- Mondial des clubs 2025
Mondial des clubs 2025 : mais au fait, il en pense quoi le reste du monde ?
Les éditions passées n’ayant déjà pas fait lever les foules, la réforme du Mondial des clubs portée par Gianni Infantino ainsi que la perspective de l’édition 2025 (du 15 juin au 13 juillet aux États-Unis) suscitent une large défiance sur le Vieux Continent, entre désintérêt sportif et scepticisme face à un calendrier surchargé. Pourtant, à cette fronde européenne s’oppose une vraie excitation ailleurs sur la planète. À six mois du début de la compétition, on en a pris le pouls en Nouvelle-Zélande, en Afrique du Sud et en Argentine.
Gordon Watson, manager général d’Auckland City FC : « Le Mondial des clubs, une consécration »
Groupe C : FC Bayern Munich – Auckland City FC – CA Boca Juniors – SL Benfica
« Durant les 20 dernières années, le football a connu d’énormes changements en Océanie, et plus particulièrement en Nouvelle-Zélande, pour devenir progressivement un sport majeur. La démographie du pays change, l’attrait pour le football grandit, et petit à petit on accroît considérablement le public, à l’inverse du rugby qui est en perte de vitesse. C’était déjà le cas avec l’organisation du Mondial féminin l’année dernière (coorganisé par la NZ et l’Australie à l’été 2023, NDLR), mais la Coupe du monde des clubs va contribuer à promouvoir le foot dans notre région du monde. Peu de monde le sait, mais le football est le premier sport aux Fidji, à Vanuatu ou en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Ainsi, c’est toute l’Océanie et ses 17 millions d’habitants (sans compter l’Australie, NDLR) qui attendent avec impatience le Mondial des clubs.
Notre première participation en 2006 a été douloureuse, mais on a appris : tout le concept de ce tournoi est là. On apprend des méthodes des autres continents, on engrange de l’expérience, tout cela fait progresser notre football. D’année en année, on parvient à réduire le fossé qui nous sépare du reste du monde. En 2014 au Maroc, on a même décroché la médaille de bronze après avoir poussé San Lorenzo jusqu’en prolongation en demi-finales, alors que c’était le vainqueur de la Copa Libertadores ! Notre arrière gauche était conducteur de poids lourd, notre gardien était avocat, c’était fou ! Toutefois, la complexité du milieu nous rattrape peu à peu : aujourd’hui, c’est très dur pour nous de rivaliser face aux nouvelles méthodes de scouting et au poids de l’argent dans le football moderne. Nos régulations au niveau national ne nous permettent pas de payer les joueurs, nous sommes complètement amateurs. Certains doivent faire un choix entre un boulot, continuer à jouer ici ou parfois partir pour être payés. De fait, le fossé qui se réduisait s’est à nouveau creusé avec le reste du monde.
Néanmoins, on mérite d’être là où on est. Cette participation au Mondial, c’est une récompense pour nous qui avons gagné la Ligue des champions de l’OFC (Auckland City est triple tenant du titre, NDLR). Notre poule est extrêmement excitante, et si elle est évidemment très relevée, cela nous donne un but, quelque part où aller. Oui, cela va être très dur pour nous. Mais la vie est dure, le football est dur ! Si c’était simple, on n’essayerait pas de se lever chaque jour et de se challenger ! Ce serait trop facile d’être cynique en pleurant sur son sort, qu’on n’a aucune chance… On a des tonnes de challenges au quotidien, et ce défi n’est qu’un challenge de plus pour nous. Il est là, l’intérêt du Mondial des clubs : un tournoi inclusif permettant de faire la lumière sur certaines régions du monde en soif d’apprentissage.
Je peux tout à fait comprendre le point de vue des Européens, mais je ne peux pas commencer à me soucier de ça, j’ai déjà suffisamment de problèmes à gérer dans ma propre équipe.
