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Mönchengladbach, épouvantail bavarois ?
Après deux nuls lors de ses deux dernières rencontres de Bundesliga, le Bayern Munich de Carlo Ancelotti se doit de battre le Borussia Mönchengladbach ce samedi à l’Allianz-Arena. Problème, les Fohlen se sont fait une spécialité de mettre le Bayern en échec depuis 2011 et l'arrivée d'un certain Lucien Favre à la tête du club rhénan.
Il faut se figurer une ville allemande une peu banale, sans éclat et sans histoire, toute proche de la frontière néerlandaise. Mönchengladbach, ville de Rhénanie-du-Nord, n’est pas franchement le lieu le plus touristique d’Allemagne. Une fois le musée Abteiberg visité, il ne reste plus grand-chose à faire aux 250 000 habitants de la cité. Plus grand-chose, à part voir jouer le Borussia Mönchengladbach. Club mythique, le Borussia est devenu le principal concurrent du Bayern Munich dans les années 70. Si les Bavarois de Franz Beckenbauer, Gerd Müller ou encore Uli Hoeness faisaient alors figure de favoris, ils n’ont remporté « que » quatre championnats, contre cinq pour le Mönchengladbach de Jupp Heynckes, alors attaquant, entre 1970 et 1980.
Un engouement s’emparait alors de la ville qui vibre depuis devant chaque rencontre disputée face au Rekordmeister. Défenseur du Borussia entre 2005 et 2015, Filip Daems reconnaît cette rivalité, même s’il la tempère un peu : « Munich avait l’habitude de jouer pour le titre dans les années 70-80, donc il y a une rivalité historique, mais le vrai derby c’est face à Cologne. » Si les supporters de Gladbach privilégient désormais le derby local, c’est surtout parce que la rivalité avec le Bayern s’est quelque peu estompée. À partir de la fin des années 80, Mönchengladbach végète dans les bas-fonds de la Bundesliga, faisant même deux allers-retours en deuxième division. Mais, depuis 2011, le Borussia a retrouvé les sommets du classement, tout en se payant le luxe de battre régulièrement le Bayern. Un retour au premier plan qui porte la marque d’un homme : Lucien Favre.
Guardiola et le complexe du Borussia
Arrivé à Mönchengladbach en février 2011, l’actuel coach de Nice a perdu son premier choc à Munich, avant d’aller gagner avec son Borussia à l’Allianz-Arena dès la première journée de la saison 2011-2012. Puis d’enchaîner avec une nouvelle victoire au Borussia Park lors du match retour. Certes, le Bayern ne dominait pas encore la Bundesliga, abandonnant cette année le titre à Dortmund. Mais, alors que les Bavarois de Pep Guardiola ont écrasé la Bundesliga ces deux dernières années, ils ont été incapables de battre le Mönchengladbach de Favre, puis de son successeur, André Schubert.
Pire encore, les Bavarois ont perdu deux de leurs quatre dernières rencontres de Bundesliga disputées face à Gladbach, ce qui représente presque un tiers des défaites du Bayern en championnat sur cette même période (7). Les Bavarois, pas du genre à douter, feraient-il un complexe face à Gladbach ? « Je ne pense pas que le Bayern ait eu peur de nous. C’est une équipe qui dégage beaucoup de force, beaucoup de confiance, mais ils ne nous sous-estimaient pas, car ils se sont rendu compte avec les années que ça devenait difficile pour eux de jouer au Borussia Park » , assure Filip Daems.
La tactique, la tactique et encore la tactique
En réalité, Lucien Favre a su faire de Mönchengladbach l’épouvantail officieux du Bayern en Bundesliga grâce à un seul élément : sa science tactique. Seulement quelques mois après sa prise de fonction, Favre a mis rapidement en place un 4-4-2 compact, qui ne laisse que très peu d’espace entre les lignes. Rien de bien sorcier jusqu’ici. Mais c’est l’animation mise en place par le Suisse qui a fait rapidement du Borussia un adversaire plus coriace que les autres pour le Bayern. « L’objectif était d’évoluer très bas, on restait en bloc » , se souvient Filip Daems. Concrètement, le Borussia a construit ses succès les plus probants contre le Bayern en abandonnant complètement la possession du ballon (souvent inférieure à 35%) comme toute idée de maîtriser le milieu de terrain. Le bloc équipe, très discipliné, évolue alors globalement très bas, laissant un minimum d’espace entre les lignes et bloquant les possibilités de passes longues pour des joueurs comme Schweinsteiger ou Xabi Alonso.
Les milieux de terrain effectuent eux beaucoup de déplacements horizontaux pour aider les latéraux, créant ainsi un surnombre défensif face aux ailiers du Bayern, qui sont généralement les joueurs les plus dangereux côté munichois aux abords de la surface. « On bloquait plutôt bien des joueurs comme Ribéry et Robben en défendant en équipe. Si vous jouez contre ces joueurs-là et que vous défendez seul, vous vous mettez en danger, ils peuvent très facilement prendre l’intérieur ou la ligne. Les milieux doivent donc beaucoup compenser » , analyse Filip Daems. Pour combler les trous laissés par les déplacements de ces derniers sur les ailes, le Borussia s’est aussi appuyé sur des attaquants ne rechignant pas à l’effort défensif comme Raffael ou Mike Hanke, dont la mission consistait à verrouiller l’axe dès qu’il était abandonné par leurs milieux.
Le salut par les ailes
Offensivement, la stratégie mise en place par Favre était, elle, globalement plus basique, mais toute aussi efficace. Gladbach a su mettre le Bayern en danger en minimisant les transmissions axiales, où les pertes de balle sont plus dangereuses que sur les ailes, et en misant un maximum sur un jeu très direct, en une ou deux touches sur les côtés. La recherche systématique des ailes leur permet de fuir le pressing axial du Bayern, pour tenter de créer la différence par le dribble ou en créant le surnombre lors d’attaques essentiellement excentrées. « L’objectif était de créer des situations sur les côtés où on attaquait à deux contre un » , relève Filip Daems.
Et si Favre a quitté Glabach en septembre 2015, son héritage tactique demeure : son successeur, André Schubert, s’appuie sur une symphonie offensive similaire, tout en prônant un système défensif plus audacieux, qui mise sur des phases de pressing très hautes pour gêner les relances munichoises. Une variante audacieuse de la tactique du Suisse qui a su elle aussi faire ses preuves : Mönchengladbach reste sur une victoire et un nul face au Bayern en Bundesliga depuis que Favre s’en est allé. À l’heure d’affronter Gladbach, Carlo Ancelotti ne se fait donc probablement pas d’illusion : même sans leur gourou suisse, il sait que les Fohlen (les poulains) de Lucien Favre n’ont certainement pas oublié comment perturber la grande écurie munichoise.
Par Adrien Candau et Steven Oliveira