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Moi Giovanni Haag, 7 matchs, 4 cartons rouges
Exclu samedi dernier face à Guingamp pour la quatrième fois en sept matchs cette saison, Giovanni Haag vient d’égaler un triste record. Il rejoint le panthéon des champions des cartons rouges à seulement 21 ans. À la rencontre d'un homme qui le jure : « Je ne suis pas un joueur méchant. »
Alors qu’on joue la 75e minute de la rencontre entre Nancy et Guingamp à Marcel-Picot, Youssouf M’Changama est servi côté droit. Le capitaine guingampais accélère, mais il est fauché par un Giovanni Haag arrivant à pleine vitesse. L’arbitre de la rencontre n’hésite pas une seconde et sort le carton rouge à l’encontre du défenseur de l’ASNL. Hilare sur le coup et ce, malgré la sortie sur civière de son adversaire, le joueur de 21 ans vient déjà d’entrer dans l’histoire du football français, en récoltant son quatrième carton rouge de la saison… en sept matchs. « Je tacle pour avoir le ballon et je touche d’ailleurs le ballon en premier, même si on ne s’en rend pas vraiment compte sur les images TV. Quand l’arbitre se dirige vers moi, il a la main dans sa poche gauche pour sortir le carton jaune, mais, d’un coup en me voyant, il change d’avis et il met sa main dans l’autre poche, à droite, pour brandir son carton rouge ! », s’est défendu ce beau bébé (1,87m, 80 kg).
Pedretti : « Giovanni est naturellement agressif »
Prendre quatre cartons rouges en si peu de temps est un exploit inédit, sachant que ses illustres prédécesseurs (Cahuzac, Jemmali, Laville en L1 et Bakary Koné, Lybohy et Zie Diabaté en L2) ont atteint ce total sur une saison. À l’issue de cette soirée, Giovanni Haag est devenu le seul joueur des cinq grands championnats, D1 et D2 confondues, à avoir autant d’expulsions par match disputé (57%). Une stat à faire pâlir Cyril Rool. Suspendu pour les trois prochains matchs (Ajaccio, Sochaux et Niort), le défenseur poursuit sa saison cauchemardesque, lui qui sortait pourtant d’un cru 2020-2021 de bonne qualité (30 matchs, 4 buts, 5 cartons jaunes, 0 carton rouge).
« Giovanni est naturellement agressif sur le terrain. Après, il a souvent un excès d’engagement, soulignait Benoît Pedretti après la rencontre. Samedi, il est en retard, mais il aurait pu accompagner le joueur sans se jeter. Là, c’est comme s’il lançait une pièce, mais elle ne tombe pas du bon côté. Je lui avais dit de faire attention. Que c’était le même arbitre qui l’avait exclu à Pau (M. Bollengier, NDLR).Il le sait, il doit être plus calme et surtout plus positif. » Positif, le joueur tente de l’être auprès de sa famille, malgré la situation difficile. « Bien sûr qu’il vit mal la situation. Entre les cartons rouges et les blessures (touché au métacarpe pendant l’été, NDLR), cela freine sa progression. Quand on est tous les deux, on ne parle pas de football pour éviter d’envenimer un peu plus la situation et de le frustrer davantage », complète Antonio Haag, son frangin, joueur à Raon-l’Étape, en National 3.
