximité culturelle, liée à la culture occitane. » Arthur, supporter et blogueur toulousain pour lesviolets.com, complète : « La rivalité est orchestrée par les clubs. Là, je n’en ressens aucune. Ça se construit avec les années, avec les enjeux sportifs. Montpellier et Toulouse c’est une rivalité pour le ventre mou. Il manque cet enjeu sportif. » Du côté de Montpellier, Sylvain aborde le seul sujet de contentieux entre les deux villes : le choix de la capitale de la nouvelle région Occitanie en 2015. « Peut-être que ça nous dépasse et que c’est une rivalité politique depuis la fusion des régions, mais nous, on s’en branle complètement. C’est la fusion des régions qui en a fait un derby, mais ici, il n’y a qu’un seul derby, contre Nîmes. Le reste, on s’en fout. »
« C’est plus important de voir une Garonne violette qu’une Occitanie violette »
Le derby occitan aurait donc pour seule origine la réforme des régions de 2015 qui, le 1er janvier 2016, enterrait les régions Midi Pyrénées et Languedoc-Roussillon pour donner naissance à l’Occitanie, avec pour capitale Toulouse, et non Montpellier. Daniel Congré, unique joueur à avoir porter les deux maillots sur la pelouse samedi, confirme : « Du fait de l’appartenance à la même région, c’est un derby qui prend de plus en plus d’importance. » Sauf que même sur le terrain politique, les deux villes se sont en réalité bien entendues, Montpellier conservant quelques administrations comme la Chambre régionale des comptes, l’agence régionale de santé ou les directions générales des affaires culturelles, de la jeunesse et des sports.
À la rigueur, si le derby occitan existe, c’est plutôt entre les sections féminines à en croire Laura Agard, joueuse du MHSC née à Toulouse : « Quand j’ai débuté en D1 féminine à Toulouse, il y avait peut-être plus cette notion de derby entre Toulouse et Montpellier chez les filles car, à l’époque (au milieu des années 2000, ndlr), le TFC était encore en D1 et les deux clubs étaient alors les meilleurs de France. »
Daniel Congré est, lui, plus optimiste, et pense que les années et les supporters feront de ce match un vrai derby : « Cela se sentira dans les tribunes à travers l’amour que chacun aura pour son club et cette appartenance, que ce soit à Toulouse ou à Montpellier. » Pas sûr, tant les supporters des deux camps n’adhèrent pas à cette rivalité. « Pour moi non, tranche Arthur. Ce n’est pas non plus un match comme un autre, mais pas loin. C’est plus important de voir une Garonne violette qu’une Occitanie violette. » Un match comme les autres, c’est le point de vue montpelliérain de Sylvain : « J’espère qu’on va gagner, mais ce n’est pas un match à part, pas du tout. Après, on sait que les Toulousains se déplacent en nombre, donc ça c’est bien, ça met un peu de piquant le jour J. » D’ailleurs, lors du match aller en août, les Indians Tolosa avaient déployé une banderole hommage à Louis Nicollin : « On a été touchés par sa disparition… Ça aurait été le président de n’importe quel autre club, ça aurait été pareil, explique Sylvain.Tout le stade s’est levé quand on l’a dépliée. Ça prouve qu’il n’y a aucun problème entre les deux clubs. » Et donc que le derby occitan n’est que du vent ?
Par Adrien Hémard
Tous propos recueillis par AH sauf ceux de Laurent Nicollin, Daniel Congré et Laura Agard.