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Montella, Milan et l’épreuve du temps

Par Adrien Candau
4 minutes
Montella, Milan et l’épreuve du temps

Défait ce samedi par le Napoli de Sarri et incapable d'insuffler ses idées de jeu au Milan, Vincenzo Montella sait qu'une bombe à retardement minute le temps qu'il lui reste à la tête du Diavolo. S'il est maintenu dans ses fonctions dans les jours qui viennent, l'Aeroplanino n'aura sans doute plus le droit à l'erreur. Ou peut-être bien que si. Car le Mister lombard a jusqu'ici bien du mal à lire son avenir, compte tenu des déclarations souvent contradictoires de sa direction.

Depuis le début de l’exercice 2017-2018, Vincenzo Montella est un peu comme le lapin blanc d’Alice au pays des merveilles. Constamment et toujours en retard. Cet été, Milan a fait de grosses emplettes – reconstruisant quasi intégralement son équipe type –, et l’ancien gourou de la Fiorentina devait faire en sorte que l’ensemble fonctionne rapidement comme sur des roulettes. Quatre mois plus tard, le club lombard est déjà relégué à onze points de la dernière place directement qualificative pour la C1 et vient de concéder une nouvelle défaite face au Napoli. De quoi fragiliser encore un peu plus le statut d’homme de terrain de Montella. Un rôle d’autant plus difficile à tenir alors qu’il doit composer en coulisses avec une direction aux management et objectifs encore indécis.

Les chinoiseries de Milan

La faute aux nouvelles têtes fortes d’un AC Milan revivifié, mais qui sait qu’il doit désormais des comptes à son nouveau président et propriétaire chinois, Li Yonghong. Un mécène qui n’a pas tardé à nommer Marco Fassone directeur général du club lombard. Un type passé par la direction du Napoli et de l’Inter, dont il a participé à développer l’image en Asie, et qui a joué un rôle crucial dans le rachat du Milan en jouant les intermédiaires avec la direction chinoise du club. Le nouveau directeur sportif milanais, Massimiliano Mirabelli, est lui aussi un ancien de la maison nerazzurra, qui a choisi de tout miser sur le pari chinois du Milan : « En septembre de l’an passé, quand Fassone m’a expliqué le projet chinois, j’ai lâché la position confortable que j’occupais à l’Inter pour faire un véritable saut dans l’inconnu… Pendant huit mois, il y a eu des renvois, des coups de théâtre, un closing annoncé retardé… C’était un véritable film, dans lequel Fassone et moi avons joué les rôles fantômes, jusqu’à ce que la situation ne se débloque en avril. »

Good cop, Bad cop

Le duo étant intrinsèquement lié à ce Milan made in China, le voilà obligé de jongler avec deux variables qui s’accordent mal ensemble. À savoir l’impatience légitime de la nouvelle direction d’un côté et la réalité du football italien de l’autre, où aligner les millions n’offre pas de garantie immédiate de résultats. Dès lors, pas étonnant de voir Fassone multiplier les déclarations contradictoires. « Han Li espère que le club vaudra le double ou le triple du prix auquel il a été acheté d’ici deux ou trois an maximum… Les propriétaires voudraient voir le Milan en C1 tous les ans. C’est le minimum » , annonce-il au Guardian fin août 2017. Logiquement, Fassone met d’abord la pression sur son Mister après une défaite humiliante face à la Lazio en septembre : « Je ne m’explique pas cette performance… Nous sommes conscients que l’équipe est en construction, mais nous sommes surpris par l’ampleur et la taille de cette défaite… »

Avant de calmer le jeu mi-octobre, alors que Milan vient d’enchaîner trois revers en Serie A : « Il y a une extrême confiance et harmonie avec Montella de ma part(…)malgré les dernières défaites, les résultats vont venir… Et ce n’est pas un drame si nous n’allons pas en Ligue des champions. » Sauf qu’entre-temps, c’est Mirabelli qui se charge d’endosser le rôle du méchant flic, en glissant aux journalistes après le derby della Madonnina, perdu par les Rossoneri, que « chacun de nous a un temps dans la vie et dans le métier que nous faisons » . Deux semaines plus tard, Fassone concédera que « le projet a pris un peu de retard par rapport à ce qui a été prévu » . Un tableau confus, où s’active également dans l’ombre un troisième personnage de l’organigramme du Milan : le peu médiatique mais influent Han Li, le bras droit du président Yonghong Li, que la presse italienne décrit comme très agacé par ce retard à l’allumage.

L’heure tourne

Pour le moment, beaucoup de bruit pour pas grand-chose, puisque l’indécision de la direction milanaise a permis à Montella de sauver sa tête. Mais elle ne lui permet pas de travailler dans un environnement serein, alors que l’Aeroplanino n’a aucune garantie de pouvoir affiner sur le long terme le projet de jeu qu’il réserve à ce Milan-là. Pour l’instant, les Rossoneri n’affichent pas de progrès édifiants. Une situation délicate, que Montella préfère affronter avec l’ironie qui le caractérise : « Depuis quelque temps, j’ai le sentiment d’assister à mes propres funérailles… Et ça donne une nouvelle perspective des choses. Blague à part, pour le moment, le club me fait confiance, et nous verrons ce qui se passera ensuite. » Justement, la suite, personne ne la connaît. Après treize journées, Milan a perdu tous ses matchs face aux équipes de l’actuel top cinq du championnat et pointe à une bien tiède septième place au classement. Et cette nouvelle défaite face au Napoli pourrait bien sonner le glas de l’aventure lombarde de Montella. Ou peut-être pas. Mais même s’il est maintenu à la tête du navire milanais, le Mister rossonero n’est pas dupe : l’heure tourne, et le temps que sa direction lui accorde lui est plus que jamais compté.

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