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Mogwai : « Les Rangers trichaient en ne payant pas leurs impôts »
Converti par leur batteur aux joutes de Premier League écossaise, Stuart Braithwaite et John Cummings, respectivement chanteur et guitariste-clavier du groupe Mogwai, sont « tombés amoureux » du Celtic il y a plusieurs années déjà. En interview, quand ils ne dissertent pas des saveurs toutes relatives du thé Darjeeling ou de leur rejet de l'ennemi Rangers séculaire, les deux compères balancent les noms les légendes de Hampden Park : Jock Stein, Jimmy Johnstone, Henrik Larsson, Neil Lennon, Kris Commons, tout y passe. Même Jan Vennegoor of Hesselink.
C’est pas trop chiant de suivre la Premier League écossaise maintenant que les Rangers sont descendus ?Stuart : (il hésite) Non, je crois pas. Il y a quelques bonnes équipes cette année : Dundee United, le club d’Aberdeen est devenu bien meilleur et il y a la surprise Inverness CT. C’est pas aussi intense, c’est vrai. John : Oui, et puis c’est pas forcément mauvais pour nous, le Celtic.Stuart : Oui, je suis plutôt à l’aise avec le fait que les Rangers soient descendus. Je suis sûr qu’on leur manque un peu.John : C’est une situation particulière, c’est vrai, mais quand tu as un business à faire tourner, tu dois le faire tourner. Tu ne peux pas te permettre de faire partir les choses dans tous les sens indéfiniment. Tu dois tracer une ligne entre sport et divertissement.Stuart : C’est comme Leeds en Angleterre. C’était une grosse équipe qu’on a fait descendre en division inférieure. Je pense qu’il va falloir un petit bout de temps aux nouveaux Rangers pour revenir à leur niveau. Bon, ils seront de retour en Premier League d’ici deux ans mais c’est étrange la façon dont ils continuent à dépenser l’argent qu’ils n’ont pas, raison pour laquelle on les avait rétrogradés en quatrième division à l’origine. On dirait qu’ils ont rien appris ! Donc bon, ils se feront sans doute rétrograder à nouveau.
Comment expliquez-vous le déclin de la Scottish Premier League ?Stuart : Je suis pas sûr qu’on puisse parler de réel déclin. Lorsque Martin O’Neill est le manager du club et qu’il atteint la finale de la Coupe UEFA, c’est la première fois qu’on est encore dans une compétition européenne après Noël depuis vingt ans. Je me rappelle aussi de 2008 où Gordon Strachan était coach du Celtic. Le Celtic avait… Combien de points de retard, déjà ?John : 19 points de retard sur les Rangers.Stuart : 19 et donc, il y avait ce match contre les Rangers, où il était juste question de sauver l’honneur du Celtic, et éventuellement de rester dans la course au titre. Jan Vennegoor of Hesselink plante ce but à la dernière minute. C’était un retour incroyable. Surtout que le match pour la victoire finale s’est joué à la dernière journée. On gagne. Les Rangers perdent et, en prime, Nacho Novo, le joueur le plus détesté des Rangers, est exclu pendant le match. Pour couronner le tout, Tommy Burns, un manager légendaire du Celtic, venait juste de décéder. Il y avait beaucoup d’émotion.John : Un come-back délirant. Et un bon gros doigt aux Rangers, qui venaient de se ramasser comme il fallait. Surtout qu’ils ont perdu en finale de Coupe de l’UEFA derrière.Stuart : Après le match, j’ai pris ma voiture et sur l’autoroute, il y avait des panneaux lumineux installés pour l’occasion. Dessus, il y avait écrit « Fuck you Rangers ! We’re gonna win the League ! »
Vous voyez : avoir deux clubs compétitifs fait monter le niveau d’un championnat.Stuart : Je suis d’accord mais ça ne sert à rien de tergiverser sur l’absence des Rangers. Les supporters du Celtic qui se plaignent du fait que les Rangers ne soient pas en Premier League ont manqué un point essentiel : les Rangers ont longtemps été en Champions League à notre place parce qu’ils trichaient en ne payant pas leurs impôts. C’est de l’anti-jeu caractérisé. Encore plus qu’une équipe qui écrase les autres dans un championnat parce qu’elle est riche, ce qui est le cas en France en ce moment, d’ailleurs. Il ne faut pas se plaindre que le PSG ait de l’argent parce que lorsque les autres équipes vont jouer ce club, elles vont se surpasser. Et même si le Celtic a des meilleurs joueurs, tous leurs matchs sont et seront des matchs difficiles.
