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Montpellier-Nîmes : les derniers ultras ?

Par Nicolas Kssis-Martov
4 minutes
Montpellier-Nîmes : les derniers ultras ?

L'interruption de la rencontre, dimanche après-midi, entre Montpellier et Nîmes, a semé la consternation chez les commentateurs. Elle a libéré aussi les jugements hâtifs ou caricaturaux dans une bonne partie des réseaux sociaux, ou s'exhibent désormais cette fameuse et impalpable opinion publique. L'envahissement de terrain par les supporters héraultais, désireux d'en découdre avec les visiteurs a surtout révélé, au cœur d'une saison qui s'annonce cauchemardesque pour les ultras français, que le monde des tribunes atteint des points de rupture de plus en plus radicaux avec le reste du foot français. Il ne s'agit plus de parler de débordements ou autres incompréhensions, les raisons en sont simples : les ultras veulent demeurer eux-mêmes, pour le meilleur et le pire.

La situation pousserait facilement au romantisme élégiaque. Comme si nous assistions presque au processus d’autodestruction d’un ami d’enfance dont les emportements, autrefois sympathiques, nous échappaient totalement désormais. Les supporters français ne cessent de défrayer la chronique, d’alimenter les polémiques. Ils ont leurs contempteurs ou leurs défenseurs sur les plateaux télé. Des Lillois aux Corses, ils choquent ou dérangent, dépassent les bornes, enfoncent leur club. Aujourd’hui, les interdictions de déplacement, parfois sous des prétextes fallacieux (les Parisiens privés de Côte d’Azur pour cause de visite de la ministre de l’Enseignement supérieur), se multiplient et se banalisent, toujours pour éviter les violences que cette « précaution » fabrique parfois par effet pervers (le parcage demeure souvent la meilleure des sécurités publiques). Sans parler du dossier des fumis qui, à lui seul, résume un dialogue de sourds sans fin ni solution. Rien ne semble freiner la spirale de la confrontation, et l’invocation des exemples étrangers ne change pas davantage le fond du débat.

Le mur du réel

D’un autre coté, quel que soit le contexte, notamment sécuritaire, dans lequel baigne notre société, les ultras semblent incapables de renoncer à leur royaume et leur « code de chevalerie » , aussi absurde et grotesque puisse-t-il paraître parfois. L’affaire du tract des Bad Gones à l’occasion de la rencontre contre Marseille l’a démontré. Comment imaginer, quand le stade s’est transformé en un décor à selfie, qu’un tel document pouvait, selon les mots du groupe lyonnais, rester « destiné à un public restreint » . De quelle manière concevoir en outre que son contenu serait interprété comme la « partie d’un folklore partagé entre les différents groupes » ? Qui oserait songer que cette prose, ou donc ce dialecte folklorique, ne heurterait personne au-delà des porteurs d’écharpes ? Surtout si l’on considère que ce « choc » représente une des affiches surexposée d’une Ligue 1 qui se vend un milliard d’euros en droits télé ?

Comment ne pas se dire, surtout, que dans la France qui vient de (re)découvrir, avec le succès de 120 battements par minute, ce que qu’a été l’épidémie du HIV, que l’humour à base de Sida, – dont toutes les tribunes se délectent malheureusement, y compris les Phocéens avec leur inénarrable « Paris est la ville ou est né le Sida » – passerait tranquillement pour une blague potache ? Les Boulogne Boys avaient pourtant déjà rencontré ce mur du réel – médiatique, politique et sociétal – avec leur banderole sur les Chtis en plein milieu du triomphe du film de Dany Boon. Étrangement, le passage « antiracistes » vs « antifrançais » des Lyonnais n’a suscité que peu de réactions, alors qu’il fleure finalement bon le contexte actuel zemmourisé. Passons.

Sport national consensuel

Revenons à la Mosson. À la Butte Paillade, que Michel Der Zakarian citait juste avant le match en modèle auprès du reste du public. On connaît tous l’équation impossible. Le foot a besoin de cette passion y compris pour se rendre « bankable » – il suffit de regarder comment le PSG s’est battu, y compris auprès des autorités, pour retrouver son « groupe » . Seulement voilà, en retour, dans cet univers qui doit livrer aussi son match, le vol d’une bâche et son exhibition insolente à domicile constituent une injure insupportable, insurmontable. Peu importe la victoire, les trois points perdus sur tapis vert, les huis clos ou les sanctions de la LFP, à chacun sa croix finalement… L’affront était trop sale, surtout quand, pour être honnête, staffs et presses spé ou PQR ont entretenu la tension de ce « derby » jusqu’à l’absurde. Sauf que les fans, les instances du foot, la France (qui a fait du ballon rond son sport national « consensuel » ), ont juste l’impression qu’on leur gâche la fête, un spectacle qui se paie en outre si cher en abonnement télé.

Il serait aisé de dégainer la carte du relativisme. De demander pourquoi les indignations montent bien moins dans les aigus contre le trafic de jeunes joueurs africains ou encore le drame qui se creuse dans les tombes de milliers de travailleurs au Qatar ? Il n’empêche que notre foot arrive sûrement de plus en plus à son point de rupture sur ce sujet. La violence n’est pas acceptable. Et néanmoins rien n’est réglé une fois que l’on a essoré ce lieu commun.

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Par Nicolas Kssis-Martov

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