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MLS : le cauchemar mexicain

Par Thomas Goubin, au Mexique
MLS : le cauchemar mexicain

Chaque année ou presque, les équipes de la MLS se font surclasser par les pensionnaires de la LigaMX, en Ligue des champions de la CONCACAF. En football, Donald Trump a peut-être raison : le Mexique constitue bien le cauchemar de l'Amérique.

La MLS a repris. Avec ses vieilles nouvelles stars : Gerrard, Lampard, Kaká. Ses internationaux américains : Dempsey, Bradley, Beckerman… Sa vision, sa stratégie : salaires XXL pour ferrer quelques cracks, mais masse salariale encadrée, planification à la rigueur soviétique pour devenir l’un des meilleurs championnats au monde en 2022. Son discours optimiste aussi, repris dans les médias du monde entier. Une machine promotionnelle bien huilée, comme les Américains en ont le secret. Et pourtant, quelques jours avant que son championnat ne reprenne, le football made in USA avait subi un revers significatif. Ou plutôt, quatre revers. En quarts de finale de la Concachampion’s, les quatre représentants de la MLS se sont ainsi fait sortir, les 1er et 2 mars, par quatre clubs de LigaMX. Voilà pourquoi quatre clubs mexicains monopolisent à partir d’aujourd’hui les demi-finales de la Ligue des champions de la CONCACAF, une compétition qu’ils remportent sans discontinuer depuis dix ans.

Le courroux de Landon Donovan

Mardi, les Tigres de Gignac se rendront à Querétaro, et mercredi, Santos Laguna recevra l’América. Comment en est-on arrivé là ? Pour mémoire, les résultats des quarts de finale entre les deux voisins et néanmoins ennemis : Santos Laguna a éjecté les LA Galaxy (0-0, 4-0), le médiocre Querétaro a écarté DC United (2-0, 1-1), et l’América Mexico s’est offert le Seattle de Clint Dempsey (2-2, 3-1). Des quatre club gringos, le Real Salt Lake fut finalement le seul à offrir une répartie digne de ce nom, face aux Tigres (0-2, 1-1), et à accréditer l’idée d’un rapprochement entre États-Unis et Mexique. Après avoir perdu à l’aller, Kyle Beckerman et consorts sont parvenus à faire vibrer leur stade en poussant les Tigres dans leurs retranchements, avant qu’André-Pierre Gignac ne sonne le glas des espoirs américains d’un but à la 91e. Reste qu’au final, les gringos n’ont pas gagné le moindre match en huit rencontres.

Pour minorer l’importance d’une telle déroute, la MLS sert le même discours prêt à l’emploi année après année. Éliminations après éliminations. Les quarts de finale de Champions de la CONCACAF étant programmés alors que le championnat US n’a pas repris, ses représentants n’évolueraient pas à 100% et se foutraient même un peu de cette compétition. Concrètement, à trois jours du début de la MLS, un club qui surpaye Steven Gerrard, Giovani dos Santos, Nigel de Jong et Robbie Keane s’est montré incapable de donner une réplique décente à une équipe qui pointait alors au huitième rang de la LigaMX. Les prétextes de la MLS tiennent-ils vraiment la route ? Pas forcément, à en croire la réaction de Landon Donovan, ex-star des LA Galaxy, pour qui le problème serait plutôt de nature structurelle. « Dépensons dix millions de dollars sur dix joueurs, et pas seulement sur deux ou trois » , a suggéré après cette déroute le meilleur joueur américain de tous les temps, qui a accumulé, pendant sa carrière, les frustrations en Concachampion’s face aux représentants de la LigaMX.