Vous trouvez l’équipe du Celtic assez compétitive cette année ?Stuart : Il y a eu ce match épique en tour préliminaire de Champions League où on gagne 3-0 contre une équipe Mongoles, ou je sais pas quoi…John : Kazakhe !(rires) Stuart : Ouais, c’est pareil. Je veux dire : c’est juste à côté ! Le meilleure que j’aie vu cette année. Après, on était tous excités quand on a vu le tirage de la Champions League mais bon, on a vite été obligés de redescendre sur Terre. Disons qu’actuellement, l’équipe fait avec les moyens du bord. Il y a quelques années de ça, l’équipe était beaucoup plus forte, c’est sûr, mais les dirigeants dépensaient de manière outrancière. Alors que maintenant, l’équipe n’est plus aussi bonne mais les finances sont saines. Mais même la grande équipe des Hartson, Sutton ou encore Larsson n’est jamais parvenue à rejoindre le club des seize meilleures équipes européennes. Ils ont échoué trois fois, je crois. J’aimerais qu’on ait de meilleurs joueurs, c’est vrai, mais maintenant, tout est basé sur la formation.John : On a aussi de très bons joueurs comme Kris Commons ou encore Virgil van Dijk, qui est très jeune mais déjà très bon. Charlie Mulgrew a la chance d’être polyvalent et de pouvoir jouer sur toute la ligne de défense. Giorgios Samaras a été complètement incroyable ces dernières années… Tu le croyais foutu pour le football et en fait non, au Celtic, il est devenu bon.Stuart : Il y a un truc super avec Samaras, c’est qu’il ressemble à Freddie Mercury. Je crois qu’ils ont vendu trop de bons joueurs d’un coup, comme Kelvin Wilson. Et le seul qui joue à un très bon niveau alors qu’il vient juste d’arriver, c’est Virgil van Dijk. Tu vois, ils ont acheté un gars, Teem Pukki. Il est bon, ça va, mais il a coûté 2,5 millions d’euros, ce qui est déjà beaucoup pour le Celtic. Il a seulement marqué deux buts, qui plus est en début de saison. Je pense qu’il pourrait marquer plus s’il ne plongeait pas autant.
Vous n’avez pas parlé de Fraser Forster.John : C’est un très bon gardien. Mais je pense qu’on va pas tarder à le vendre. Ce qui signifie qu’on aura des soucis de gardien incessamment sous peu !Stuart : Moi, je pense qu’on devrait vendre Forster et récupérer Shay Given.John : Ça n’arrivera sûrement pas. Et je préfère encore garder Forster. Ce qui est fou avec ce joueur, c’est qu’il s’est mis au football très tard, il y a à peine six ou sept ans.Stuart : « T’es super grand Fraser ! Ça te dirait d’aller aux cages ? » Il a été sélectionné en équipe d’Angleterre contre le Chili en amical, il n’a pas été bon du tout.
C’est bon pour le Celtic, du coup. Vous allez peut-être pouvoir le garder.John : Non, je crois surtout qu’on va le vendre pour moins cher ! (rires)Stuart : Ouais, je le vois bien partir dans une équipe qui joue la relégation en Premier League anglaise. Un peu comme Craig Ferguson. Le mec s’est flingué le genou et il a mis un terme à sa carrière alors qu’il est encore jeune. Ça craint pour lui.
Étant donné qu’on a passé toute l’équipe en revue, passons au coach : Neil Lennon.Stuart : J’aime Neil Lennon.John : Il fait du très bon boulot. Je l’ai rencontré une fois dans un pub. Un bon gars.Stuart : Il a fait de très grandes choses en tant que joueur et a toujours cet attachement pour le club, malgré les années qui passent. Je crois qu’il est beaucoup plus intelligent que de nombreuses personnes peuvent le penser. Mais malheureusement, les managers britanniques ont toujours une image de coachs pas très sophistiqués.John : Pour être le manager du Celtic, il faut être très fort dans sa tête. Et lui a toujours résisté aux menaces et aux violences physiques qu’il a pu subir.
