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Mirallas, des mirages à l’envol

Par Romain Duchâteau
7 minutes
Mirallas, des mirages à l’envol

À 26 ans, Kevin Mirallas enchante la Premier League. Arrivé sur la pointe des pieds à Everton en 2012, l'international belge a pris son temps avant de rayonner. Tricard en Ligue 1 et révélation en Grèce, l'attaquant a connu jusque-là un parcours sinueux. Petit retour sur un homme qui voulait réussir coûte que coûte.

S’il scintille désormais entre courses folles et crochets courts, la destinée de Kevin Mirallas ne s’est pas montrée toujours aussi clémente. Mais de son propre aveu, le Belge a mûri et pris conscience d’un potentiel jamais exploité à bon escient. « Après une longue discussion avec mon père José en décembre et Roberto Martínez, j’ai changé de mentalité, s’épanchait-il récemment dans la presse anglaise. Mon père m’a dit que j’avais des qualités, mais que ma mentalité ne suivait pas. C’est bien cette conversation avec mon père qui a fait la différence. » Lille, ego trip et impatience

Ce travail d’introspection lui est aujourd’hui salutaire quand on repense à ses débuts. Kevin Mirallas arrive à Lille, en provenance du Standard de Liège et, pas même majeur, éveille l’intérêt de toutes les sphères du club nordiste. « Un joueur avec un grand potentiel, un attaquant racé, avec de réelles qualités, se souvient Rachid Chihab, qui a dirigé le joueur chez les jeunes du LOSC. Dès le départ, on sentait quelqu’un de déterminé, programmé, avec une personnalité et un ego déjà bien affirmés. Il avait le sens du but et déjà de belles prédispositions, notamment dans les déplacements. » Pascal Plancque, adjoint de Claude Puel à l’époque (2007-2009), confirme une réputation flatteuse: « Il arrivait de Belgique avec l’étiquette d’un futur très grand. On a tout de suite vu qu’il présentait des caractéristiques très très intéressantes pour le haut niveau. Il adorait marquer des buts, avec une mentalité de gagneur. » Sauf que si le bambin transpire le talent, il s’illustre surtout par son impatience. « Quand il était avec les U17, il voulait aller avec les U19. Avec les U19, il souhaitait la CFA. Puis quand il rejoignait la CFA, il souhaitait tout de suite intégrer le groupe pro. Il a brûlé quelques étapes au cours de sa formation. Et à un moment donné, il l’a payé » , ajoute Plancque. Lors de ses trois années lilloises, l’enfant de Liège a du temps de jeu. Pas assez à son goût. « Il sentait qu’il y avait des joueurs qui passaient avant lui, poursuit l’ancien adjoint de Puel. Et comme il voulait tout de suite être en haut, jouer et avoir une reconnaissance sportive et financière… C’était vraiment quelqu’un de pressé. » Derrière Odemwingie dans la hiérarchie, l’attaquant ne s’épanouit pas. Et après 95 matchs pour seulement 12 buts, il veut partir. Pour viser plus haut, son leitmotiv. Les promesses, pourtant, sont déjà palpables aux yeux de tous. Matthieu Chalmé l’assure: « Il manquait d’expérience, mais son arrivée en pro a été remarquée. »

Episode noir en Vert

Le Belge débarque alors à Saint-Étienne contre environ quatre millions d’euros, non sans polémique. Omar Da Fonseca, chargé de la cellule recrutement du club à l’époque, aujourd’hui consultant sur beIN Sports, raconte: « Il y a eu des complications avec son père, son agent. Il lui restait six mois à Lille mais il est venu au mercato d’hiver. Il y avait eu un accord mais celui-ci n’a apparemment pas été respecté. » Des zones d’ombres que l’ASSE, contacté par nos soins, refuse encore d’évoquer aujourd’hui. Jérémie Janot, gardien emblématique des Verts, n’a, lui, pas oublié : « C’était un transfert à sensations. On l’avait acheté cher. Il était jeune et avait besoin d’un petit temps d’adaptation. Quand tu es acheté aussi cher par Saint-Étienne, il faut que tu sois performant tout de suite… Il a mis du temps à le digérer. » L’attaquant, très jeune, ne confirme pas toutes les attentes placées en lui et ne met pas un pied devant l’autre. Au point de passer encore aujourd’hui pour l’une des pires erreurs de casting du club stéphanois. « On l’a mis un coup à droite, un coup à gauche, un coup devant, un coup derrière l’attaquant. On n’a peut-être pas su l’utiliser là où il se sentait le mieux » , regrette Janot. Et Da Fonseca d’embrayer: « C’est un joueur de courses, qui demandait tout le temps le ballon en profondeur. Il aimait prendre les espaces, aller dans le dos des défenseurs et réaliser beaucoup d’appels. Il utilisait trop le côté athlétique et physique de son jeu. Le style de l’ASSE ne lui convenait pas. Parfois, il allait justement trop vite par rapport à ses partenaires et ne faisait pas le geste juste. Puis il n’avait pas trop joué, donc manquait de confiance… » Les chiffres font encore peine à voir: 69 matchs pour 5 pions en deux exercices. Un gâchis, selon Janot, qui reste persuadé que cet échec émane d’une erreur de timing. « Je reste persuadé que Kevin aurait pu avoir à Sainté le même envol qu’Aubameyang. Ce qu’il fait aujourd’hui, c’est magnifique. À Saint-Étienne, il était au bon endroit mais pas au bon moment. »

