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Montanier : « Surpris par le comportement des supporters malgré les résultats »
Un budget amputé de 20% en début de saison, un jeune talent vendu en toute fin de mercato estival, un club mis en vente et qui tarde à trouver preneur, un directeur sportif qui démissionne et des blessures en cascade, c'est peu dire que Philippe Montanier, manager de Nottingham Forest, bricole avec les moyens du bord cette saison en Championship. Malgré tout ça, « Monty » a accepté de décrocher son téléphone pour évoquer sa première partie de saison outre-Manche. Classe.
Avant de parler du sportif, comment se passe votre nouvelle vie anglaise ? Vous vous êtes bien acclimaté ? Oh oui, il n’y a pas de soucis, l’Angleterre est un pays agréable à vivre. Après, on ne parle pas d’un pays exotique, ça reste un pays européen, donc en matière de culture et de mode de vie, on n’est pas franchement dépaysé.
Sur le plan sportif, comme la saison passée pour Nottingham Forest (16e de Championship en 2015-2016, ndlr), les choses sont assez compliquées pour votre équipe en championnat (18e actuellement). Quel bilan tirez-vous à mi-parcours ? Sur le plan sportif, on n’est pas dans une situation facile, car on a beaucoup de blessés, on a onze blessés actuellement, dont sept qui sont titulaires habituellement, donc du coup, ça nuit un peu au rendement de l’équipe, on ne va pas se le cacher. Ça fait qu’on réalise pour le moment un championnat difficile, on n’a pas toutes nos armes à disposition pour lutter.
Sept titulaires blessés sur onze, c’est carrément la galère… Ce n’est pas simple, c’est clair. Encore, si ce n’était que ponctuel ça irait, mais là ça nous arrive depuis le début de la saison, on a toujours eu huit à neuf blessés en permanence. Et quand les joueurs reviennent de blessure, ils ne sont pas opérationnels tout de suite, et entre-temps, on en a d’autres qui se reblessent… On a du mal à être constant et stable, on souffre pas mal en ce moment.
Lors de notre entretien d’avant-saison, vous disiez être conscient de la difficulté de ce championnat de D2 anglaise avec vingt-quatre équipes. Après six mois là-bas, comment jugez-vous aujourd’hui le niveau du Championship ? Il y a différents niveaux en fait. Il y a de très grosses équipes avec de gros budgets et, par exemple, pour faire court, nous on a quatorze millions d’euros de masse salariale, quand Newcastle en est à cent vingt… Il y a donc forcément un championnat à deux vitesses avec des équipes qui viennent de Premier League comme Norwich, Newcastle ou Aston Villa et qui ont vraiment de gros budgets, des clubs qui sont un cran en dessous et puis d’autres encore plus bas. C’est un championnat très hétéroclite avec vingt-quatre équipes de tous niveaux, mais avec le « fighting spirit » anglais, chaque match est âprement disputé.
Justement, avec vingt-quatre équipes, le rythme des matchs est très élevé. C’est compliqué à gérer au quotidien ? Ce n’est pas simple à la base, alors quand vous avez dix blessés, je ne vous raconte pas ! Quand on a trois matchs dans la semaine avec dix joueurs qui sont « out » , ce n’est vraiment pas facile à gérer. Là, on a deux gamins de dix-sept ans qui sont allés sur le banc de touche contre Newcastle par exemple. Il faut donc avoir un effectif assez large et arriver à ne pas perdre trop de monde en route. Après, en soi, jouer trois matchs en une semaine, ce n’est pas si compliqué que ça, si ça n’arrive qu’épisodiquement. Mais quand c’est comme ça toute l’année, que vous faites sept matchs en douze ou treize jours, là ça commence à devenir plus difficile.
Qu’est-ce qui explique cette cascade permanente de joueurs blessés ? C’est le côté rugueux du championnat ou la raison est ailleurs ? Non, je ne pense pas qu’on puisse l’expliquer ainsi, puisqu’il n’y a pas que de gros impacts, il y a plein d’équipes qui jouent très bien au ballon. Et puis, surtout, les autres équipes n’ont pas autant de blessés que nous alors qu’elles jouent le même championnat donc… C’est vrai qu’on se pose des questions au club. Mais vos collègues journalistes anglais m’ont déjà dit de ne pas m’inquiéter, que c’était déjà le cas par le passé avec les précédents managers. En gros, ça fait quatre ans que c’est ainsi à Nottingham.
