Trump-Infantino, une bromance malsaine

La scène s’est déroulée le 7 mars dernier dans le bureau ovale de la Maison-Blanche. Le président des États-Unis Donald Trump recevait celui de la FIFA Gianni Infantino – déjà présent lors de la cérémonie d’investiture du milliardaire new-yorkais – afin de lancer officiellement l’organisation de la 23^e édition de la Coupe du monde de foot masculin qui se tiendra du 11 juin au 19 juillet 2026, avec notamment la signature d’un décret présidentiel concernant ce « plus grand événement sportif de l’histoire », et instaurant la « task force » en charge de cette affaire si sensible.

Eux contre le reste du monde

L’attribution était survenue en 2018, déjà durant le premier mandat de l’actuel « POTUS ». Sauf que depuis sa seconde élection triomphale en novembre dernier, l’ex-animateur de télé-réalité, qui aimait danser avec des poussins jaunes géants, a franchi un cap dans sa folie, notamment en allant directement au conflit avec les futurs partenaires de ce Mondial nord-américain. Pour ne citer que l’essentiel : la volonté explicite d’annexer le Canada, une menace permanente de conflits commerciaux, l’expulsion massive d’immigrés « illégaux », dont beaucoup de Mexicains, la fermeture des frontières, et le Golfe du Mexique rebaptisé Golfe d’Amérique… Sans oublier en début de semaine, une offensive douanière contre quasiment le monde entier, y compris des îles sans habitants…

Ce contexte angoissant ne semble pourtant guère inquiéter Gianni Infantino. Rien de bien surprenant quand on sait qu’il a célébré en 2018 la Coupe du monde en Russie, alors que la guerre d’usure contre l’Ukraine (annexion de la Crimée, Donbass…) avait déjà commencé, et qu’il a fermé les yeux sur le régime autoritaire de son « grand ami » Vladimir Poutine. Tout le monde sait qu’il a ensuite fait tout son possible pour que la Russie ne soit pas exclue des compétitions de football après le déclenchement en 2022 de l’invasion de son voisin. Il a entre-temps servi d’homme-sandwich pour assurer la promotion du Qatar, restant sourd à toute velléité de critiques sur les droits humains ou l’écologie. Gianni Infantino ne connaît que son intérêt, qui se confond avec celui de la FIFA. Ni morale ni souci de la vérité ne l’étouffe, l’important reste de se remplir les poches, si possible en léchant les bottes de celui qui se montrera le plus généreux. Donald Trump constitue aujourd’hui clairement la meilleure chose qui pouvait lui arriver. Michel Platini l’avait résumé plus sobrement : « Infantino est toujours pote avec les riches et les puissants. ». Si bien que la diplomatie du ballon rond semble avoir perdu tout pouvoir.

Ceci n’est plus de la fiction

De fait, Donald Trump ne songe certainement pas à changer de cap pour protéger la Coupe du monde. Au contraire, il pense que « la tension, c’est une bonne chose. Ça rend les choses beaucoup plus palpitantes. » En cas d’Anschluss du Canada, Jonathan David sera-t-il du coup contraint de passer la balle à Christian Pulisic ? Est-ce la raison pour laquelle Gianni Infantino a même été jusqu’à défendre les chances de la Team USA, si ses joueurs ont « le public derrière eux ». Un beau cadeau patriotique pour le 250^e anniversaire de l’indépendance américaine, qui tombera le 4 juillet 2026.

Cependant, s’il ne s’en tenait qu’aux seules préoccupations de son sport (ou de son business), Gianni Infantino pourrait se poser quelques questions. Donald Trump peut nier le dérèglement climatique, ce dernier a déjà commencé à faire peser de lourds nuages noirs (incendies, pics de chaleur…) sur le déroulement de la compétition dans certains des 11 stades retenus (citons Dallas) et qui hébergeront 78 des 104 rencontres du nouveau format à 48 participants. De la même manière, le durcissement des tensions internationales peut compromettre la bonne tenue des rencontres. C’est le cas pour les joueurs iraniens par exemple, déjà qualifiés, mais dont le pays figurerait dans la liste noire des 41 États dont les ressortissants ne peuvent plus entrer aux USA. Et comment seront reçus les touristes chinois ou européens, nouveaux ennemis déclarés de l’Oncle Sam ? Pour le moment, l’idylle continue et n’est pas près de s’arrêter. Le 14 juin débutera à Miami la dernière lubie en date de Gianni Infantino, sa Coupe du monde des clubs, aux airs de grande répétition. Et le Mondial féminin se tiendra vraisemblablement de nouveau en 2031 sur le sol américain. Peut-être la principale motivation de Donald Trump lorsqu’il affirme vouloir briguer un troisième mandat, ce que la Constitution pour l’instant lui interdit ?