Au Pirée, la (re)naissance

Son envol, Kevin Mirallas le prendra – enfin – en 2010, à l’Olympiakos. Le choix est singulier, mais s’avère déterminant. « L’expérience à l’Olympiakos a tout changé. Ils l’ont mis dans les meilleures conditions. Un entraîneur comme Valverde l’a beaucoup aidé, un mariage qui a été bien fait, explique François Modesto, son ancien compagnon de chambre en Grèce. Il a beaucoup travaillé et n’a rien lâché mais a aussi bénéficié d’un club familial et structuré qui lui a donné la possibilité de se relancer. » Sous la tunique des Kokkini, il apprend le métier, reprend confiance et s’érige comme l’atout principal de la formation grecque. En 2011, l’Olympiakos gagne le championnat. Un an plus tard, l’ex-Dogue termine meilleur buteur du championnat et l’Olympiakos réalise le doublé. « Nous gardons de très bons souvenirs de lui. Par ses buts, il a aidé l’équipe et est devenu une idole. Les fans chantaient à chaque match: ‘Tu es le meilleur pour nous Mirallas, Mirallas’. C’est l’un des meilleurs joueurs qui a joué en Grèce ces cinq dernières années » , confie Nikos Gavalas, spécialiste de l’Olympiakos à Kathimerini, le premier quotidien grec. En s’éloignant délibérément des lumières des grands championnats européens, l’international a pour une fois opté pour la patiente reconstruction. « Après son passage à vide, on aurait pu être déçu, dire qu’il n’avait pas la carrière qu’il aurait dû faire. Mais ce qui est remarquable, c’est qu’il est revenu, se réjouit Rachid Chahib. Ça lui a permis de faire un point sur lui-même, pour revenir. Les qualités ont toujours été là. Il lui fallait certainement plus de maturité et de stabilité pour revenir au haut niveau. »

Crack chez les Caramels

Cet exutoire grec lui permettra de retrouver les grands championnats. Everton lui fait confiance à l’été 2012, et après une saison timide mais prometteuse, il récolte les fruits de son exil. « Everton, si tu t’y prends bien, c’est un bon club pour exploser: à la fois un bon club et un club familial sans pression excessive. Roberto Martínez a plus confiance en lui que David Moyes, souligne Jean-Michel Rouet, responsable du foot anglais à L’Équipe. Il joue avec de bons joueurs. L’émergence de Barkley et Deulofeu lui rend service aussi. Ces mecs savent le faire jouer. Moyes faisait jouer Phil Neville numéro 10 donc forcément, c’est pas pareil… » Sous la coupe de « Bob » Martinez, le branleur des débuts figure aujourd’hui comme l’un des meilleurs milieux offensifs de Premier League. Le manager espagnol n’a d’ailleurs pas manqué d’encenser, courant février, celui qu’il considère comme un top-class player: « Techniquement, il est parfait. Une star. Avant, il n’était qu’un joueur du groupe. Mais maintenant, il mène le groupe, même en dehors du terrain. Il est vraiment devenu un joueur incroyable, je suis heureux d’en être le témoin. » Comme si le temps des doutes laissait place à d’inébranlables certitudes. « Le meilleur est à venir pour lui. Il se débrouille bien en Angleterre. C’est un travailleur, qui œuvre pour l’équipe. Ce n’est pas un égoïste. Kevin peut vraiment devenir un très grand joueur » , glisse Georges Leekens, ex-sélectionneur des Diables rouges (2010-2012).

Il y a peu, au cours d’un entretien accordé à Canal +, le Belge avait lui-même reconnu s’être fourvoyé dans le passé. « Je savais que j’avais d’énormes qualités mais je pensais que je ne devais pas les travailler, que ça allait se faire naturellement. Après la claque prise à Saint-Étienne, où je pensais vraiment faire de belles choses là-bas, je me suis repris en main. Il fallait que je travaille car c’est un vrai travail, pas un amusement. C’est vrai que j’aimerais revenir en France pour prouver ma valeur. Beaucoup de gens seraient surpris… » Assurément, oui.

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