Vous n’imaginez pas à quel point nous sommes excités de faire partie des 32 meilleures équipes mondiales. Même si le nouveau format nous condamne à une poule très relevée, la réforme nous garantit au minimum trois matchs à jouer : c’est tout simplement génial ! Je comprends tout à fait que les Européens se plaignent du calendrier surchargé : je suis supporter des Glasgow Rangers, et lorsqu’ils sont allés en finale de la Ligue Europa en 2022, ils ont joué près de 70 matchs dans la saison, c’est énorme ! Les joueurs sont des êtres humains, pas des machines. Mais attention, nous aussi avons énormément de matchs ! Ces quatre dernières années, on joue environ 55 matchs par saison, sans compter que nos joueurs ont tous un job à côté. Et je ne vous parle pas de nos conditions de voyage… Je peux tout à fait comprendre leur point de vue, mais je ne peux pas commencer à me soucier de ça, j’ai déjà suffisamment de problèmes à gérer dans ma propre équipe ! Le Mondial des clubs 2025, c’est le plus gros évènement de l’histoire de notre club, une consécration, une récompense pour tous les efforts que l’on fournit au quotidien. Tout le monde a ses problèmes : nous, on sera l’une des équipes les plus faibles au classement, et on va y aller avec détermination et des étoiles dans les yeux. »
Lorenz Köhler, journaliste sportif spécialiste du Mamelodi Sundowns FC : « Un nouveau format beaucoup plus équitable »
Groupe F : Fluminense FC – Borussia Dortmund – Ulsan HD – Mamelodi Sundowns FC
« Le football est de loin le sport le plus populaire en Afrique du Sud : vous avez pu voir en 2010 toute l’excitation que cela génère chez nous ! Ici, les médias relayent évidemment toutes les compétitions, et la Coupe du monde des clubs ne déroge pas à la règle. Les Sud-Africains sont extrêmement excités par le tournoi à venir, même si c’était déjà le cas avant la réforme. Mais c’est pareil partout : au Brésil ou en Argentine, les gens prennent le Mondial des clubs hyper sérieusement ! Pour nous, c’est comme lorsque chez vous, un club moldave ou luxembourgeois affronte Chelsea en Ligue Conférence, c’est un rêve !
Jouer le Mondial des clubs, pour nos joueurs, c’est l’opportunité de se faire connaître, de changer leur destinée et pourquoi pas de gagner un super contrat en Europe !
Les équipes africaines ne sont pas au niveau du Real Madrid ou du PSG, mais elles ont hâte de prouver au monde de quoi elles sont capables. Chez nous, les gens voient le Mondial des clubs aussi marquant que le Mondial des nations, car tu joues contre les meilleurs joueurs de la planète ! Beaucoup de gens comme moi pensent que le football de clubs est même meilleur que le football international : selon moi, le niveau de la Ligue des champions est plus élevé que celui de la Coupe du monde. Jouer le Mondial des clubs, pour nos joueurs, c’est l’opportunité de se faire connaître, de changer leur destinée et pourquoi pas de gagner un super contrat en Europe ! La réforme, c’est une super nouvelle : avant, les Européens venaient juste pour jouer deux matchs, puis repartaient et se disaient champions du monde… Ici, les gens pensent que ce format n’était pas juste, ce n’était absolument pas équitable. La réforme met tout le monde sur un pied d’égalité, c’est beaucoup plus juste maintenant.
🏆 The all new FIFA Club World Cup. June – July 2025! 🇺🇸 Let’s Go Masandawana! 👆 #Sundowns #RoadTo25 #FIFACWC pic.twitter.com/qLVg3VAfur
— Mamelodi Sundowns FC (@Masandawana) July 16, 2024
Les Sundowns sont probablement le plus gros espoir africain pour cette édition, car les autres équipes (Al-Ahly, ES Tunis et Wydad AC, NDLR) sont tombées sur du lourd. Même si les autres équipes du groupe sont très fortes, surtout Dortmund, on a de réelles chances de se qualifier en huitièmes de finale. Mamelodi joue sûrement le meilleur football en Afrique depuis des années, même si le club peine à retranscrire cette domination sur la scène continentale (leur dernier titre continental remonte à 2016, NDLR). La structure du club s’est énormément professionnalisée ces dernières années, les Sundowns ont beaucoup d’expérience et sont sûrs de leurs forces pour tenter de rivaliser avec leurs adversaires. En plus, un coach européen vient d’arriver sur le banc afin d’insuffler une nouvelle dynamique et une nouvelle vision à l’équipe (le Portugais Miguel Cardoso a succédé à Manqoba Mngqithi début décembre, NDLR).
