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Mistral gagnant
Non, le tour de France ne passe pas à Aix-en-Provence aujourd’hui, mais il arrive à 37,6 km de là, du côté de Salon-de-Provence. 37,6 km, c’est aussi la distance entre Aix et la Commanderie, le centre d’entraînement de l’OM, et donc le chemin parcouru chaque jour par plusieurs Olympiens. Parce que oui, les stars marseillaises apprécient la ville du roi René. De Sauzée à Mandanda, en passant par Papin et Lucho, nombreux sont les joueurs de l’OM à avoir choisi Aix, et surtout ceux à y sortir, notamment du côté du Mistral.
Aix-en-Provence, c’est avant tout la ville bourgeoise et étudiante dans l’ombre de la voisine phocéenne. Un parfait contre-exemple de Marseille la populaire, Marseille l’extravagante ou Marseille la criminelle. Non, à Aix, on apprécie le calme sous les platanes du cours Mirabeau, et la discrétion. La sous-préfecture des Bouches-du-Rhône concentre d’ailleurs les deux tiers de l’impôt sur la fortune du département, rien que ça. Pas étonnant, alors, que les joueurs de l’OM viennent s’y installer, malgré les quarante-cinq minutes de route pour se rendre à l’entraînement. Qu’importe, Aix a d’autres arguments, comme le Mistral. Et on ne parle pas du vent.
Tapie, Gipsy Kings et Frédéric Beigbeder
L’idylle entre la ville et les joueurs de l’OM dure depuis longtemps. Sous Tapie déjà, les idoles phocéennes tentaient de s’éclipser des espions du président marseillais. Mais même à Aix, Nanard voyait tout : « Tapie, les veilles de gros matchs, il savait où était chaque joueur, il avait des yeux et des oreilles dans toute la Provence. Casoni m’a raconté qu’avant chaque match, Tapie disait : « Vous faites ce que vous voulez, mais sur le terrain faut assurer. »Alors, quand les mecs sortaient au Mistral, à Aix, certes ce n’était pas Marseille, mais c’était juste à côté, donc tout le monde les reconnaissait quand même » , témoigne René Malleville. Une attirance prononcée pour Aix qui connaît son apogée sous Didier Deschamps, à la fin des années 2010. À l’époque, le gros du onze type habite à proximité de la ville : Diawara, Niang, Valbuena, Lucho, M’Bia, Brandão, Mandanda… Très vite, Aix devient le point de ralliement des fêtards du vestiaire, qui se retrouvent souvent à la boîte le Mistral, auto-proclamée « place forte aixoise de la fête » .
C’est vrai que sur le papier, le Mistral en impose : fondé en 1952, entrée à 20 euros et grosses têtes d’affiche font sa réputation. Hormis les joueurs de l’OM donc, la boîte accueille toute la faune étudiante et les notables de la ville. Même Joeystarr et Frédéric Beigbeder seraient des habitués. Chic et guindée : tout ce qu’il faut pour séduire les footeux. « Avant, tout le monde allait à l’Ascenseur à Marseille, c’est juste une question de mode. Aix c’est un peu plus bourge, ça les changeait de chez nous. Le Mistral avait su attirer ce genre de clientèle » , explique Malleville. Rapidement, l’endroit devient the place to be, et les Olympiens ne quittent plus les lieux, Diawara, Niang et Brandão étant les plus fidèles. C’est donc tout naturellement que, pour fêter le titre de champion de France acquis face à Rennes le 5 mai 2010, l’OM convie tout le monde au Mistral, journalistes compris. Gaby Heinze régale en faisant couler le champagne à flots et en enflammant la boîte sur les Gipsy Kings jusqu’au bout de la nuit. Pendant ce temps, Lucho se grille quelques clopes dans son coin, tandis que Brandão déconne avec les journalistes présents. Ces derniers profitent des vasques pleines de bouteilles offertes par l’OM. Ce soir-là, le Mistral, c’est l’OM. Un âge d’or presque regretté par certains, qui, aujourd’hui, semble définitivement révolu avec la nouvelle direction. Qu’importe, le Mistral fait dès lors définitivement partie de l’histoire de l’OM.
Nid à problèmes pour quelques Olympiens
Mais l’idylle entre l’OM et le Mistral va vite se terminer. Victime de troubles extérieurs, notamment à sa sortie, le Mistral s’avère aussi problématique pour certains joueurs de olympiens. Grand habitué du lieu, et gros dragueur, Brandão est ainsi longtemps resté un client régulier de l’établissement. Jusqu’à ce que lui aussi rencontre quelques problèmes à la suite d’une sortie trop arrosée au Mistral. Après un flirt avec la fille d’un élu aixois, et compagne d’un agent proche de l’OM – décidément –, le Brésilien se retrouve en garde à vue. L’avant-centre marseillais sera finalement blanchi en 2012, après avoir été poussé vers la sortie.
Peu à peu, ces péripéties coupent les liens entre le Mistral et les joueurs de l’Olympique de Marseille. La faute, aussi, à la clientèle, selon Malleville : « Tout le monde savait qu’ils y allaient, donc les supporters y allaient aussi. Il y a des têtes de cons qui les filmaient et les affichaient sur les réseaux sociaux, des putains d’enfoirés. » Le personnage marseillais résume la pensée des supporters quant aux sorties des joueurs du côté d’Aix : « Beaucoup de gens critiquent les joueurs, on les emmerde, les joueurs les emmerdent aussi. Les gens qui critiquent, ce sont des frustrés de la vie, ils n’ont même pas une bouteille de pastis chez eux. Souleymane Diawara y allait souvent(au Mistral, ndlr), mais il était exemplaire sur le terrain, donc on s’en foutait. S’il avait bu un litre de whisky la veille, j’en avais rien à foutre. » Tolérants, les supporters marseillais n’ont donc jamais reproché ces virées aixoises à leurs joueurs. Et pour cause, le Mistral, c’était la boîte de l’OM de Deschamps, donc de l’OM qui gagne. Une époque révolue. Et si elle se trouvait du côté d’Aix-en-Provence, la clé du Champions Project ?
Par Adrien Hémard