Comme la fois où un supporter des Hearts lui a sauté dessus.Stuart : Oui, je me souviens de ça. Les médias avaient essayé d’en faire une attaque religieuse plus qu’une attaque gratuite parce que le supporter était des Hearts. Chose complètement stupide parce que comment veux-tu prouver que ce qu’il a fait était au départ une démarche religieuse ?
Comment êtes-vous devenus fans du Celtic ?John : Ça nous est venu de notre batteur, Martin. Il suit le Celtic depuis qu’il est né parce que sa mère est une énorme fan. Nous, on n’était pas tant fans que ça avant qu’on rencontre Martin et qu’on aille à Hampden Park avec lui.Stuart : On est aussi devenus fans parce que le club a une grande histoire. Pas seulement en matière de foot mais aussi pour l’aspect caritatif avec le Celtic Charity, qui nourrit les gens de Glasgow, notamment de East End qui est le quartier le plus pauvre de la ville. Et puis il y a eu tellement de personnalités qui ont émergé du club au fil de son histoire. Jock Stein, par exemple, qui importa le style de management moderne en Grande-Bretagne. Pour ça, il avait suivi l’équipe nationale de Hongrie, qui était l’une des toutes meilleures du monde à l’époque. Avant, les mecs faisaient du foncier toute la semaine : du fitness et ils couraient, couraient, couraient… Jock Stein est arrivé : « Mais vous êtes fous ? Il faut d’abord apprendre à contrôler la balle ! » , ce genre de trucs. Tout ça, c’est une grosse part de la vie et de l’histoire des Écossais. Du coup, c’était assez facile de tomber amoureux du Celtic.
Autre personnalité importante du club : Kenny Dalglish.Stuart : C’est un super mec. Bon, il s’en est pas très bien sorti lorsqu’il était manager du club mais il a au moins inauguré une bonne chose : les conférences de presse dans les pubs de la ville ! (rires)John : Jimmy Jonhstone a été très important pour le club, aussi. Il faisait partie du Celtic qui a remporté la Champions League en 1967. Vingt-trois sélections en équipe d’Écosse.
En parlant d’équipe nationale, vous êtes un peu à la rue…Stuart : Ça va, ils commencent à remonter la pente. Heureusement que Gordon Strachan est bon pour organiser une équipe. Mais ils ont eu six ou sept ans de disette. Alex McLeish s’en était pas trop mal sorti mais après ça, ça a été de pire en pire. George Burley était tout pourri, par exemple. Craig Levein aussi, d’ailleurs. Je crois surtout que Levein n’était pas assez expérimenté quand il a été nommé sélectionneur.
Pour les qualifications à la Coupe du monde 2014, le problème venait aussi du fait que vous aviez un groupe relevé.Stuart : Attends, on aurait dû être capables de battre le pays de Galles et on s’est fait battre deux fois. En revanche, on a battu la Croatie deux fois. Je pense surtout qu’on était à chier et que personne n’en avait rien à faire. L’autre problème, c’est que le football écossais est pauvre et compose avec des jeunes joueurs du cru. Ryan Gauld, de Dundee United, par exemple, est un excellent joueur mais il va sûrement partir dans un sale club en Angleterre. La bonne nouvelle pour l’Écosse, c’est avant tout que l’UEFA veut élargir le nombre de qualifiés pour les prochains Euros. C’est un peu ridicule mais c’est sans doute l’une des rares chances qu’on a de revoir l’Écosse en compétition internationale ! (rires)
Un dernier mot ?Stuart : Fuck you Rangers ! We’re gonna win the League !
Le nouvel album de Mogwai, Rave Tapes, sortira le 20 janvier 2014 chez Rock Action Records/Pias Mogwai sera en concert le 3 février 2014 à l’Olympia
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propos recueillis par Matthieu Rostac