Je n’ai jamais compris pourquoi les joueurs se plaignaient toujours : si vous ne voulez pas jouer, ne jouez pas ! C’est votre métier, après tout.
Le calendrier surchargé ? Mais si les Européens se plaignent, ils n’ont qu’à faire jouer leurs jeunes, ou leur équipe B, et voir s’ils peuvent rivaliser ! Je n’ai jamais compris pourquoi les joueurs se plaignaient toujours : si vous ne voulez pas jouer, ne jouez pas ! C’est votre métier, après tout. Évidemment qu’on peut comprendre que le calendrier est très rempli et que les matchs se succèdent, surtout pour les joueurs internationaux. Mais ces clubs ont des effectifs pléthoriques, des académies d’élite, de l’argent et des unités de récupération dernier cri : c’est fait pour ça, non ? »
Marcos Fernandez de Oliveira, ancien joueur et socio de River Plate, aujourd’hui expatrié aux États-Unis : « Où que l’équipe aille, tu l’encourages »
Groupe E : CA River Plate – Urawa Red Diamonds – CF Monterrey – FC Inter Milan
« Le Mondial des clubs a toujours été très populaire chez nous : en Argentine, lorsque ton équipe joue, tu l’encourages où qu’elle aille et quelle que soit la compétition. Il n’y a qu’à voir la marée rouge et blanc qui avait déferlé dans les rues de Tokyo en 2015 (plus de 15000 hinchas étaient venus soutenir River au Japon au Mondial des clubs 2015, NDLR), c’était de la folie ! Néanmoins, on sait bien qu’il y a une grande différence de niveau avec les équipes européennes et que les chances d’aller très loin sont assez réduites, ce qui peut légèrement tuer l’enthousiasme. Avant la réforme, il y avait moins de matchs, et donc davantage d’espoirs d’aller loin, puisque la chance du tirage au sort pouvait jouer un rôle beaucoup plus important.
#TyCenJapón Locura millonaria en Shibuya. Los hinchas de #RiverPlate cortaron la esquina más transitada del mundo. pic.twitter.com/tEXO967edi
— TyC Sports (@TyCSports) December 19, 2015
Au vu de la poule, je pense que nous pouvons raisonnablement espérer au moins nous qualifier pour les huitièmes de finale, même si ce sera évidemment difficile : de toute façon, cela va beaucoup dépendre de la capacité de Gallardo à faire fonctionner l’équipe comme lors de sa première période sur le banc du club, car s’il y parvient, nous aurons une équipe franchement compétitive (Marcelo Gallardo est revenu sur le banc du club à l’été 2024 après son licenciement d’Al-Ittihad, NDLR).
L’émulation autour du tournoi va aussi dépendre de savoir si les stars des équipes européennes jouent le jeu ou non.
La surcharge du calendrier ? En Argentine, personne ne se plaint vraiment de ça. Chez nous, il y a beaucoup de coupes différentes à disputer, et il est très difficile pour une équipe de toutes les jouer à fond : même si elle le fait, elle fixe quand même la priorité sur les compétitions qui rapportent le plus, en matière de prestige notamment. Du coup, il n’y a pas tant de pression que ça pour tout gagner ou même pour jouer 100% des coupes à fond, ce qui implique aussi que personne ne se plaint du calendrier trop rempli : chez nous, c’est comme ça !
La vérité, c’est que je suis plus intrigué qu’autre chose par ce nouveau format de compétition : j’adore le football et River Plate, donc évidemment je vais regarder autant que possible pour voir la différence de niveau avec les cadors. L’émulation autour du tournoi va aussi dépendre de savoir si les stars des équipes européennes jouent le jeu ou non. Mais pour être tout à fait honnête, ici aux États-Unis on n’entend pas énormément parler du Mondial des clubs. Le soccer est de plus en plus visible dans le pays et tout le monde connaît Messi et l’Inter Miami, mais il est encore loin d’être compétitif par rapport aux autres grands sports ici : le football est encore un sport en développement, et naturellement, avec l’organisation du Mondial des clubs, mais surtout de la Coupe du monde 2026, tout cela va encore s’accélérer. »
Propos recueillis par François Goyet