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Molasoko : « Il ne fait jamais plus de 50° ici »

Propos recueillis par Émilien Hofman
8 minutes
Molasoko : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Il ne fait jamais plus de 50° ici<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Parti au Canada pour faire ses études, Francis Molasoko s'est rendu compte qu'il pouvait réaliser des trucs intéressants avec le foot. Désormais actif en D3 qatarie, il traîne derrière lui une expérience luxembourgeoise, caribéenne, las vegane… et un diplôme en business marketing.

Quand est-ce que le foot commence pour toi ?

Je suis né et j’ai grandi en région parisienne. Jusqu’à mes 15 ans, j’ai joué à Saint-Ouen-l’Aumône avant d’arrêter le foot et partir étudier à Montréal. C’est là-bas que j’ai repris le foot en université nord-américaine, ça jouait pas mal, mais championnat nord-américain quoi…

Tu es vite repéré par les recruteurs du coin ?

Après deux ans sur place, je me rends compte que ce sera plus facile pour moi d’accéder à la NCAA, le championnat universitaire de football. À Montréal, je suis passé par un ancien professionnel qui avait pu bénéficier d’une bourse : il a organisé des matchs amicaux pour que des coachs puissent me voir, et du coup, j’ai reçu deux-trois offres. J’ai choisi West Virginia University, une grosse fac en matière de basket et football américain. Le logo de la NBA a d’ailleurs été créé par un mec de cette université-là. Dans cette ville de 60 000 habitants, il y avait 30 000 étudiants et aucune équipe professionnelle, donc tout l’engouement était pour l’université.

Comment le vit-on en tant que joueur ?

Bien évidemment, le soccer n’est pas aussi populaire que les autres sports, mais il y avait des photos dans les supermarchés, on était dans les calendriers, on signait des autographes dans les écoles, etc. Le rêve américain (rires). Là, je me suis dit : « Si je ne suis pas pro, j’aurais au moins vécu ça pendant deux ans. » Puis, en plus, je suis sorti avec un bachelor en business marketing.

Pourtant, au départ, quand tu arrives au Canada, tu ne pensais même plus au football ?

Oui, mais dès que je suis arrivé aux États-Unis et qu’en tant qu’arrière droit, je vois que l’arrière gauche est supervisé par les NY Red Bull – alors que tu ne te trouves pas plus dégueu que lui – ça bouge dans ta tête. En plus, on avait entraînement tous les jours dans des installations professionnelles, notre coach avait gagné la MLS en tant que joueur puis entraîneur… Si je n’avais plus pensé au foot à ce moment-là, je n’avais plus rien à faire là !

À ce moment-là, est-ce qu’il n’est pas déjà trop tard pour toi ?

Si, c’est mon regret d’ailleurs, j’avais déjà 22 ans, donc tu progresses moins facilement… Mais j’écrivais tout ça sur un blog suivi par pas mal de personnes en France : j’expliquais que j’ai joué mon premier match là-bas contre le petit frère de Wayne Rooney, par exemple, donc j’y croyais encore. Malheureusement, ma deuxième année – celle à la fin de laquelle tu dois être drafté -, je n’ai pas beaucoup joué, donc les recruteurs ne m’ont pas spécialement regardé et je me suis bien concentré sur l’obtention de mon diplôme.
Il y a évidemment plusieurs choses tristes à voir au Qatar, comme des gens que je croise sans jamais les voir arrêter de travailler de la journée.

Une fois diplômé, tu mets donc le foot de côté ?

En septembre 2013, je pars à Las Vegas où je m’inscris dans une équipe de football en salle : les Las Vegas Legend. Je fais la pré-saison, mais le club a eu des problèmes, donc j’ai plus profité de Vegas. Mais juste avant ça, j’ai eu l’occasion de faire la Cosmos Copa. C’est une Coupe du monde des communautés organisée par le Cosmos de New-York. Je me suis retrouvé avec Rod Fanni et Ousmane Dabo et on est devenus « champions du monde » de New-York. Quand ça s’est fini avec Vegas, j’ai donc rejoint cette équipe avant de contacter des clubs… au Luxembourg.

Comment est-ce que tu t’y prends ?

J’y vais au culot : je contacte par mail le président de l’US Mondorf, Richard Strasser – frère de Jeff – qui venait d’être promu en 1re division luxembourgeoise. Il m’a dit : « Je ne te promets rien financièrement, mais j’aime beaucoup ton profil de voyageur et étudiant. » Je me suis donc retrouvé là-bas où ça se passe bien au départ, mais après un mois et demi, je ne trouve pas de travail à côté. Vraiment dégoûté quoi : tout le monde me dit qu’avec un diplôme américain, je vais trouver un travail en claquant des doigts, puis rien du tout. Je ne pouvais pas rester comme ça à jouer sans rien gagner, donc je suis rentré chez mes parents à Paris.

Comment fait-on pour se relancer quand ça n’a pas trop été au Luxembourg ?

J’avais encore des contacts avec la PSG Academy de New-York, que j’avais aidée à lancer, donc un des mecs du marketing m’a sonné pour me dire : « Écoute Francis, qu’est-ce que tu fais ? J’ai une mission à Doha pour toi. C’est simple : tu viens avec nous, on te paie ton billet d’avion, tes frais, ta bouffe, tout ce que tu veux. Et en plus de ça, on te paiera pour la semaine. » Moi, ça ne me dérangeait vraiment pas de découvrir un nouveau truc.

