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Montella, le crash était inévitable
Il devait rebâtir les fondations d'un Milan à la fois triomphant et séduisant. Mais il n'aura réussi ni l'un ni l'autre. Un an et demi après avoir été nommé à la tête du Milan, Vincenzo Montella s'est fait piteusement évincer du banc des Rossoneri. Dur, mais logique, au regard des prestations éteintes que livre le Diavolo depuis le début de la saison.
Ça lui pendait au nez. Depuis plusieurs semaines, Vincenzo Montella savait qu’une épée de Damoclès était suspendue au-dessus de son cuir chevelu. Depuis le début de la saison, Milan patine. Déçoit. Pire, il ne progresse pas. Et ce, malgré les 200 millions d’euros injectés par la nouvelle direction du club lors du dernier mercato estival. Ce dimanche, les Rossoneri ont livré une nouvelle copie sans saveur face au Torino (0-0) à San Siro. La goutte de trop pour les dirigeants lombards, qui ont décidé de trancher dans le vif, en écartant Montella au profit de Gennaro Gattuso, qui entraînait jusqu’ici la Primavera du Milan.
Débuts encourageants
Cette décision ne surprendra pas grand monde. Début novembre, déjà, alors que ses ouailles peinent toujours autant à se trouver sur le terrain, l’Aeroplanino dégainait en conférence de presse, histoire de montrer qu’il ne se fait pas trop d’illusions sur son avenir en rouge et noir : « Depuis quelque temps, j’ai le sentiment d’assister à mes propres funérailles… Et ça donne une nouvelle perspective des choses. » Pourtant, le destin de l’ancienne idole de Rome n’a pas toujours semblé condamné à se clore sur un échec cuisant en Lombardie. La première année de Montella au Milan avait même offert quelques bouffées d’oxygène à un club asphyxié par une direction sportive chaotique et des finances en sale état. Nommé en juin 2016, l’ancien bomberdevait remettre sur pied une formation ballottée au gré de trois entraîneurs successifs entre 2014 et 2016 – Clarence Seedorf, Filippo Inzaghi et Siniša Mihajlović – qui avaient échoué à redonner un semblant de stabilité au Milan.
Sans transfigurer le Diavolo, qu’il sait limité par un effectif inférieur aux autres grosses cylindrées de la Serie A, Montella réussit à refaire frissonner par intermittence les tifosi, en leur offrant quelques succès de prestige. Notamment face à la Juventus. En championnat d’abord, où les Bianconeri doivent s’incliner sur une frappe splendide de Manuel Locatelli en novembre 2016. Surtout, le club rossonero triomphe en décembre face à la Vieille Dame en Supercoupe d’Italie, ce qui constitue le premier trophée du club depuis 2011. Sans briller, Milan tient à peu près la route, et Montella fait lentement son nid. Même si l’on peine à reconnaître le style de jeu qui a fait sa renommée lorsqu’il entraînait la Fiorentina, où il prônait un football offensif, axé sur la possession de balle et les redoublements de passes. Un changement sans doute motivé par le pragmatisme du Mister lombard, qui estime probablement que ce Milan-là n’a pas les moyens techniques pour miser sur un jeu aussi léché.
Aucun point pris contre les équipes du top six
Les investissements de la nouvelle direction chinoise du club, qui met sur pied un effectif beaucoup plus costaud à l’été 2017, doivent donc sonner le coup d’envoi de l’envol définitif du Milan version Montella. Tout est censé décoller. Pourtant, d’emblée, la machine semble grippée. Lors de la troisième journée, Milan se fait humilier par une Lazio très nettement supérieure (4-1). Et les Rossoneri continuent ensuite de se prendre baffe sur baffe en s’inclinant face au Napoli, la Juve, la Sampdoria, la Roma et l’Inter, ne récoltant ainsi pas le moindre point face aux actuels six premiers du championnat italien. Entre-temps, Milan domine régulièrement les formations de standing inférieur, aussi bien en championnat qu’en Ligue Europa, mais sans proposer un jeu cohérent et convaincant. Montella, lui, tâtonne, abandonnant son 4-3-3 fétiche pour une défense à trois censée permettre à Leonardo Bonucci, sa recrue star, de s’épanouir sur le pré. Mais rien ne fonctionne, à l’image des prestations inquiétantes que livre l’ancien Bianconero. Autre symbole des hésitations tactiques de Montella, ses compositions d’équipes changeantes, peu à même de permettre l’émergence d’un onze type clair, où seuls cinq joueurs ont dépassé la barre des dix titularisations en Serie A. À titre de comparaison, ce chiffre s’élève à neuf joueurs à Naples, ou encore à l’Inter. Si bien que les matchs défilent, et le constat reste identique : collectivement, Milan ne progresse pas.
Chaos lombard
Montella, qui peine déjà à inculquer son projet de jeu à ses joueurs, est d’autant plus mis en difficulté par la communication incohérente de sa direction. Cette dernière dégaine des déclarations contradictoires, en avançant qu’elle compte lui laisser le temps d’apprivoiser son effectif, avant de le menacer plus ou moins subtilement de licenciement au prochain résultat décevant. Un ensemble confus, au sein duquel le Mister milanais lâche ce qui ressemble à un aveu d’impuissance fin octobre, après un match nul soporifique face à l’AEK Athènes en C3 : « Je pense que la déception dans le stade a été ressentie par mes joueurs… Ils veulent tellement prouver qu’ils méritent de porter le maillot de l’AC Milan qu’ils font un blocage psychologique, et c’est à moi d’y remédier. » Un blocage que n’a finalement pas su apprivoiser Montella, comme dépassé par la nouvelle dimension prise par son effectif et surtout par les ambitions d’un Milan qui veut retrouver sa gloire passée. Cette fois-ci, l’Aeroplaninon’a pas su jouer contre les vents contraires. Et le crash était sans doute inévitable.
Par Adrien Candau