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Monaco, la diagonale du vide
Avec la réception de Reims en Coupe de France, ce samedi à 15h, Monaco va enfin pouvoir se concentrer sur le terrain. Mais le bazar en coulisses pendant la trêve et le second licenciement de Leonardo Jardim, remplacé par Robert Moreno, ont rappelé à quel point le club de la Principauté était devenu antipathique en moins de trois ans. Résultat, ce monument du football français ressemble à tout sauf à un club de foot.
Les plus curieux n’auront pas à chercher bien loin pour trouver un intérêt à cette affiche des 32es de finale de la Coupe de France entre Monaco et Reims. La première de Robert Moreno sur le banc monégasque devrait suffire à combler ceux qui ont besoin d’être rassasiés. Et surtout, ceux qui ont besoin de se rappeler que l’ASM est un club de foot, puisque le terrain y est relégué au second plan depuis beaucoup trop longtemps. Oui, la trêve des confiseurs a peut-être été reposante pour la majorité des clubs de l’élite en France, mais elle a surtout été agitée du côté de la Principauté. C’était attendu, c’est arrivé un 28 décembre : pour la deuxième fois en moins de quinze mois, Leonardo Jardim a pris la porte au bout d’une guerre interne nocive pour le club. En conférence de presse, le vice-président Oleg Petrov a immédiatement évoqué un « gâchis financier » – comme en octobre 2018, le technicien portugais devrait toucher quelques millions d’euros d’indemnités -, rappelant ainsi aux derniers romantiques (et aux autres, aussi) ce que l’AS Monaco est devenue : un symbole de tout ce qui est détestable dans le football actuel.
Jouet cassé
Le constat est terrible, surtout qu’il intervient moins de trois ans après la saison historique du titre. Mais où est passée cette équipe attachante et rafraîchissante ? Les derniers survivants (Glik, Jemerson, Subašić) ne sont plus au niveau et font aujourd’hui partie des joueurs les plus honnis par le public monégasque. Dans sa première interview donnée à L’Équipe depuis son second licenciement, Jardim s’est même essayé à une défense risible de ses trois anciens poulains, comme s’il parlait de son cas personnel : « Ce sont des champions de France, donc ils méritent qu’on n’ait pas la critique trop facile envers eux. Ils ont fait beaucoup pour le club, ils ont répondu présent dans les meilleurs comme dans les pires moments. Ils sont aussi critiqués parce qu’ils sont des symboles. » La preuve que tout le monde (ou presque) n’a pas l’air dans son assiette depuis de nombreux mois chez le champion de France 2017. À commencer par les dirigeants, qui se sont enfermés dans une politique sportive aussi inefficace qu’antipathique depuis quelques années. Si cette stratégie d’acheter des jeunes joueurs prometteurs et de les revendre après avoir fait exploser leur potentiel aura parfois porté ses fruits, elle ne cesse de montrer ses limites. Rien de surprenant, le patron Dmitri Rybolovlev ayant encore parachuté au poste de vice-président du club un novice dans le foot, comme Vadim Vasilyev à l’époque, avec Oleg Petrov en février 2019. N’est pas Luis Campos qui veut.
Personne ne pourra reprocher aux dirigeants monégasques d’avoir accepté des offres spectaculaires pour Kylian Mbappé, Thomas Lemar, Tiémoué Bakayoko et compagnie, mais rien n’empêchait de rebondir avec de la cohérence et une réflexion aussi sportive qu’économique. Depuis l’été 2017, Monaco a vendu pour plus de 600 millions d’euros, au point de contaminer certains supporters, parfois plus obnubilés par d’éventuelles plus-values et le nombre de recrues plutôt qu’intéressés par la logique du projet sportif. La liste des échecs des deux dernières années – même si certains ont encore le temps de réussir – est non exhaustive : Geubbels, Aholou, Chadli, Ballo-Touré, Barreca, Pelé, Pierre-Gabriel, Grandsir, Naldo, Maripán, Onyekuru, Augustin… Une ribambelle de déceptions – il faut sauver quelques agréables surprises, comme l’excitant duo Slimani-Ben Yedder – au milieu desquelles Thierry Henry et Leonardo Jardim ont fini par se noyer. Le premier était un énième mauvais choix qui n’aura pas fait illusion trois mois, pendant que le second, qui a largement participé aux jeux d’influence dans les coulisses, s’est perdu en route au point de voir les supporters monégasques pousser un ouf de soulagement au moment de découvrir le bref communiqué annonçant son nouveau départ.
Monaco peut-il repartir de zéro sous Moreno ? Difficile à dire, même si le vice-président Petrov a indiqué qu’il y aurait peu de mouvements, tout en gardant à l’esprit le besoin évident de dégraisser. Vendredi, l’ASM a officialisé la signature de Strahinja Pavlović, un défenseur de 18 ans évoluant au Partizan Belgrade, pour un peu plus de dix millions d’euros avant de le laisser retourner en prêt dans son club. Un 74e joueur sous contrat sur le Rocher (prêts et jeunes compris) renforçant cette impression désagréable que Monaco est un jouet cassé avec lequel les dirigeants, concernés par plusieurs révélations des Football Leaks en novembre 2018, continuent de s’amuser. En attendant, c’est un monument du foot français qui subit les conséquences d’une politique douteuse. Peu importe le bazar en coulisses, les supporters monégasques pourront se consoler ce week-end avec le début d’une nouvelle compétition et une ambition : voir l’ASM remporter la Coupe de France pour la première fois depuis 1991. Un sacré défi, mais sûrement une broutille pour ceux qui préfèrent compter les millions grappillés plus que les matchs gagnés.
Par Clément Gavard