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Mohamed Bayo, un volcan s’éveille

Par Adrien Hémard, à Clermont-Ferrand
Mohamed Bayo, un volcan s’éveille

D’un point de vue statistique, Mohamed Bayo c’est 9 buts et 2 passes décisives pour ses 17 premiers matchs de Ligue 1. Autrement dit : une des révélations de la première partie de saison. D’un point de vue humain, c’est l’histoire d’un gamin de la Gauthière, quartier de Clermont-Ferrand, où il a tapé ses premiers ballons avant de prendre une licence au Clermont Foot à 6 ans, et de hisser le club en Ligue 1 pour la première fois de son histoire. Un conte de Noël raconté par le Guinéen de 23 ans en personne. Mohamed Bayo nous ouvre les portes de son « petit cocon », où il est question de domicile familial, de nostalgie et d'odeur de truffade.

Sur le parvis de la gare, les passants se pressent. Il est 13h, et Clermont-Ferrand semble encore endormi sous un épais brouillard. Dans ce blizzard, impossible de distinguer la chaîne des Puys ni même les flèches de la cathédrale. Mais un autre monument approche, emmitouflé dans sa doudoune : Mohamed Bayo, 1,88m et 9 buts en Ligue 1 cette saison. « Bienvenue à Clermont, il fait beau, hein ? », se marre le canonnier du Clermont Foot 63, avant d’ajouter : « J’aime ma ville, même quand il fait froid comme aujourd’hui, j’ai l’habitude. On est quand même bien ici. » Tellement bien que l’attaquant y vit depuis toujours. « Clermont, c’est mon tout. J’ai commencé ici, j’ai enfilé mes premiers crampons dans ce club. C’est fort d’être en Ligue 1 aujourd’hui avec mon club formateur. » Le temps de monter dans une voiture conduite par un ami, et Mohamed Bayo s’improvise guide de la ville avant de s’attabler dans une brasserie du centre, sur laquelle une banderole honore la montée des Clermontois en L1 : « Désolé, on ne peut pas se poser chez moi, je protège ma mère de la Covid, vous comprenez. »

On n’avait pas un euro dans les poches, on traînait ballon au pied et on était très heureux. Quand il fallait manger un grec, on se le partageait à 4. C’était notre mentalité.

La Gauthière, Drogba et parpaings

À la base, rendez-vous était en effet donné au quartier de la Gauthière, cité de 5000 âmes dans le nord-est de la ville, où le joueur a grandi au rez-de-chaussée d’un immeuble de 4 étages. À 23 ans et malgré son nouveau statut, Mohamed Bayo y réside toujours avec sa mère. En face de la cuisine, sa chambre d’ado n’a pas bougé. « Les posters d’Ibrahimović et Ronaldo sont toujours là, j’ai juste accroché 2-3 maillots à moi qui me tiennent à cœur. » Si son grand frère est parti mener sa vie, Mohamed ne voit lui pas l’intérêt de quitter l’appartement familial tant qu’il joue à Clermont. Question de confort, d’habitude, mais pas que : « Ma mère cumulait deux boulots. Je la voyais dix minutes le matin avant l’école, et quand elle rentrait à 21h30, j’étais pratiquement couché. On ne partageait pas trop de moments », confie le joueur, qui veut tout simplement « profiter le plus possible parce que je sais qu’elle n’est pas éternelle ». Voilà pourquoi le meilleur buteur du Clermont Foot depuis deux saisons n’a pas quitté le quartier de son enfance. Ce qui explique aussi son rendement : « Quand tu es à l’aise chez toi, avec tes repères, ta mère qui est à l’abri, c’est sûr que ça fait la différence parce que tu as moins de choses qui traînent en tête, tu es plus concentré sur le terrain. » Concrètement, le pur produit clermontois a gardé le même quotidien que lorsqu’il était au centre de formation.

Je voyais ma mère galérer, donc je préférais éviter de lui ramener des problèmes. Je ne voulais pas compliquer les choses. J’essayais d’être sérieux pour qu’elle soit fière de moi.

À ses yeux, vivre à la Gauthière, c’est « montrer aux jeunes qu’on peut y réussir », même s’il observe que l’ambiance a changé dans ces rues où lui tapait le ballon jour et nuit. « On organisait des matchs entre quartiers. On n’avait pas un euro dans les poches, on traînait ballon au pied et on était très heureux. Quand il fallait manger un grec, on se le partageait à 4. C’était notre mentalité », se souvient celui qui allait aussi « se promener en centre-ville histoire de voir les petites gazelles du coin(Rires.) » et qui regrette aujourd’hui que « les petits veuillent faire comme les grands ». Enfant, Mohamed Bayo était du genre discret : « Je voyais ma mère galérer, donc je préférais éviter de lui ramener des problèmes. Je ne voulais pas compliquer les choses. J’essayais d’être sérieux pour qu’elle soit fière de moi. Je faisais les choses bien, et sinon je ne me faisais pas prendre.(Rires.) » Envoûté par le FC Barcelone de Samuel Eto’o et Thierry Henry, il passe ses journées ballon au pied, même si ses modèles ont évolué à la puberté : « C’est plus Ibra, Drogba, des mecs qui me ressemblent sur le terrain. Je préfère regarder des vidéos de ces mecs-là pour apprendre, je ne vais pas regarder des vidéos de Lionel Messi alors que je suis incapable de faire 25 crochets. »

Je ne vais pas regarder des vidéos de Lionel Messi, alors que suis incapable de faire 25 crochets.