Giovanni Haag avec @asnlofficiel en @Ligue2BKT :Avant 2021/22 : 33 matchs (2306 minutes), 60 fautes commises, 6 cartons jaunes, 0 carton rougeEn 2021/22 : 7 matchs (486 minutes), 13 fautes commises, 2 cartons jaunes, 4 cartons rouges#ASNL #Ligue2 #Insolite pic.twitter.com/m9PGQy9MnG
— ASNL Database (@StatsPicot) October 19, 2021
Antonio, son frère : « Les gens pensent que mon frère est un boucher »
Pour sa deuxième saison complète avec son club formateur, Giovanni Haag commence à se faire une réputation de bad boy, qu’il nie fermement, aux statistiques impressionnantes : en 50 matchs professionnels, le défenseur a inscrit quatre buts et a reçu cinq cartons jaunes et quatre rouges. « Avec ces cartons, les gens ont tendance à penser que mon frère est un boucher, mais cela ne reflète pas le joueur qu’il est », poursuit son frère, qui rappelle également que tout n’a pas été tout rose dans l’enfance de Giovanni. « On a commencé le foot ensemble à Saint-Avold(Moselle), lui à 10 ans et moi à 9. Avant, c’était quelqu’un de très impulsif, mais il a appris de ses erreurs et il a évolué lors de son passage au Pôle Espoirs du Grand Est. » Né à Metz, le gamin décide pourtant d’intégrer le centre de formation de l’AS Nancy-Lorraine car il n’a « jamais été attiré plus que ça par le FC Metz ». En parallèle, il doit également faire face au décès de sa maman alors qu’il n’a que 15 ans. « J’ai bien cru que je ne m’en remettrais jamais. J’ai eu six mois à Nancy où je n’avais plus du tout la tête au foot. Mais l’ASNL m’a toujours soutenu et m’a énormément aidé. Je sais ce que je dois au club », expliquait le numéro 5 nancéien en début de saison.
Giovanni Haag : « Je ne suis pas un joueur méchant »
S’il a trouvé en l’ASNL « une seconde famille » depuis ses débuts en pro en novembre 2018, le défenseur est conscient de mettre en difficulté son équipe, actuellement lanterne rouge après douze journées avec une seule victoire, qui a terminé en infériorité numérique un tiers de ses rencontres depuis le début de la saison. « Je ne suis pas un joueur méchant, je n’ai jamais été du style à poser des gros tacles dangereux et je ne le serai jamais. Il suffit de regarder en détail mes quatre expulsions cette saison. C’est toujours dans le jeu, il n’y a pas d’attentats comme on dit, pas de méchanceté gratuite. Je joue au milieu ou en défense centrale, à des postes où je suis obligé de mettre de l’agressivité dans les duels, mais dans le bon sens du terme. Il s’avère qu’en ce moment, il y a comme un effet boule de neige inarrêtable qui me fait prendre rouge sur chaque intervention ou presque. Je ne sais pas comment l’expliquer. J’ai juste envie de passer à autre chose », souffle Giovanni Haag.
Sortir de la spirale négative
À cette accumulation de suspensions, il faut ajouter des relations délicates avec Daniel Stendel, l’ancien technicien de l’ASNL, limogé par le club le 24 septembre dernier. Le joueur, qui avait peaufiné son apprentissage du tacle lors de son prêt au Gazélec d’Ajaccio lors de la saison 2019-2020, doit aussi digérer les longues semaines d’incertitude sur son avenir, alors qu’il a été prolongé sur le tard. Il était en effet prévu qu’il lève l’ancre pour vivre de nouvelles aventures, mais tout a capoté au dernier moment et l’entraîneur allemand a fait de Giovanni Haag son capitaine pendant les matchs de préparation, avant de lui retirer le brassard au profit de Mamadou Thiam, jugé plus proche de Stendel en raison de leur collaboration à Barnsley.
Attachant et à fleur de peau, le garçon prend souvent les choses trop à cœur. Alors qu’il veut marcher sur les traces de Clément Lenglet ( « l’exemple à suivre pour tous les jeunes du centre de formation » ), Giovanni Haag doit désormais prendre son mal en patience avant de retrouver les pelouses de Ligue 2. « Le changement de staff va lui faire du bien. Désormais, il doit réussir à enchaîner les matchs pour sortir de cette spirale négative. Les critiques ? Il ne fait pas attention aux réseaux sociaux. Peu importe ce qu’il se dit, il est concentré sur le terrain », conclut Antonio, qui espère de nouveau voir son frangin briller sous le maillot de son club formateur. Et autrement qu’en arrachant les chevilles de ses adversaires.
Par Analie Simon
Propos d'Antonio Haag recueillis par AS, ceux de Giovanni issus de l'Est Républicain.