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Moments de campagne

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Moments de campagne

Une nouvelle tuile a frappé la carapace de la FIFA. Soupçons de corruption dans l'attribution de la Coupe du Monde 2022 au Qatar et tentatives de corruption auprès de la candidature anglaise. Evidemment, cela tombe pendant la campagne électorale du président de la FIFA. C'est fou le hasard parfois, comme le coup des quotas vanille-chocolat de Mediapart...

En décembre dernier, la veille du jour d’attribution des lots 2018 et 2022 des Coupe du Monde de football, un documentaire d’Andrew Jennings n’avait pas aidé la candidature anglaise, en étiquetant la FIFA d’usine à corruption. Cette semaine, l’Angleterre en a remis une couche, mais par deux voix (voies) différentes.

Résumé des faits. Mardi, la Chambre des Communes auditionnait, au sein de sa commission Culture, Media et Sport, dans le cadre d’une mission parlementaire concernant la gouvernance du football anglais, Mike Lee, stratège de la candidature qatarie, stratège aussi de la candidature olympique victorieuse Londres 2012, et Lord Triesman, ancien patron de la candidature anglaise pour le Mondial 2018. L’ordre du jour était de comprendre comment diable le Royaume avait pu se prendre une banane aussi humiliante (éliminé au premier tour avec deux votes, dont un du membre exécutif anglais Geoff Thompson) lors du vote d’attribution de la Coupe du Monde 2018. Avant l’ouverture des débats, le Sunday Times la joue très très fine en envoyant à la Commission le contenu d’un article à paraître dans l’édition de dimanche, accusant Issa Hayatou et Jacques Anouma d’avoir monnayé leur vote en faveur du Qatar – on parle de 1,5 à 2 millions de dollars de fraîche – en lice pour le lot 2022 de l’ancienne Coupe Jules Rimet. Même si le Qatar ne concourrait pas pour la même édition que l’Angleterre, les débats s’orientent majoritairement vers le thème corruption/Qatar/Fifa. Mike Lee est passé au grill, affirme n’avoir jamais été témoin d’une quelconque scène de corruption, « rien d’inapproprié » et finit même par se demander si l’ordre du jour est bien l’échec de la candidature anglaise ou les mœurs douteuses de l’institution zürichoise. Lord Triesman est interrogé par la suite.

Une Légion d’Honneur réclamée

En Angleterre, Lord Triesman n’est pas n’importe qui, possède un CV long comme le bras de Dalhsim : membre du Labour Party depuis ses 17 ans (1960), un syndicaliste chevronné, secrétaire général du Labour entre 2001 et 2003, Secrétaire d’Etat à l’Innovation, la Recherche et les Universités à partir de juin 2007, fan de Tottenham, président de la Football Association (FA) à partir de 2008. Seulement, Lord ou pas, Monsieur dépasse dans vie privée la ligne jaune, flashé avec sa maîtresse Melissa Jacobs. Bon, Madame avait eu la bonne idée, un soir, de s’équiper d’un micro et de revendre les bandes à la presse. Alors que Lord Triesman mène la troupe Angleterre 2018, le 16 mai 2010, une phrase sortie par le Daily Mail met le feu aux poudres : « Certains faits montreraient que les autorités du foot espagnol essaient d’identifier les arbitres… et les payer. L’Espagne a demandé aux Russes de les aider à corrompre les arbitres, en échange de quoi elle garderait son vote pour la candidature russe » . Mettez quelques textos intimes – « Toujours en route. Joyeuse Saint-Valentin de la part d’un admirateur secret » , « Fais de beaux rêves. Xxx » – vous obtenez une histoire parfaitement romancée pour faire tomber le président de la Football Association (FA) de l’époque et le leader de la candidature anglaise pour 2018. Tout sauf un atout pour espérer remporter l’édition 2018. Lord Triesman n’a donc lui aussi rien à perdre face à la Commission et arrive avec quelques bons dossiers, issus de sa campagne à la tête de l’Angleterre 2018. Il cite quatre situations, avec comme interlocuteurs quatre membres exécutifs de la FIFA, les votants.

