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Mon papa à moi, c’est mon entraîneur
Vainqueur des deux premiers matchs de son histoire en Ligue 1, Clermont se rend à Lyon, dimanche (13h), dans le cadre de la 3e journée du championnat. Un Clermont dans lequel le milieu de terrain, Johan Gastien, a la particularité d'être entraîné par son père, Pascal. Une situation qui possède des avantages et des inconvénients. C'est en tout cas ce que disent les "fils de" que nous avons contactés.
Johan Gastien, milieu de Clermont, nous avait déjà souligné son appréhension lorsqu’il avait rejoint son père, Pascal, en Auvergne, en 2018. « En réalité, j’avais peur de la manière dont mes coéquipiers allaient m’accueillir en sachant que j’étais le fils du coach », expliquait alors Gastien fils. Finalement, ses copains clermontois ont vite vu que Pascal n’accorderait aucun privilège à son fils et le courant est immédiatement passé entre Johan et le reste du vestiaire : « En fait, ça s’est bien passé. J’avais le respect de ce groupe jeune et désireux d’apprendre grâce à mon expérience en Ligue 2 ».
La deuxième étape, après avoir affronté les regards accusateurs d’on ne sait quel crime, c’est de subir les invectives de ses adversaires, bien au courant qu’ils tiennent là un potentiel fusible mental. « Je ne l’entendais pas souvent sur le terrain il y a quelques années. Et en ce moment, je l’entends de plus en plus. Tous les deux ou trois matchs, tu vas avoir un joueur qui va me faire cette réflexion. C’est frustrant, ça m’emmerde un peu sur le coup, mais derrière, je n’y fais pas attention. Vu que je suis un peu chiant avec mon tempérament sur le terrain, je me dis aussi que c’est une technique de déstabilisation pour me faire tomber dans un piège », détaillait alors le milieu auvergnat. Des insultes qui poussent à travailler plus, à se prouver qu’on peut le faire sans son père. « Je sais d’où je viens, et quand j’étais à Dijon en Ligue 1, mon père n’était pas mon entraîneur », confiait Gastien. « C’est pas que ça rassure mais c’est de la fierté, on est content d’avoir prouvé ailleurs qu’à la maison avec son père », nous explique Jérémy Huysman, défenseur de l’USL Dunkerque en Ligue 2 et qui a évolué sous les ordres de son père, Nicolas (ancienne gloire, entre autres, de Metz et du Havre) entre 2006 et 2016.
Se transcender pour papa
Dunkerquois de coeur, Huysman a commencé sa carrière avec son père alors qu’il créchait encore chez papa et maman. « C’est sûr qu’après les défaites, c’était un peu compliqué parce qu’il l’avait dur et moi aussi. Il pouvait me faire des retours directs. C’était tout ou rien. Quand ça n’allait pas, c’était dur à entendre mais quand ça allait, c’était plaisant », se souvient-il. Outre l’atmosphère qui peut parfois être tendue autour du rôti dominical, c’est aussi cette espèce de double jeu, à la fois très proche du coach et du vestiaire, qui rend cette situation encore plus dure à gérer. Comment faire lorsque votre coach de père se défoule sur un joueur une fois rentré à la maison ? Et comment réagir lorsque votre coéquipier se met à tailler un survêtement à votre paternel ? « Le plus important, c’était de rester à ma place et de garder certaines choses pour moi, pour le bien de l’équipe », répond le joueur de 32 ans.
Rester avec son père plaît à certains, qui se transcendent lorsque leur géniteur est sur le banc de touche. Marc Chauveheid fait partie de ceux-là. Attaquant belge de la fin des années 90/début 2000, il a principalement porté les couleurs du KAS Eupen, aujourd’hui en première division mais un ou deux échelons plus bas selon les saisons à l’époque. Jadis chasseur de buts, aujourd’hui prof d’EPS, il est le meilleur buteur de l’histoire du club germanophone (90 pions). Entre 1996 et 2004, c’est son père, Claudy, qui entraînait l’équipe première. Une habitude pour le Belge puisque son papa était déjà son prof d’EPS à l’école. « On est assez liés dans notre destin sportif ! », rigole Marc Chauveheid.
Tellement était-il épanoui de jouer sous les consignes tactiques de son père, que le licenciement de ce dernier, en 2004, a été l’un des pires épisodes de sa carrière. « Au départ, j’ai voulu quitter le club aussi ! Mais finalement, j’ai terminé la saison. J’étais triste pour lui parce que je trouvais que notre place au classement n’était pas fantastique mais qu’on produisait du beau football. C’était moche de terminer comme ça. C’était particulier d’aller à l’entraînement et de ne plus le voir ». Un épisode qui n’a rien eu à voir avec la douleur, le déchirement, qu’il a éprouvé lorsqu’il a dû affronter son père, alors que celui-ci luttait pour le maintien. « La saison suivante, on s’est retrouvé comme adversaires en Division 3. J’étais à Sprimont et lui à Montegnée. Là c’était un peu dur parce qu’ils étaient en bas de classement. Ce n’était pas évident du tout. Je crois que je n’aurais même pas dû jouer le match parce que je suis passé complètement à côté. J’avais peur de faire descendre l’équipe de mon papa ». Et d’être responsable d’un nouveau licenciement. C’est sûr qu’on y réfléchit à deux fois avant d’envoyer papounet pointer à Pôle emploi.
Par Léo Tourbe