- France – Ligue 2 – 30e journée – Sedan/Guingamp
Mionnet : « C’est pas une page qui s’est tournée mais carrément un livre »
Alors que Sedan vit actuellement des heures sombres, Cédric Mionnet, ancienne gloire de la dernière génération dorée du club, a réussi avec brio sa reconversion. Pour lui, la retraite sportive n'a vraiment pas été une petite mort puisqu'il est devenu dans la foulée responsable des sports au Conseil général des Ardennes. Entretien.
Comment s’est terminée votre carrière en pro ?C’était en 2006. A l’époque, je ne me retrouvais plus du tout, j’arrivais plus à faire ma passion, je me décevais d’année en année. Mentalement, c’était dur à accepter de voir que mon corps avait du mal à suivre le rythme des matchs. Faut dire que j’ai eu beaucoup de soucis, avec cette grosse blessure au genou (en 2001 face au FC Nantes de Nicolas Gillet, NDR). J’ai aussi eu une blessure sous le pied exceptionnelle et c’est de là que ça m’a fait réfléchir. J’ai trois petits bouts de chou, je me suis dit qu’il était temps d’arrêter, même si Tours, où j’évoluais à l’époque, me proposait un an supplémentaire de contrat en Ligue 2.
Vient le moment de penser à sa reconversion…Et là, j’ai vraiment eu de la chance. Le Conseil général des Ardennes m’a appelé pour me proposer de devenir contractuel au sein de leur service des sports. Un poste de responsable. J’ai reçu la fiche de poste, je l’ai étudiée et franchement, j’ai douté de mes capacités. D’ailleurs, lors du rendez-vous d’embauche, j’ai préféré jouer franc-jeu et demander : mais pourquoi moi ? Parce qu’honnêtement, je pensais pas savoir faire les trois-quarts des missions que j’étais censé faire. Mais on souhaitait vraiment avoir un ancien sportif de haut niveau à ce poste, donc on m’a proposé un contrat de trois ans que les deux parties pouvaient casser à tout moment, au cas où. J’ai dit banco. Ça fait maintenant six ans que je suis là et je viens de passer en CDI, donc je suis heureux. Travailler pour le département que j’aime, c’est gratifiant.
Vous êtes un Ardennais dans l’âme ?Oui, même si moi comme ma femme sommes originaires du Pas-de-Calais. Mais on s’était toujours dit qu’on reviendrait dans les Ardennes un jour, d’une manière ou d’une autre. Avant de passer pro, j’avais obtenu un diplôme d’éducateur pour personnes handicapées, qui aurait pu me servir. Mais cette reconversion-là, elle est idéale. S’occuper de la politique sportive d’un département, avoir la responsabilité d’une équipe de sept personnes et d’une Maison des sports de 4400 m², c’est quand même hyper valorisant. Et franchement, je m’éclate autant que j’ai pu m’éclater sur le terrain.
Concrètement, c’est quoi votre travail au quotidien ?Je m’occupe de tout ce qui est fonctionnement et investissement dans le milieu sportif. Donc j’accompagne les assos et les différents comités départementaux dans leurs projets, je gère au quotidien la Maison de sports, j’essaie d’importer de nouvelles choses… Là par exemple, je suis en plein dans l’animation des « Journées marcassins » , une manifestation pour les U7 et les U9 en hand, foot, basket et rugby. Il va prochainement y avoir La Frappadingue aussi, un concept de course à pied façon parcours du combattant, qui va réunir 3800 participants, dont les trois-quarts viennent de l’extérieur du département.
Votre statut d’ancienne vedette du CSSA vous sert-elle ?Oui parce qu’avec les comités et les assos, on parle le même langage. J’ai connu le milieu sport de masse, j’ai un discours qui leur correspond, je comprends et analyse forcément leurs attentes et leurs besoins. Quand une asso arrive avec un projet, j’essaie de faire en sorte de le porter et d’amener les élus à accorder la subvention souhaitée.
C’est sportif, les Ardennes ?C’est un département très vert, où on trouve pas mal de manifestations cyclistes ou des activités comme le méga trail. Le tissu de bénévoles est également exceptionnel, c’est très bon pour le développement des associations sportives. On n’a peut-être pas les moyens financiers de certains départements mais les moyens humains y sont plus riches qu’ailleurs.
« A Sedan, on était tous des recalés »
Par contre, c’est pas vraiment la fête pour le CS Sedan Ardennes…
Ouais, c’est très compliqué cette saison. Je suis déçu, forcément, même si on voit depuis quelques semaines qu’une équipe est en train de se reconstruire. On retrouve du jeu, des résultats… (Pause) Malheureusement, ça va très mal dans le milieu du foot en général. La situation de Sedan est mise en avant aujourd’hui mais je pense que ça va dégringoler dans bien d’autres clubs. On va même être vraiment surpris de voir que certains soi-disant gros vont sûrement devoir vite dégraisser s’ils ne veulent pas déposer le bilan. Pour en revenir au CSSA, j’espère vraiment que ça va s’arranger, c’est un club très important pour le département, qu’on soutient financièrement et humainement. Il ne faut pas qu’il disparaisse.
Vous avez gardé contact avec d’anciens coéquipiers de la belle époque ?On se revoit au moins une fois par an avec Pierre Deblock, Olivier Quint, Nicolas Sachy, Regnault, Elzéard, Adjaoud, Brandes… Il y en a beaucoup quand même qui sont restés dans le département, faut dire qu’on y est bien. C’est toujours un plaisir de se retrouver. On a vécu ensemble une aventure hors norme. Nous aussi, à l’époque, on a vécu dans l’incertitude financière, mais on a décidé de rester. Faut dire aussi qu’à l’époque, aucun autre club ne voulait de nous ! Le groupe s’est soudé, les résultats ont suivi : montée en L2, puis en L1, la finale de la Coupe de France, la Coupe d’Europe, chaque année, on franchissait des étapes. On s’entendait bien, on se disait les choses dans le vestiaire, c’était sain. Un gars comme Olivier Quint par exemple, il ne trichait pas, on pouvait se parler les yeux dans les yeux. A Sedan, on était tous des recalés, personne n’avait misé un kopeck sur nous, alors quand on a soudainement pris de la valeur et qu’on s’est retrouvés sollicités, ça nous faisait doucement rigoler…
La page est tournée ?Complètement. La finale de la Coupe de France par exemple, je ne l’ai jamais revue. Pareil avec mes buts. C’est pas une page qui s’est tournée mais carrément un livre. Depuis, j’en ai rouvert un autre et franchement j’y prends au moins autant de plaisir.
Propos recueillis par Régis Delanoë