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Mode d’emploi pour rafler l’Hexagoal au PSG
Depuis l’arrivée de QSI en 2011, le titre de champion de France s’est transformé en formalité pour le PSG. À deux exceptions près, Montpellier en 2012 et Monaco en 2017. Pascal Baills, adjoint de René Girard en 2012 et Leonardo Jardim, coach des Monégasques en 2017, détaillent la recette miracle dont Lille et Lyon (voire Monaco ?) pourraient s’inspirer en 2021.
« Il y a beaucoup d’ambition, notre groupe n’a qu’un seul objectif, c’est de gagner ce championnat. » En conférence de presse, à quelques jours d’affronter Bordeaux le 29 janvier, Thiago Mendes sortait ostensiblement du bois. Pour l’OL, pas question de se cacher. Bien loin du « ça ne sent pas mauvais » de Didier Deschamps en 2010 alors que le titre tendait les bras à son Olympique de Marseille, ou du légendaire « on joue le maintien » de Guy Roux dans les années 1990, alors qu’Auxerre finissait chaque saison dans les places européennes, avec un doublé historique en 1996. Pour s’adjuger le titre, Lyon a encore de la marge, et surtout, des matchs à gagner. Mais un visionnage rapide du calendrier suffit pour constater que 2021 sera une année particulière en matière de suspense, et pas qu’à cause de la crise des droits TV : Lille est en tête, les Rhodaniens seconds.
Entre le leader et le quatrième, Monaco, il n’y a que six points d’écart, et si Paris fait bien partie de la lutte pour le titre, il est loin d’avoir écrasé la concurrence. Surtout, comme en 2011-2012 et 2016-2017, ce PSG-là apparaît en transition avec un changement d’entraîneur, qui implique de facto des changements de méthode. Pour Pascal Baills, adjoint de René Girard en 2012 à Montpellier, un changement de coach, cela change forcément la donne. « Quand Antoine Kombouaré est remercié(décembre 2011, NDLR), Paris est premier. À la fin de saison, ils sont à la deuxième place… » Le technicien ne va pas jusqu’à dire que Montpellier a battu un Paris affaibli, mais forcément, « un projet avec un nouvel entraîneur a besoin de monter en puissance… »
Alignement des planètes
La montée en puissance, c’est justement ce qu’avance Leonardo Jardim, mais moins pour minimiser la force du favori que souligner celle de son propre groupe en 2016-2017. « On arrivait dans la troisième année d’un projet sportif construit sur trois ans. Donc on était censés être montés en puissance et être dans un pic, il n’y a aucun hasard. » L’effectif de l’entraîneur portugais a fière allure a posteriori. « On avait fait progresser de jeunes joueurs qui arrivaient à maturité comme Thomas Lemar ou Fabinho, on avait recruté quelques joueurs expérimentés pour accompagner comme Falcao, de retour de prêt, ou Kamil Glik… Et puis on a intégré des jeunes, le meilleur exemple c’est Kylian Mbappé. »
Mbappé, un phénomène qui relativise le pouvoir de l’entraîneur et pourrait faire passer une petite impression de chance dans le succès de Monaco. Pascal Baills en convient pour son Montpellier en 2012, « il y a un alignement des planètes », avec des joueurs qui arrivent à maturité comme Olivier Giroud, qui explosent comme Younès Belhanda, et des recrues qui s’intègrent parfaitement. À Monaco, il y a notamment, selon Jardim, « le recrutement de nos latéraux Djibril Sidibé et Benjamin Mendy qui vont radicalement changer le visage de l’équipe, sa manière d’attaquer notamment. »
La sérénité d’Hilton plus forte que les frappes d’Alex
« Nous, on a pris Henri Bedimo et Vitorino Hilton » souligne Baills, « et cela a changé beaucoup de choses ». Le recrutement du vétéran brésilien est moins un coup de bol au doigt mouillé que le symbole d’une intersaison – moment crucial de la saison – gérée de main de maître. « Pendant nos matchs amicaux, on prenait beaucoup de buts, on en a déduit qu’il nous fallait recruter un défenseur central capable de nous équilibrer. » Quelques matchs de Ligue 1 et des « ajustements tactiques » plus tard, Hilton et Montpellier enchaînent les bons résultats, et « la confiance vient avec, naturellement ». Lors de la 8e journée, les hommes de Loulou Nicollin sont surclassés à domicile par le PSG, mais la défaite est évacuée sans problème. « À ce moment-là, on n’imagine absolument pas être programmés pour rivaliser avec eux, donc cela glisse sur nous. »
