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Mondial 1970 : l’album Panini du siècle
Prenez une bonne dose de Jairzinho, de Tostão et de Rivelino, un peu de Riva, ajoutez du Müller et du Beckenbauer, saupoudrez de Banks et de Charlton et emballez le tout avec du Pelé. La recette a déjà 50 ans, mais ne perd rien de sa saveur. Au contraire, le Panini du Mondial mexicain continue de se bonifier avec le temps. Aujourd’hui, à l’image d’une compétition mythique, le premier album Panini dédié à une Coupe du monde est devenu une perle rare pour tout collectionneur. 1970, c’était le Mondial de l’album Panini du siècle.
La légende est connue : en 1961, à Modène, Giuseppe et Benito Panini, deux frères distributeurs de journaux, ont l’idée de se lancer dans la vente d’images à l’effigie de footballeurs. Bingo. Les vignettes des Calciatori se vendent comme des petits pains et, après neuf ans de réussite nationale, la société familiale compte surfer sur le succès de la Coupe du monde 1966. Pour le Mondial 1970, elle lance un album vendu pour la première fois hors de la Botte. Jamais réédité depuis, avec son format presque carré et son aigle mexicain en couverture, il marque le début d’un mythe de plus d’un demi-siècle.
Avance rapide, nous voici en 2017. Début mars, le site d’enchères Catawiki lance une grande vente d’un album Panini Mexique 1970 rempli et, cerise sur le gâteau, dédicacé par Pelé. La bataille fait rage entre collectionneurs jusqu’aux derniers instants de la vente. Dans les dix dernières minutes, l’enchère passe de 5 038 € à 12 008 €, et le précieux sésame revient finalement à un Italien. « Il s’agit toujours de l’album Panini le plus cher au monde », confirme Wouter Waaijers, spécialiste des objets de sport chez Catawiki. Mais comment expliquer une telle valeur ?
À jamais le premier
L’album Mexique 1970 est d’abord le premier Panini avec un contenu international et des joueurs issus des quatre coins de la planète. Une nouveauté incroyable pour tout amoureux de foot à l’époque. Depuis, chaque édition de la plus prestigieuse des compétitions a le droit à son album. Forcément, le premier d’entre eux n’en devient que plus mythique avec le temps. « Tant que cela continuera, il y aura de nouveaux collectionneurs. Une partie d’entre eux recueillera également les éditions précédentes, donc on peut s’attendre à ce que la valeur augmente encore, explique Wouter Waaijers. Dans de nombreux pays, il existe des Panini des compétitions nationales, mais l’édition de la Coupe du monde est le dénominateur commun. »
En matière de contenu, aussi, l’album bouleverse. Cinquante pages, un historique des huit éditions précédentes, des pages dédiées au déroulé de la compétition. Une petite révolution. « On pouvait noter tous les résultats. C’était une petite encyclopédie du foot. Ce genre de choses n’existaient pas du tout », se remémore Thierry, collectionneur suisse de 62 ans, passionné de Panini depuis le Mondial mexicain alors qu’il était jeune adolescent. Un avis partagé par Kévin, autre aficionado dont la collection d’albums dépasse le cadre du foot. « C’est peut-être le seul objet existant dans lequel on retrouve l’intégralité des joueurs de cette Coupe du monde. On peut découvrir pas mal de joueurs, on apprend beaucoup de choses sur le football. C’est une vraie vue d’ensemble », insiste-t-il.
L’album du Roi
Cet album n’est pas simplement le premier d’une longue collection. Le Panini du Mexique 1970 est aussi celui d’une compétition légendaire. La compétition du spectacle avec 2,97 buts par match. Celle de joueurs légendaires comme Jairzinho, Tostão, Rivelino, Gérson, Seeler, Riva, Charlton, Moore et bien d’autres. De « l’arrêt du siècle » de Banks face à Pelé dès les poules. Du quart de finale tragique des Anglais contre la RFA. Celle « des dix buts de Gerd Müller », se souvient Thierry. De Beckenbauer, le bras en écharpe, qui refuse d’abandonner ses coéquipiers pour le « match du siècle » Italie-RFA en demi-finale. Et de toutes ces choses qui font la grandeur d’un événement et participent de son mythe. Comme un coffre, l’album de cette édition en renferme tous les trésors.
