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Monaco, le beurre et l’argent du beurre

Par Nicolas Jucha
Monaco, le beurre et l’argent du beurre

Des grosses ventes chaque été, une constance sur le podium de Ligue 1, et désormais une dynamique explosive en 2017... Tout réussit à l'AS Monaco, qui parvient depuis trois ans à être l'un des meilleurs vendeurs d'Europe et une équipe qui se maintient sur l'échiquier européen. Ou comment allier la logique économique à l'ambition sportive. Pour combien de temps ?

« J’ai envie de penser que pour Monaco, c’est l’année ou jamais. Vu la philosophie sportive, ils ne peuvent pas aller plus haut, ils ne seront jamais au niveau du Real, du Barça ou du Bayern, des clubs qui ne vendent pas leurs meilleurs joueurs. Mais malgré tout, c’est incroyable ce qu’ils ont réussi à faire jusqu’à présent, tant sportivement que financièrement. » Consultant Ligue 1 pour beIN Sport, Éric Roy est admiratif face à l’AS Monaco. Comme beaucoup d’autres personnes probablement sceptiques, à l’été 2014, quand on nous annonçait que Dmitri Rybolvlev avait pris cher dans sa procédure de divorce et que, désormais, l’heure du mécénat sans contrepartie était révolue. Depuis, l’ASM a vendu au prix fort ses bijoux de famille : James Rodríguez (Real Madrid, 80 millions d’euros), Anthony Martial (Manchester United, 50 millions plus 30 de bonus) ou encore Geoffrey Kondogbia (Inter Milan, 40 millions hors bonus). Autant de lourdes plus-values sur des joueurs qui n’ont pas forcément explosé à l’étage supérieur, quand l’ASM, elle, continuait de tenir son cap sportif : deuxième de Ligue 1 en 2014, troisième en 2015 et 2016. Et éventuellement une première place au printemps si le groupe de Leonardo Jardim garde le cap cette année. Pour Roy, la politique monégasque ressemble à « Porto ou Benfica à leurs meilleures heures, à savoir qu’ils prennent en compte la probabilité de plusieurs échecs, compensés par les quelques grosses réussites. » Pour un James, combien de Borja Lopez, Lacina Traoré ou Ivan Cavaleiro ? « Leur modèle fait qu’ils peuvent amortir trois ou quatre échecs avec une réussite. Quand on s’extasie sur un Brésilien révélé par Porto, il faut savoir qu’il y a trois ou quatre autres recrues sud-américaines qui se sont plantées. Mais à Monaco, ils ont aussi le mérite d’avoir su donner du temps à certains, comme Tiémoué Bakayoko qui a eu deux premières saisons compliquées. » Et qui aujourd’hui apparaît comme l’un des tauliers monégasques quand en 2014, son transfert à neuf millions d’euros était vu comme surfacturé par Rennes. Idem pour Bernardo Silva à seize millions à l’hiver 2015, le Portugais étant peut-être aujourd’hui le meilleur joueur de l’effectif asémiste.

Monaco, le Lorient du riche

« Et dans tout ça, pour servir cette politique qui finalement est obligatoire pour n’importe quel club français, ils ont choisi le bon coach. » Recruté à l’été 2014 pour remplacer Claudio Ranieri, plus vraiment en phase avec sa direction, Leonardo Jardim a pourtant essuyé son lot de critiques à ses débuts : trop défensif, pas assez créatif. Alors que, cette saison, il évolue avec un quatuor offensif intenable, « sans compter deux latéraux qui participent énormément au jeu, souligne Éric Roy. Pour jouer un football offensif, il faut des grands attaquants, maintenant qu’il les a, on voit le résultat. Et vu qu’il a un duo Fabinho/Bakayoko qui se suffit à lui-même pour équilibrer toute l’équipe, Jardim n’hésite pas à aligner une formation très portée vers l’avant, cela prouve ses qualités de technicien. » Un technicien qui aura encore l’occasion de démontrer son niveau en Ligue des champions face au Manchester City de Pep Guardiola. « Le financier et le sportif sont liés : un club comme Lorient avec Christian Gourcuff, savait aussi recruter des joueurs et les valoriser, mais il le faisait à une autre échelle, là, Monaco le fait avec une exposition de ses joueurs en Ligue des champions, ce qui automatiquement fait grimper la valeur de ses joueurs. Ils ont établi un cercle vertueux. »

Été meurtrier ?

Mais pour pouvoir frayer au niveau européen, Éric Roy ne manque pas de souligner qu’il y a eu un investissement lourd dès 2013. « Sans ces dépenses initiales, ils n’en seraient pas là, ce ne sont pas des magiciens non plus. » Et pour lui, l’AS Monaco est aujourd’hui au sommet, mais ne pourra y être éternellement, sauf réussite extraordinaire. « Un club comme le Real ou le Barça se financent grâce à leur marque globale, leur marketing, acheter des stars confirmées nourrit ce business model, alors que pour les autres comme Monaco, il n’y a pas moyen de se financer autrement qu’en vendant ses meilleurs joueurs. Or, c’est risqué : on connaît le talent de celui que l’on vend, mais on ne sait pas si celui qui vient en remplacement pourra grandir autant que le partant, et à quelle vitesse. » D’où l’idée que le Monaco de 2017 est un millésime que les Asémistes doivent savourer à sa juste valeur : performant, beau à voir jouer, bankable. « Mais dès l’été prochain, on pourrait voir partir Fabinho, Bernardo Silva ou encore Falcao et Germain, il faudra prendre de bonnes décisions. » En espérant qu’il y aura un petit soupçon de réussite qui a, jusque-là, toujours été présent dans le projet monégasque. « Prenez l’exemple Falcao, on aurait pu penser qu’il avait perdu définitivement la moitié, voire les trois quarts de sa valeur, et puis finalement il revient en forme au moment où le marché s’enflamme en Chine. Ce n’est vraiment pas impossible qu’une offre d’un club chinois permette à l’ASM de faire une plus-value en juin… Il y a quand même une part de chance dans tout cela non ? Cette petite part de chance, elle est indispensable pour réussir. »

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