20 000 dollars en moyenne au Mexique, 5 000 en MLS

À chaque fois, une même impression : les équipes de MLS peuvent bien aligner quelques joueurs de niveau international, ils sont souvent trop vieux ou pas assez nombreux pour pouvoir compenser les lacunes de leurs coéquipiers, médiocres techniquement, même si grands athlètes. Lors de son passage calamiteux par les New York Red Bulls, l’exquis Rafa Márquez avait ainsi fait part de sa frustration d’être entouré par des pieds carrés : « Le football est un jeu d’équipe, et malheureusement, mes coéquipiers ne sont pas à mon niveau » , s’était agacé l’ex-Barcelonais, en 2011. La MLS a-t-elle progressé depuis ? Un peu sans doute, comme le suggère la victoire de l’Impact Montréal l’an dernier, en demi-finale de la Ligue des champions de la CONCACAF, face à un tendre Pachuca. Futés, les Canadiens avaient effectué une préparation spécifique au Mexique, en altitude, avant de disputer leur match aller. Pour le coup, leur motivation était évidente. En finale, alors que la MLS était lancée depuis un bon mois, Ignacio Piatti et consorts avaient toutefois touché à leurs limites face au puissant América (1-1, 4-2), dont le onze est peuplé d’internationaux mexicains, paraguayens, équatoriens ou colombiens. « Tactiquement, les deux championnats sont différents, estime le jeune Sebastian Saucedo, 19 ans, qui est passé cet hiver du Real Salt Lake à Veracruz, au Mexique. Il y a beaucoup de variantes, les matchs sont joués avec davantage d’intelligence de jeu. En MLS, ça joue en envoyant de longs ballons devant, ce championnat n’est pas encore au niveau de la LigaMX. »

Aussi ténue soit-elle, la progression de la MLS est toutefois suivie avec anxiété au sud du Rio Grande. Que Giovani dos Santos, l’un des meilleurs joueurs mexicains, quitte l’Europe pour vivre son rêve américain, plutôt que de venir renforcer l’un des grands clubs de son pays, a ainsi été perçu comme un camouflet pour la LigaMX. Le système des franchise players de la MLS a permis ce beau coup, mais c’est aussi ce même système qui ne permet pas de les multiplier. C’est d’ailleurs l’une des grandes limites actuelles de la MLS : Sebastian Giovinco et un vieillissant Kaká peuvent bien mieux gagner leur vie qu’André-Pierre Gignac, le joueur le mieux payé du Mexique, le salaire médian américain n’en reste pas moins largement inférieur à celui de la LigaMX. Au Mexique, un joueur se situant en bas de l’échelle des salaires peut recevoir 20 000 dollars mensuels, tandis qu’il devrait se contenter d’à peine 5 000 dollars en MLS. Un salaire pas franchement attrayant, même si l’environnement américain est mieux sécurisé en tout point que le mexicain. Résultat : nombre d’internationaux colombiens, équatoriens ou uruguayens continuent de préférer le pays de Cuauhtémoc Blanco à celui d’Alexi Lalas.

Les scouts mexicains chassent aux États-Unis

Ce fossé salarial pourrait toutefois être rapidement bouché par un simple changement réglementaire. Mais un autre prendra encore de longues années, pour ne pas dire une éternité, avant d’être comblé. Celui de la formation. Au Mexique, le système de formation est similaire à celui des clubs européens. Pas en MLS, où le système de draft des jeunes talents se base encore, de manière prioritaire, sur le talent universitaire. Résultat : la grande majorité des jeunes Américains ne fréquentent pas une structure professionnelle avant leurs 20 ou 21 ans, au terme de leurs études. Outre le fait qu’un pays à la culture foot embryonnaire ne peut compter sur une même densité de talents qu’un pays où le foot est roi, les États-unis ne se facilitent pas la tâche en traitant le soccer comme ses sports nationaux (base-ball, football américain, basket). Il est ainsi symptomatique qu’Alex Ramos, le fils de Tab Ramos, sélectionneur des U20 américains, ait choisi, en janvier 2015, de quitter l’université d’Iona (New York) pour signer un contrat pro avec Pachuca, au Mexique. Un aveu en creux, de la part de Tab Ramos, qui a participé à la négociation du transfert de son fils, de la supériorité du système de formation mexicain.

Le cas Ramos, qui jouit de la nationalité mexicaine, pour être né à Monterrey quand son père était joueur, n’est d’ailleurs pas isolé. Car, les millions de jeunes d’origine mexicaine, biberonnés au football, constituent un des grands réservoirs de talent sur le sol américain, et un potentiel levier de progression du soccer. Mais, pour le moment, ce sont, avant tout, les clubs mexicains qui en profitent. Sur le sol américain, América, Chivas, Pachuca et consorts organisent ainsi des détections et installent des clubs filiales. Les éléments les plus talentueux sont rabattus vers le Mexique, là où ils disposeront de structures idéales pour se former dès leur adolescence. La culture foot ne s’achète pas, à l’inverse des inscriptions onéreuses aux universités américaines. Finalement, l’écrasante domination des Mexicains en Concachampion’s n’est que l’un des symptômes d’un fossé qui se réduit, mais reste important, entre la LigaMX, et l’ambitieuse mais encore tendre MLS.

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