C’est au mois de février que les Montpelliérains le comprennent, à la faveur d’un match nul au Parc, 2-2. Malgré un but d’Alex digne d’Olive et Tom, Belhanda and co font jeu égal, et surtout, vont s’avérer plus réguliers sur le reste du championnat. « Ce match à Paris est crucial, c’est un match référence sur le contenu, et la preuve que nous sommes au niveau. » La prise de conscience a été plus rapide pour le Monaco de Kylian Mbappé, qui met en lumière les lacunes du PSG d’Unai Emery au mois d’août au stade Louis-II (victoire 3-1). Leonardo Jardim, encore une fois, préfère se focaliser sur les forces de son groupe que les faiblesses de son rival. « Le match contre Paris en début de championnat, c’est un moment clé, car il fait passer un message : on peut battre tout le monde vu qu’on a battu la meilleure équipe du championnat. »
« Quand tu bats Manchester City ou le Borussia Dortmund en milieu de semaine… »
Pour l’ASM, c’est toute la saison qui va ressembler à un rêve, avec une épopée européenne en bonus. « Cela ne nous économisait pas, car je devais aligner ma meilleure équipe en milieu de semaine, mais forcément psychologiquement, quand tu bats Manchester City ou le Borussia Dortmund en milieu de semaine, cela booste les joueurs pour le week-end. » Le Monaco du coach portugais est alors une machine à marquer et à gagner. Pas surprenant à l’écouter. « Vous savez, avec moi, Monaco a toujours marqué beaucoup de buts, je demandais toujours à mes joueurs d’attaquer. »
Concernant la série de victoires dans le money time – aucune défaite sur la seconde partie de saison, seuls deux nuls, et douze victoires de rang pour finir le championnat -, il fait l’homme blasé. « Si vous regardez mes bilans, dans tous les clubs où je suis passé, mes équipes finissent en trombe la seconde partie de saison, je les prépare pour. » Une manière plus ou moins subtile de faire passer un message subliminal à ses dirigeants, qui l’ont remercié le 28 décembre 2019…
« Lille et Lyon sont dans les clous pour faire comme nous »
Le Montpellier de 2012 n’avait ni Mbappé ni Falcao, et gagnait beaucoup de matchs sur la plus petite marge. « Des victoires sur le fil, soit parce qu’on ne maîtrisait pas un match, ou qu’on ne savait pas en tuer un autre », se souvient Pascal Baills. « Mais on gagnait ces rencontres, preuve que le mental était là. Cette saison, Paris perd des matchs qu’il faut gagner pour être champion, comme à Lorient… » Ce qui lui fait dire que « Lille et Lyon sont dans les clous pour faire le même coup que Montpellier et Monaco ». Parce que Paris n’est peut-être pas aussi intouchable que d’habitude, mais surtout « parce que ces deux équipes ont d’excellents joueurs, des arguments pour rivaliser. » Leonardo Jardim abonde dans le même sens, ce qui a l’avantage de placer un second message subliminal pour son ancienne direction. « Il n’y a pas de secret dans le football, il faut de bons joueurs pour gagner. Et en 2016-2017, on avait un superbe effectif, même Valère Germain a été extrêmement précieux dans son rôle de joker. Paris était favori, mais on avait une meilleure équipe. »
Baills n’osera jamais affirmer la même chose sur le Montpellier de 2012, mais il en convient, il y avait « un effectif de qualité, pas simplement un onze titulaire, mais un groupe de 20 joueurs, avec des remplaçants comme Souleymane Camara capables d’entrer et de changer le cours d’un match, ou Rémi Cabella qui a eu du mal dans la première partie de saison, mais a suppléé avec brio Younès Belhanda quand il était à la CAN. » Le seul regret de Baills, c’est le caractère éphémère de l’exploit. « Contrairement à l’AS Monaco qui avait des moyens et a pu programmer sa montée en puissance, nous en 2011-2012, c’est une aventure. On ne sait pas où on va, et on a la chance que cela se transforme en une aventure qui tourne bien sans trou d’air. Le passage à vide, il est arrivé la saison d’après, avec le départ de certains joueurs, la découverte de la Ligue des champions. On ne pouvait pas déranger le PSG sur la durée. Mais sur une saison, encore cette année, d’autres peuvent le refaire. »
Nicolas Jucha
Propos de Pascal Baills et Leonardo Jardim recueillis par Nicolas Jucha