Et sur le plan du relationnel, comment ça se passe entre vos joueurs et vous ? Ils ont bien assimilé vos méthodes ?À ce niveau-là, ça se passe très bien. Ils ont tous une bonne mentalité malgré le fait que la méthodologie de travail soit différente de ce qu’ils avaient connu pour la plupart par le passé.
Comment ça se passe concernant la langue ? C’est mieux de jour en jour, même si je ne suis jamais tout à fait satisfait, on ne maîtrise jamais complètement une langue étrangère. Mais d’après ce que me disent les journalistes, notamment ceux de Sky Sport TV quand on fait des directs à la télé ou sur le terrain, ça n’a pas l’air de poser de problèmes, donc je pense que de ce côté-là, je me débrouille plutôt bien. Mais je peux encore m’améliorer, c’est évident.
Vous n’avez pas pris de cours en arrivant ? Non, c’était un peu chaud au niveau du timing. Le rythme des matchs est tellement élevé que c’est dur de trouver du temps pour prendre des cours, on est en permanence concentré sur le travail avec les joueurs.
On revient au foot : votre équipe marque beaucoup de buts (37 inscrits en 24 matchs de championnat), mais elle en encaisse aussi énormément (44 buts). Alors, certes, on ne s’ennuie pas durant vos matchs, mais malheureusement ça tourne rarement en votre faveur… Oui, on est une des meilleures attaques du championnat, mais on est aussi et surtout l’une des moins bonnes défenses… Après, on en revient toujours au nombre d’absents. J’aimerais un jour pouvoir jouer avec mon équipe type au moins une fois ! Ce qui n’a jamais été le cas jusqu’ici… Je n’ai d’ailleurs jamais pu aligner la même équipe d’un match à l’autre et je pense que ce manque de stabilité nous pénalise un peu.
Votre victoire contre Newcastle au début du mois de décembre (dernière victoire en date, ndlr) était assez folle. Vous pouvez nous en dire un mot ? Ouais, ils ont eu deux exclus, on a eu deux pénos, mais leur gardien, qui est un ancien de Nottingham Forest, a sauvé les deux tentatives, on était menés 1-0 et à l’arrivée, on l’emporte 2-1 avec un but en toute fin de match. C’était assez fou, oui.
Vous pouvez nous dire un mot sur votre premier Boxing Day ? Comment vous vivez ce moment très particulier en Grande-Bretagne ? C’est quelque chose de génial à vivre, les gens viennent en famille voir des matchs, les stades sont pleins, il y a une vraie ambiance particulière. Après pour nous, joueurs et entraîneurs, ça ne nous permet pas de passer des fêtes très festives, mais c’est sympa à vivre. Et encore, j’ai eu la chance de recevoir de la famille, ma fille, ma mère, mais derrière, on a les entraînements et les matchs, donc on s’absente assez vite.
Concernant les affluences au City Ground, ça donne quoi ? On fait régulièrement entre 20 000 et 25 000 entrées. Après, ça dépend aussi des résultats et de la programmation des matchs, mais dans l’ensemble, on joue devant beaucoup de monde. Il faut dire qu’à Nottingham, on a des fans qui sont vraiment fantastiques.
Vous avez été surpris par les fans et la manière dont ils vous perçoivent ? Oui, je dois dire que j’ai été pas mal surpris par les supporters, car malgré les mauvais résultats, ils m’ont toujours soutenu. Ils ont même sorti des banderoles de soutien en anglais et en français. Après, on a besoin de bons résultats, car nos fans sont comme nous, ils sont frustrés. Mais je dirais que je suis étonné par leur comportement. Vincent Duluc, de L’Équipe, est venu en Angleterre pour faire un reportage sur le Boxing Day, il est venu voir un de nos matchs et il me disait aussi qu’il était étonné par les échos qu’il avait eus par rapport à ma relation avec les fans de Nottingham Forest, alors que les résultats ne sont pas ceux qu’on avait espérés. C’est beau.
Propos recueillis par Aymeric Le Gall