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Monaco : une baisse des salaires, mais pour quoi faire ?
L'heure étant à l'effort collectif, le monde du football regarde d'un œil inquisiteur les joueurs réfractaires à une baisse de leur salaire au-delà de ce qu'impose la mise en place du chômage partiel. Mais pourquoi le feraient-ils ? Et, surtout, pour qui ? Un sujet épineux dans tous les clubs professionnels et en particulier à Monaco, en proie aux limites de sa politique aussi risquée qu'impersonnelle.
En 2003, il était déjà question de chiffres et d’attachement à l’issue d’une saison qui avait vu l’AS Monaco retrouver le chemin des cimes sportives et creuser davantage encore son gouffre financier. La presse sportive titrait alors « Monaco brûle-t-il ? », la DNCG rétrogradait administrativement le club du Rocher en seconde division – avant de finalement se contenter d’encadrer son recrutement – et un vestiaire plus solidaire que jamais se promettait de continuer l’aventure ensemble, n’arrangeant pas les affaires de dirigeants prêts à tout vendre au plus offrant pour combler un déficit de plusieurs dizaines de millions d’euros. Un club était à deux doigts de mourir avant de vivre quelques mois plus tard la plus belle de ses aventures sportives et humaines. Un drôle d’enchaînement dont le football aime se nourrir. Un football dont tout le monde a faim aujourd’hui et dont les réserves folles s’amenuisent. Subissant de plein fouet la crise du coronavirus, la rétention du versement des droits TV et sa navigation à vue en eaux troubles, l’AS Monaco a délaissé sa crise sportive pour une crise en coulisses, qui dit beaucoup d’elle, plus que de ses joueurs.
La mauvaise direction
Invité à consentir un effort financier important pour le bien du club – une baisse provisoire des salaires d’au moins 50% aurait été évoquée par la direction –, le vestiaire monégasque serait jusque-là très réticent à cette idée. De quoi alimenter la fable de l’individualisme écœurant du joueur de football, hors des réalités et à mille lieues de s’investir pour le bien commun. Mais de quelle réalité parle-t-on exactement ? Celle d’un club qui a du mal à faire face aux conséquences de ses propres choix, qui a gâché depuis trois ans bien plus que les millions qu’il essaie de récupérer auprès de ses salariés. Reprocher à des joueurs de football, pourtant dans leur droit le plus entier, le cynisme édicté en valeur absolue par leur propre employeur relève de la farce. Les clubs de football sont des entreprises presque comme les autres. C’est désormais davantage une constatation qu’un avis, et même parfois une revendication éhontée de leurs propriétaires. Les effectifs tourbillonnent, à Monaco plus encore qu’ailleurs, et il est sans doute un peu audacieux de demander à des hommes, qui savent n’être que de passage avant même d’avoir enfilé pour la première fois leur maillot, de s’investir émotionnellement et désormais financièrement pour la survie éventuelle d’un club de football comme s’il s’agissait d’une simple PME de quartier.
Le bon sens
L’AS Monaco n’investit plus sur les hommes, mais seulement sur sa méthode, qui a pour seul mérite d’être la sienne et d’offrir parfois malgré tout de magnifiques aventures. Elle paralyse cinq carrières naissantes pour en magnifier une seule, essore les talents d’ailleurs et avant tout les siens, la liaison entre l’équipe première et le centre de formation étant brouillée depuis longtemps. Surtout, l’AS Monaco s’en sortira coûte que coûte, même sans effort de la part de ses joueurs. Et peut-être même en tirera-t-elle quelques leçons. La plus simple étant : si l’on ne veut pas trop flirter avec le précipice, sans doute est-il préférable de ne pas multiplier les contrats, les recrutements, les indemnités de licenciement et les commissions grotesques en misant sur le fait que le père Noël continuera à passer chaque été pour rajouter une pièce dans la machine du mouvement perpétuel. Aujourd’hui, l’AS Monaco est un club à l’arrêt. Il l’était bien avant la crise du coronavirus. Et ses joueurs n’y sont presque pour rien, imprégnés qu’ils sont d’un curieux esprit d’entreprise propre à l’ASM. Et si jamais venait à ces joueurs l’idée de donner un sens à tout cela et de participer à l’effort collectif – s’assurer que les petites mains du club ne soient pas mises en difficulté par la crise serait déjà une préoccupation nécessaire –, on ne doute pas qu’ils trouveraient le chemin par eux-mêmes. Il en existe de multiples, bien plus engageants et engagés qu’accorder une faveur à leur direction.
Par Chris Diamantaire