Licencié dès ses 6 ans au Clermont Foot, club phare de l’Auvergne, Mohamed Bayo y a fait toutes ses classes, sans jamais se prendre trop au sérieux. « Je me souviens des tournois du club, je me faisais arbitrer par mon grand frère, c’était drôle. On ne se prenait pas la tête parce qu’on était le Clermont Foot. Ce n’est pas mon caractère. Il y en avait des jeunes comme ça, qui coupaient les chaussettes, qui se prenaient pour des pros… » Mais pas lui, assure le buteur, qui a pris conscience de son potentiel à partir des U17 nationaux et des matchs plus relevés contre Saint-Étienne, Lyon ou Auxerre : « Avant cela, je jouais pour m’amuser avec mes potes du quartier. On se tapait des barres au collège, puis au foot. Ensuite en 17 ans nationaux, c’est devenu sérieux. Et en U19 nationaux, je me suis rendu compte que j’avais une vraie possibilité d’être professionnel. » Jusque-là, il se voyait plutôt faire carrière dans le bâtiment. Pas par passion, mais parce qu’il faut bien trouver de l’argent quelque part. Mais c’est bien sur le terrain que Bayo empilera les parpaings, puisque Pascal Gastien le lance en professionnel en novembre 2017, à l’occasion d’un match de Coupe de France.

Toi l’Auvergnat quand tu joueras

Le Pulco avalé, la discussion se poursuit dans les rues de Clermont. « Ça, c’est la cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption faite en pierres de Volvic », explique l’avant-centre, avant de saluer une amie vigile à l’entrée du marché de Noël. Entre les chalets, Mohamed Bayo évoque son amour pour sa ville : « Clermont, c’est mon cocon. Tout le monde se connaît, j’ai mes petites habitudes. On a un très beau centre-ville, c’est étudiant, ça bouge pas mal. Il y a plein de choses à visiter. J’ai mes repères, quelques endroits où je suis tranquille même si je suis assez casanier. » Pour tout dire, le natif de la Gauthière ne s’est éloigné qu’une fois de sa chère Auvergne : de janvier 2019 à mai 2020, lors d’un prêt à l’USL Dunkerque qui coïncidait avec sa recherche de temps de jeu. « Ce n’était pas facile de partir, de laisser ma mère seule. Mais c’était pour mieux revenir. » Au chaud sous sa capuche dans le froid auvergnat, Bayo revient sur cette année et demie : « Ça a été un peu dur au début, puis je me suis fait de bons amis qui m’ont bien intégré. » Surtout, le buteur inscrit deux pions décisifs pour le maintien de l’USLD en National, avant d’enchaîner sur une saison à 12 buts qui porte Dunkerque en L2 : « Je me suis dit que c’était mon année, que je devais tuer ça. Je suis parti, je suis loin de ma mère, de mes amis, donc je dois montrer que j’ai bien fait de partir. » De quoi revenir à la maison par la grande porte.

C’était une réflexion compliquée avec deux projets attrayants, mais finalement j’ai choisi Clermont parce que c’est chez moi. Ça n’a pas été difficile. Découvrir la Ligue 1 avec Clermont, c’était l’idéal.

Profitant de la blessure de Jordan Tell, Bayo s’installe à la pointe du onze de Pascal Gastien. Vingt-deux pions et un statut de meilleur buteur de Ligue 2 plus tard, le Clermont Foot obtient une première montée en Ligue 1 historique. « Je reviens pour tout arracher, pour montrer que j’étais l’homme de la situation. Tous les week-ends, je voulais montrer qu’on pouvait me faire confiance. » Comme tout le monde, il n’imagine alors pas une seconde jouer la montée. « Et puis les résultats se sont enchaînés… » Tout en salivant devant des stands de fromage et de saucisson – « les truffades et le Bleu d’Auvergne, ce n’est pas des lol, je vous le dis » -, Mohamed Bayo savoure la performance : « Pour un gars qui vient de la ville, cette montée fait encore plus plaisir. C’est gratifiant. On voit que le public est là cette saison au stade, l’engouement est partout. Notre montée profite à toute la ville. » Le natif de Clermont apprécie d’autant plus qu’il aurait pu ne pas découvrir la Ligue 1 avec son club de toujours, puisque son départ a été envisagé l’été dernier : « C’était une réflexion compliquée avec deux projets attrayants, mais finalement j’ai choisi Clermont parce que c’est chez moi. Ça n’a pas été difficile. Découvrir la Ligue 1 avec Clermont, c’était l’idéal. » Pisté par les Girondins de Bordeaux, il avait mis tout le monde d’accord en marquant dès sa première apparition en L1 sur la pelouse du… Matmut Atlantique : « Je suis entré avec la dalle sur ce match, je voulais prouver à tout le monde que j’étais concentré sur une chose : le terrain. » Avant de définitivement faire taire les bouches par un tweet sucré posté à quelques minutes de la fin du mercato.

