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Modrić, la nuit mancunienne qui change tout
Aujourd’hui dépositaire du jeu merengue, Luka Modrić en a également été l’un des remplaçants les plus onéreux. Un statut de ses débuts qu’il a changé du tout au tout un soir de huitièmes de finale retour à Manchester. Souvenir depuis le théâtre des rêves.
L’histoire d’amour entre le Real Madrid et Luka Modrić ne commence pas le 27 août 2012. En cette journée estivale, le milieu croate vient pourtant de s’engager pour cinq saisons avec la Casa Blanca. Contre un rondelet chèque de 40 millions d’euros, Florentino Pérez accorde ainsi à José Mourinho son caprice du mercato et, sans le savoir, s’offre une polémique qui durera jusqu’au printemps suivant. Déboussolé par ce passage de la Premier League à la Liga, écrasé par le montant de son transfert, le prodige des Balkans galère des mois durant à trouver sa place au sein d’un vestiaire truffé d’ego et soumis aux altibajos du Special One.
Pénible et tardive, cette adaptation prend fin un soir de déplacement à Manchester. Face à United, très exactement, Modrić sort de la guérite du Mou à une demi-heure du coup de sifflet final pour orchestrer une remuntada express et entrer, pour la première fois, dans la mythologie merengue. Buteur providentiel et homme de la qualification en quarts de finale, le natif de Zadar s’installe alors durablement dans un onze du Real qui porte désormais son sceau. « Ce match a été un point d’inflexion dans ma carrière » , jure-t-il aujourd’hui.
« Modrić manque de beaucoup de choses »
Les prémices de Luka Modrić sous la liquette blanc immaculé s’inscrivent dans l’ombre de la paire Khedira-Xabi Alonso. Alors maîtres de l’équilibre du 4-2-3-1 de José Mourinho, les deux milieux tout terrain se trouvent autant à la récupération qu’à l’organisation.
Un boulot monstre, donc, qui demande une condition physique optimale et une entente plus que cordiale. Auteur d’une pré-saison en solitaire du côté de Tottenham, le frêle Croate débarque lui sur la pointe des pieds à Valdebebas. Une attitude prévisible, lui le grand taiseux, qui ne sied pas du tout à son supérieur portugais : « Modrić manque d’entraînement, de confiance. Il lui faut mieux connaître ses coéquipiers, il lui faut aussi apprendre ce niveau d’exigence. En réalité, il lui manque beaucoup de choses. » Le constat, amer mais réaliste, ouvre les portes à une polémique maison : comment donc le Real peut-il lâcher 40 millions pour un remplaçant pas au niveau ? Le premier élément de réponse se trouve dans son positionnement. Relayeur de formation, il se retrouve généralement aligné en meneur de jeu en remplacement d’Özil, un poste qu’il connaît plus qu’il ne le maîtrise.
« Durant mes quatre ans à Tottenham, mais aussi avec la sélection, je jouais en relayeur. C’est ma vraie position » , confirme-t-il en novembre 2012 à Marca. « C’est à ce poste que je peux exprimer tout mon potentiel. »
Cette sortie médiatique ne change pas grand-chose à son statut de remplaçant. Malgré un nombre d’apparitions conséquent, il retrouve la guérite lors de chaque choc disputé par le Real et conserve son talent pour des jours meilleurs. Pour autant, en meneur d’hommes qu’il est, José Mourinho n’hésite pas à lui adresser des louanges : « Modrić peut jouer en six, en huit ou en dix. C’est un joueur d’une grande qualité, il dispose de la magie typique des grands talents. » Ce talent, cette magie, ses coéquipiers n’en profitent que sporadiquement et aux entraînements. Un triste constat qui se conclut le 5 mars 2013. Dos au mur, car ayant concédé le nul (1-1) au Bernabéu, le Real Madrid se rend à Old Trafford avec l’obligation de marquer au moins une fois pour se qualifier. L’objectif devient même double, lorsque Sergio Ramos ouvre le score contre son camp en faveur de Manchester United dès le retour des vestiaires.
« Le but le plus important de ma carrière »
Provisoirement éliminé, le Real s’en remet alors à son supersub croate – et à l’expulsion de Nani. Entré en jeu à la place d’Arbeloa, Luka Modrić change du tout au tout le visage moribond du onze merengue.
Dans les faits, plus que ses changements de rythme ou de direction, il endosse le costard de sauveur grâce à une frappe limpide et rasante des trente mètres qui heurte le montant de De Gea avant de transpercer les filets. Sa joie est à la hauteur du service rendu, et contamine ses partenaires. À la baguette sur le pion décisif et qualificatif de Cristiano Ronaldo, il révolutionne ce Real et change de statut au sein du vestiaire. Quand Mourinho avoue que « Luka a changé le match grâce à son dynamisme et sa création » , l’intéressé rétorque que « ce but est le plus important de ma carrière » : « J’ai démontré ce qu’on attendait de moi, ça a été un premier pas important, 30 minutes phénoménales, et surtout un véritable point d’inflexion. J’ai explosé à Old Trafford, dans le plus beau théâtre qui soit et au meilleur des moments. Ce jour-là, on a vu le vrai Modrić. Mais ce n’est que le début. » Pour sûr, depuis ce soir rêvé, le Real joue au rythme de Luka.
Par Robin Delorme