Le premier est un taulier dans les embrouilles FIFA : Jack Warner, de Trinidad-et-Tobago. Lui, il voulait 2,5 millions d’euros pour une école, mais il fallait que l’argent lui arrive personnellement. Le deuxième suspect s’appelle Ricardo Texeira, le patron du foot brésilien. Selon le Lord anglais, Texeira lui aurait indiqué la marche à suivre pour s’attirer le vote des Brésiliens : « Je rencontre M. Texeira au Qatar, le 14 novembre 2009 et lui dis que je serais ravi d’aller pouvoir présenter notre candidature anglaise au Brésil, et à Lula. Texeira me répond : ‘Lula, c’est rien. Venez me voir et dîtes-moi ce que vous avez pour moi’. » . Le troisième larron s’appelle M. Morawi Makudi. Ce Thaïlandais voulait bien « offrir » sa voix en échange des droits télés de Premier League dans son pays. Enfin, avec la quatrième anecdote livrée par Lord Triesman, on monte clairement d’un étage : « Nicola Léoz, membre paraguayen du comité exécutif FIFA. Il disait que la meilleure manière de le récompenser de tout ce qu’il avait accompli, n’était pas l’argent. Il n’en avait pas besoin. Il disait qu’il était déjà personnellement quelqu’un de très riche. (…) Il m’a montré le fac-similé de sa Légion d’Honneur. Et il croyait qu’un titre de Chevalier de la part de la Grande-Bretagne serait un moyen très approprié de lui témoigner notre reconnaissance » .

Blatter : 1. Bin Hamman : 0

Le Sunday Times se régale. Pas besoin de faire de la pub, la commission parlementaire s’en est chargée, détournant l’ordre du jour de l’audience, et épaississant le débat avec Lord Triesman. Et pis, elle tombe bien cette affaire de corruption pesant sur la délégation du Qatar. En pleine campagne électorale pour la présidence de la FIFA. Mince. Pas de bol, l’adversaire de Blatter dans cette course à la présidence, Mohammed Bin Hamman, président de la Confédération asiatique (AFC), était comme qui dirait un des dirigeants du succès qatari pour l’attribution de la Coupe du Monde 2022. La FIFA de Blatter prend encore un coup mais dans le timing de la campagne électorale, sans être directement mouillé, Sepp boit du petit lait et prend son costume toujours risible de chevalier de la transparence : « Je suis engagé à m’attaquer aux racines de la corruption. C’est un engagement que je formule et qui constituera un enjeu crucial de mon dernier mandat, si les 208 associations membres décident de me réélire » . Le challenger Bin Hamman avale tant bien que mal la couleuvre et s’est lâché sur son blog jeudi : « La réputation de la direction de la FIFA a été salie au-delà de toute comparaison. Il est temps que tout cela change » .

A deux semaines du scrutin, on tire dans tous les sens, le Sunday Times s’apprête à balancer les révélations bien teasées d’un feu-membre exécutif de la FIFA, Ismaël Bhamjee, Botswanais de son état-civil, suspendu quatre ans pour vente au marché noir de ses places de stade. Hayatou et Anouma vont donc entrer ou de nouveau entrer dans l’œil de l’enquête. Evidemment, jusqu’à aujourd’hui, tout le monde dément, les mots « allégations » , « mensongers » , « grossiers » , « frustrés » sortent du chapeau des communicants. Le classique du démenti, habitude maison. Pour conclure, notons que même si cette situation semble plutôt avantager Blatter dans le timing actuel, un extrait de conversation dévoilé par Lord Triesman lors de son audition, prouve que le président sortant reste d’une méfiance de tous les instants. Ce n’était pas l’année pour se faire attraper : « J’étais allé voir Sepp Blatter à Zürich pour notre candidature, où nous avions eu une étrange discussion. La première partie était un interrogatoire pour savoir si oui ou non Andrew Jennings était un de mes amis proches et si nous avions été à l’école ensemble. Je ne connaissais pas Andrew jusqu’à il y a un an » .

NB : la retranscription écrite de l’audition de Lord Triesman et Mike Lee est consultable sur le site du Parlement britannique.

Ronan Boscher

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