Mais à l’image de cette Coupe du monde, l’album Panini est surtout celui du Roi. 1970, c’est le dernier Mondial de Pelé, buteur en finale et meilleur joueur de la compétition. Celui du troisième sacre de la légende, jamais rejoint à ce jour. « Cet album est extraordinaire. Il y a tout l’effectif de la Dream Team du Brésil. Mais c’est surtout celui de la dernière Coupe du monde de Pelé, synthétise Kévin, pas encore né en 1970. C’est avec cet album que j’ai entendu parler de Pelé pour la première fois. » À l’époque, les épaisses vignettes ne sont vendues que par paquets de deux. Logiquement, celle de Pelé est le joyau du trésor. « Il n’y a pas longtemps, sur Ebay US, je suis tombé sur un mec qui vendait l’image de Pelé pour cet album. L’enchère en était à 1 200 € », raconte Kévin.
« Le Saint-Graal de Panini »
Wouter Waaijers est formel : « L’album du Mondial 1970 est l’album Panini le plus convoité, sans aucun doute. C’est le plus connu, il est donc beaucoup plus rare et cher. » Aujourd’hui, l’album est presque introuvable, surtout si l’on n’est pas prêt à mettre la main à la poche. « Finir un vieil album, ça me paraît très compliqué. Autrement qu’en l’achetant complet à un collectionneur ou, peut-être, en contactant Panini, je pense même que c’est impossible », abonde Thierry, fort de son expérience. Un profane pourrait penser qu’il suffit de se lancer à la recherche d’un album vierge et moins cher. Fausse route. « C’est simple, je n’en ai jamais vu un vide. L’album a 50 ans, j’adorerais en avoir un complètement vierge, regrette Kévin. Je connais un seul gars qui en a un. Un Italien qui avait acheté deux albums à l’époque. Il en a un complet et un vierge, avec toutes les images non collées pour le remplir. »
Pour les collectionneurs du monde entier, la recherche de cet album est devenue la quête ultime. Du haut de sa collection riche de plus de 200 albums complets, Kévin est affirmatif : « Si tu es un collectionneur Panini digne de ce nom, tu es obligé d’avoir cet album. C’est le Saint-Graal ! » Inévitablement, à l’apparition de la moindre trace de la relique, les prix s’embrasent. « J’ai eu une offre de 5000 £ de la part d’un Anglais », témoigne Kévin. Chez Catawiki, Wouter Waaijers se souvient très bien de cette folle vente aux enchères de 2017 qui avait attiré des collectionneurs de 17 pays : « En général, la valeur serait d’environ 2 500 – 3 000 € pour un achat direct. Mais si on prend en compte la dynamique des enchères, de grosses surprises sont possibles. » Si bien qu’en dehors de toute passion, l’acquisition d’un album peut aussi être un vrai investissement. « Si je peux donner un conseil : achetez des articles Panini de la Coupe du monde féminine 2011. Ce sera probablement le prochain « Mexico 70 » de Panini. C’est le tout premier album de Panini lié à un Mondial féminin, uniquement publié en Allemagne », avance Wouter Waaijers.
Au-delà de toute valeur financière, une récente étude réalisée par Catawiki montre que la valeur affective prédomine encore chez 59 % des personnes interrogées. D’autant plus pour un album qui remonte à 1970 et qui fait écho aux premiers pas d’une passion, souvent familiale. « Il appartient à mon père, c’est un album sentimental. Même si j’étais en galère d’argent, je ne le vendrais pas », tranche Kévin sans hésitation. Pour Thierry, cet album est un vrai souvenir d’enfance : « De cette Coupe du monde, je me souviens surtout que je me cachais la nuit pour regarder les matchs derrière la porte du couloir pour voir la télévision de mes parents. On était au collège, tout le monde faisait son album et on échangeait des vignettes sans soucis avec les copains. » La valeur du cœur.
Par Quentin Coldefy
Tous propos recueillis par QC