Tu démarres donc pour une petite semaine sur place, ça donne quoi ?

Au bout de cette semaine, un mec de l’académie sur place me demande si ça m’intéresse de travailler pour eux… Ils me proposaient un logement payé, un salaire net d’impôts avec un poste dans l’académie et une place dans une équipe de quatrième division qatarie. De fil en aiguille, j’ai fait de bonnes performances et il y a un mec qui m’a proposé de passer en troisième division pour la saison 2015-2016.

Ça représente quoi ce club ?

C’est Lusail City FC, un club affilié à Lekhwiya SC, le club de l’émir qui était entraîné par Michael Laudrup la saison passée. On s’entraîne donc sur leurs terrains d’entraînement : il y a juste un grillage qui nous sépare des pros, on a accès aux vestiaires, à la salle de gym, etc. Ce qui m’a plu, c’est que ça m’a rappelé les États-Unis : tout est carré et au top niveau. On a par exemple de meilleures installations que Mondorf en D1 luxembourgeoise.

Qu’est-ce que tu peux dire par rapport au niveau de vie ?

Il y a évidemment plusieurs choses tristes à voir ici, comme des gens que je croise sans jamais les voir arrêter de travailler de la journée. Mais je ne sais pas si tu te rappelles du coach français qui avait été bloqué cinq ans, Stéphane quelque chose ? (Stéphane Morello, ndlr). Une fois, je faisais un foot avec des Français et je vais parler avec lui sans savoir qui c’est. Il me dit : « Tu te rappelles du Français qui était bloqué ? Ben c’est moi. » Moi, quand je vois que le mec a dû utiliser des avocats pour être tranquille, je me dis qu’à la minute où je suis libéré, je dégage de là. Mais quand je lui demande ce qu’il fout là, il me dit : « J’ai été débloqué, je peux faire des allers-retours au pays quand je veux. » Cela montre d’un côté l’exagération que peuvent avoir les médias sur cette histoire, de l’autre le niveau de vie qu’on peut avoir ici. Pourtant le Qatar, c’est un mélange entre les États-Unis et l’Afrique. Il y a des services ici que tu ne peux avoir qu’aux États-Unis, comme la livraison des fast-foods à domicile 24/24. Puis il y a un côté africain quand le mec qui vient te livrer ton Mac Do se trompe dans la commande et met 1h30 à t’amener la bouffe sans péter un mot d’anglais (rires). Le Qatar a 15 ans de retard sur Dubaï, ils ont moins vendu leur âme au diable. Mais ils ont une fameuse prestance, quand tu les vois avec leur thobe.
Invité par Djorkaeff, je fais le nombre à un match de gala à Saint-Barth et je me retrouve dans l’équipe avec Dugarry, Cris, Réveillère et, cerise sur le gâteau, Diego Simeone.

Tu sens qu’on prépare la Coupe du monde au pays ?

Les installations d’Aspire, c’est complètement fou. Mais c’est très fermé : ils n’acceptent que les joueurs qataris ou bien quelques enfants nés au pays. Le problème, c’est qu’il y a seulement 10% de Qataris ici et beaucoup d’occidentaux dont le foot est le sport n°1.

Tu sens qu’il y a des zones d’ombre, notamment en ce qui concerne la construction des stades ?

Honnêtement, s’il y a des zones d’ombre, on ne les voit pas, ils les cachent bien. J’ai des amis ingénieurs qui me disent qu’ils reçoivent des textos de leurs entreprises pour arrêter le travail quand il fait trop chaud. Bon, après j’entends qu’ils ne peuvent pas travailler au-delà de 50°… mais il ne fait jamais 50° !

Tu décris comment ton parcours de globe-trotter ?

Partout où je suis allé, c’était grâce au foot… le tout sans être professionnel. Mais après, j’ai eu des rencontres que certains joueurs de D2 ou D3 ne feront jamais. À la Cosmos Copa de New-York, je me suis retrouvé à côtoyer de temps en temps Youri Djorkaeff. Une fois, par hasard, il me dit : « Francis, qu’est-ce que tu fais fin mai ? » Quand t’as Djorkaeff qui te sort ça, ça sonne intéressant. « J’organise un match de gala aux Caraïbes, à Saint-Barth, il me manque des joueurs, si ça te dit de venir… » J’arrive là-bas et je me retrouve avec Dugarry, Cris, Réveillère et, cerise sur le gâteau, Diego Simeone.

T’as eu un bon contact avec lui ?

Mais ouais, j’ai été directement lui parler avec les quelques petits mots que je connais en espagnol, puis à la fin du match, comme j’ai un jeu plutôt agressif, il est venu me dire « Ha j’aime bien l’agressivité ! » (rires).

Après tes rêves de professionnalisme, ça ne te fait rien de te retrouver en D3 au Qatar ?

Pour être honnête, je pense que je n’avais pas le niveau pour jouer plus haut, tout simplement. J’essaie déjà d’atteindre le plus haut niveau possible, et j’ai quand même eu l’occasion de jouer avec des champions du monde 98, un finaliste de Ligue des champions, etc. Après, ce que je vise vraiment, c’est le master de la FIFA en management. Je veux rester dans ce milieu, je ne me vois pas ailleurs que dans le foot. Mais à 26 ans, ce n’est plus le fait de jouer au foot qui va assurer le reste de ma vie.
Lookman of the year

Propos recueillis par Émilien Hofman

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