J’ai essuyé des critiques par rapport à mon accident de voiture, ça n’a pas été simple. J’ai été beaucoup critiqué sur mes performances, ça m’a fait chier parce que le terrain n’avait rien à voir avec mon accident. Ça, c’était une bêtise, je la regrette.

« C’était pour dédramatiser, que les gens arrêtent de se prendre la tête. Ça a bien marché. » Il suffit de voir le gaillard déambuler dans les rues de Clermont pour s’assurer de sa cote d’amour est toujours intacte auprès des supporters. Un selfie par-ci, un début d’embouteillage par-là pour lui adresser un petit mot : sur la place de Jaude, Bayo éclipse la statue de Vercingétorix même s’il peut toujours se promener en paix. Ses buts à la pelle et sa prolongation de contrat jusqu’en 2024 ont fait oublier ce vrai faux départ et son récent accident de la route : « Je voulais montrer aux supporters que je suis attaché au club. Je ne voulais pas être le mec qui fait monter le club et qui se barre, qui fait l’ingrat. Il y a une période où j’ai essuyé des critiques par rapport à mon accident de voiture, ça n’a pas été simple. J’ai été beaucoup critiqué sur mes performances après cela, alors que je répondais présent sur le terrain. Ça m’a fait chier parce que le terrain n’avait rien à voir avec mon accident. Ça, c’était une bêtise, je la regrette », assure le joueur tout en pénétrant dans un centre commercial, au chaud. « J’aime bien venir ici, croiser des gens, discuter un peu. Sans la Covid, on aurait fêté notre montée sur cette place, ça aurait été fou. » À défaut, Mohamed Bayo profite de chaque minute en L1, « où l’on a beaucoup moins d’occasions qu’en L2, il faut être efficace ». Et quand on lui fait remarquer que c’est lui qui a inscrit le premier but du club en L1 à Bordeaux, puis à domicile contre Troyes, il sourit : « C’est un beau symbole. Comme je suis clermontois et que j’ai beaucoup contribué à la montée, ça m’aurait fait chier que quelqu’un d’autre marque en premier.(Rires.) »

Dans la salle de muscu, les rugbymen, c’étaient des monstres.

En passant devant les boutiques, le buteur évoque ses autres passions, des films Marvel aux jeux vidéo, avec une préférence pour GTA : « J’y joue moins maintenant, mais les GTA, je les ai poncés. Je les ai tous faits, mais San Andreas et Vice City, c’était la classe, je les ai cramés quand mon grand frère n’était pas là. » En passant devant la boutique de l’ASM Clermont, mythique club de rugby de la ville, il lance : « Ah ça, ce n’est pas chez moi. Jamais je n’aurai fait du rugby moi, je fais des passes en avant. » L’occasion de revenir sur l’expérience unique qu’offre le centre de formation du Clermont Foot : la cohabitation avec les rugbymen de l’ASM. « On croisait souvent les rugbymen. Ça se chambrait pas mal. Parfois on jouait au rugby, parfois eux jouaient au foot : c’était drôle. Bon, dans la salle de muscu, les rugbymen, c’étaient des monstres », se souvient celui qui ne regardait que les finales de l’ASM, « donc j’ai vu beaucoup de défaites et une victoire.(Rires.) » Car quand on naît à Clermont, on s’entiche forcément de l’ASM, emblème de la ville, même si le Clermont Foot s’est fait une place cette saison dans la cité du pneu.

Je suis un mélange entre la Guinée et l’Auvergne, le résultat est pas mal pour l’instant, non ?

Une ville que quittera forcément un jour Mohamed Bayo : « Ça viendra le moment venu, ça ne me fait pas peur. Si tu veux évoluer, aller dans des grands championnats, affronter de grands joueurs, il faut t’envoler un jour. Mais c’est chez moi, je reviendrai forcément un jour à Clermont. » Avant cela, il espère bien s’envoler en janvier… pour la CAN, puisqu’il est international guinéen depuis mars 2021. « La Guinée, c’est le pays de mes parents. Petit, j’allais en vacances à Kamikolo, le village familial. L’ambiance est unique, tout le monde est dehors jusqu’à tard », raconte celui qui se régalait des gestes de Pascal Feindouno. « Je n’y suis allé que trois fois parce que les billets sont chers. C’était génial, j’aimerais bien avoir le temps d’y aller. La Guinée, c’est ma deuxième maison, c’est le pays de mes parents, mes racines. C’est un lien très particulier. Je suis un mélange entre la Guinée et l’Auvergne, le résultat est pas mal pour l’instant, non ?(Rires.) » Pas le temps de répondre, l’heure est venue de quitter le brouillard auvergnat. Mais pas pour Mohamed Bayo, qui reprend la direction de son cocon, la Gauthière.

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Par Adrien Hémard, à Clermont-Ferrand

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