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Monaco-Lyon : un mercato, des mercati
Avant de s’affronter sur le terrain, l’ASM et l’OL restent deux machines bien rodées sur le marché des transferts. Mais leurs stratégies de recrutement, similaires sur le fond quand il s’agit d’assurer la pérennité d’un projet, divergent par leur forme. Deux cellules, deux ambiances.
Clac. La fenêtre du mercato vient de se refermer. Et Lyon comme Monaco ont su en profiter pour faire entrer un peu d’air frais sans se faire dévaliser. Comme souvent, pas de panic buy, pas de départs fracassants, peu de rumeurs fantaisistes. Que du concret, du logique, du sensé. Côté sortie, Monégasques et Lyonnais n’ont eu à signaler que le départ de deux joueurs : le sub argentin Guido Carrillo à Southampton contre 22 millions d’euros, et l’ex-futur taulier Clément Grenier qui débarque libre à Guingamp.
Deux joueurs qui semblaient avoir atteint leurs limites dans leur effectif respectif, alors que Thomas Lemar a été conservé sur le Rocher. Mais les rares petites retouches effectuées par ces deux clubs cet hiver illustrent une tendance qui permet d’affirmer que, chacun à sa manière, l’ASM et l’OL ont aujourd’hui les deux meilleures stratégies de recrutement du pays – celle du PSG et sa manne financière étant hors catégorie. Pourquoi ? Parce qu’elles sont pensées dans le cadre de projets qui vont bien au-delà de la saison en cours.
S+1 versus S+?
Auteurs d’un solide recrutement estival, les Gones ne sentaient pas forcément le besoin d’enrôler à tour de bras, sans pour autant les laisser ballants. « On n’a pas la certitude qu’il faille recruter pour le mercato d’hiver, parce qu’on n’a pas eu de pépins lors de cette première partie de saison, expliquait en janvier Jean-Michel Aulas. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne va pas commencer à prospecter pour le futur, en particulier pour l’exercice 2018-2019. » Pas de recrutement à effet immédiat, mais les recruteurs lyonnais ont déjà pris de l’avance sur leurs devoirs de vacances d’été en assurant les arrivées la saison prochaine de l’attaquant Martin Terrier, 20 ans, et du latéral Léo Dubois, 23 ans. Ce qui permet d’envisager l’avenir avec sérénité, tout en anticipant les hypothétiques départs de Rafael ou de Maxwel Cornet. Fixés sur leur sort, ces joueurs au potentiel intéressant poursuivront tranquillement leur croissance dans leur coin, l’un à Strasbourg, l’autre à Nantes, acquerront encore de l’expérience pour se fondre naturellement dans le groupe rhodanien dès le mois de juillet prochain.
En Principauté, les dirigeants monégasques ont glissé dans leur carquois une nouvelle flèche à 25 millions d’euros, nommée Pietro Pellegri. Une somme record pour un joueur de moins de 17 ans. « C’est un grand espoir du football européen. Je le confirme. C’est une grande fierté, car c’est la preuve que l’AS Monaco attire les meilleurs talents européens » , se félicitait le vice-président Vadim Vasilyev. Pendant que Lyon travaille sur un échéancier à six mois, plus rationnel et moins risqué, Monaco navigue avec un cap plus éloigné, avec donc moins de certitudes, mais des perspectives de valeur ajoutée bien plus élevées. Car rien ne dit qu’à 16 ans, le prodige du Genoa puisse avoir un rendement optimal dès les prochains mois. Comme avec Anthony Martial, Kylian Mbappé, Yannick Ferreira Carrasco ou James Rodríguez, l’arrivée de Pellegri ressemble à un pari qui ne s’avérera payant ou pas qu’à l’horizon 2019. Que ce soit sur le terrain ou sur le compte en banque du club.
Spéculation financière versus spéculation sportive
Le business model monégasque est limpide. Pellegri, Tielemans ou Keita Baldé sont appelés à grandir au sein d’un effectif bâti avec des joueurs expérimentés (Subašić, Glik, Moutinho, Falcao, Jovetić) afin d’assurer des résultats à court terme, avant de remplir les objectifs financiers à moyen terme. « On a prouvé qu’ici, les jeunes peuvent réussir, puis partir un jour dans les plus grands clubs du monde. C’est la force de notre projet, résumait Vasilyev au micro de RMC. Les gens se disent qu’on transfère les joueurs et que ce n’est que pour l’argent. Non, c’est du sportif. » Cependant, mettre le paquet sur des jeunes avec très peu de garanties sportives implique forcément des pertes. Pour amortir ces risques, l’ASM s’appuie sur la possibilité d’envoyer en prêt plusieurs de ses jeunes pousses un peu partout dans les clubs secondaires européens. Ainsi, ce n’est pas moins de dix joueurs sous contrat avec le club princier qui tentent de glaner du temps de jeu loin de la maison mère, sans compter Kylian Mbappé, toujours officiellement prêté au PSG. Et tant pis si certaines expériences sont des échecs, comme celles tentées avec Corentin Jean ou Farès Bahlouli.
À Lyon, une grosse plus value à la revente n’est pas le critère primordial pour la cellule de recrutement. La recette consiste à cueillir les jeunes quand ils ont déjà fait leurs classes dans les divisions inférieures, avant de leur laisser le temps de s’imposer au club et d’en faire ses futurs cadres. De quoi questionner aujourd’hui le rôle du centre de formation de l’OL, considéré comme le meilleur de France. Pourtant, il n’y a qu’à voir le milieu lyonnais de cette saison, composé à moitié de joueurs formés à Lyon (Fekir et Aouar) et à moitié par des jeunes venus entre Rhône et Saône pour terminer leur croissance (Ndombele, Tousart), pour comprendre que le recrutement ne se fait pas forcément au détriment de la formation. Mais qu’elles soient recrutées à coups de millions ou triées sur le volet, ces injections de jeunesse dans les deux clubs assurent au moins une chose : les matchs entre Lyon et Monaco resteront de sacrées affiches pendant de nombreuses saisons encore.
Par Mathieu Rollinger