À quoi ressemble un entraînement de Marcelo Bielsa ?
En général, c’est court, mais très intense. Il aime que les exercices soient exécutés à la perfection. Avec la sélection, il disposait de peu de temps pour travailler avec le groupe, mais il mettait vraiment à profit chaque minute pour qu’on assimile bien ses concepts de jeu. C’est une personne très exigeante et dont la formation professionnelle est excellente. Il tire le maximum de chaque joueur. Avec lui, j’ai vraiment progressé.
En quoi Bielsa est-il si différent ?
Tactiquement et techniquement, il t’apprend des choses qu’ignorent d’autres entraîneurs. Pour moi, il fait partie des meilleurs entraîneurs au monde, cela ne fait aucun doute. Avoir travaillé avec lui est un grand privilège. Si tu demandes à mes coéquipiers de la sélection, ils te diront la même chose. Il a beaucoup aidé le football chilien. Tactiquement, Bielsa est vraiment très pointu, mais il te demande aussi de disputer chaque ballon comme s’il s’agissait du dernier. Je n’avais jamais connu un entraîneur aussi perfectionniste.
Quel mode de relation entretient-il avec ses joueurs ?
C’est très professionnel. Il sépare bien les choses. Tu es son joueur, il est ton entraîneur, point. Il met à ta disposition toutes ses connaissances. Il te donne tous les outils possibles pour que tu puisses donner le meilleur de toi-même. À toi ensuite de répondre à ses attentes.
Et comment cela se passait-il avec un joueur connu pour ses indisciplines répétées comme Jorge Valdivia ?
Aucun problème. Jorge était très performant avec Bielsa. C’était bon pour nous, car Valdivia est le genre de joueur qui peut faire basculer un match sur un geste. Leur relation était strictement professionnelle. Bielsa est aussi exigent avec un jeune joueur qu’avec une star. Il ne fait pas de différences.
But de Millar face à l’Espagne au Mondial 2010 :
Bielsa travaille énormément avec la vidéo. Concrètement, comment utilise-t-il cet outil ?
Un exemple : après chaque match, il effectue un travail vidéo avec le groupe, mais aussi avec chaque joueur. Il édite une vidéo de ton match, t’explique ce que tu as fait de bien, là où tu t’es trompé, ce que tu peux améliorer, ce que tu ne dois pas changer. Ça aide vraiment.
Bielsa est surnommé « El Loco » , le mérite-t-il ?
En fait, si tu ne le connais pas, il peut paraître étrange, mais une fois que t’as appris à connaître sa manière de vivre, de ressentir le football, tu comprends qu’il agit avant tout comme un passionné.
On dit qu’être entraîné par Bielsa peut être usant…
Comme il veut tirer le maximum de chaque joueur, il te presse comme un citron. Pour certains, cela peut être stressant, mais les résultats sont là. Il faut s’habituer, c’est tout. Ce n’est pas si grave (rires).
S’il avait poursuivi à la tête du Chili, le groupe aurait-il continué à être performant ?
Oui, sans aucun doute. Les circonstances de son départ furent étranges. Un conflit l’a opposé à la Fédération. Ce fut une grande perte pour le football chilien, une vraie régression. À partir de l’arrivée de Bielsa, le Chili est devenu une sélection respectée dans le monde. S’il avait continué, ça aurait fonctionné. La lassitude ne se serait pas emparée du groupe. Bielsa a misé avant tout sur des jeunes joueurs qui lui étaient reconnaissants, car ils les a fait grandir. Si Bielsa était resté, je crois, par exemple, qu’on aurait pu prétendre au sacre lors de la Copa América 2011. Maintenant, avec Jorge Sampaoli, on a retrouvé le bon chemin.
En quoi la sélection a changé depuis le départ de Claudio Borghi et l’arrivée d’un disciple de Bielsa comme Sampaoli ?
La sélection a commencé à beaucoup mieux jouer et les résultats ont accompagné la manière. La méthode de Sampaoli est extrêmement similaire à celle de Bielsa et ça nous a beaucoup aidés. La plupart des joueurs chiliens connaissaient cette méthodologie qui nous avait réussie. Ce fut un changement opportun, réalisé à temps.
Les séances de Sampaoli ressemblent-elles à celles de Bielsa ?
Oui. Sampaoli admet d’ailleurs qu’il admire énormément le travail de Marcelo. Il faut aussi reconnaître que le fait que l’on connaisse bien cette méthode nous a facilité le travail. Certains joueurs connaissaient aussi déjà très bien Jorge, car il était leur entraîneur au sein de la U, où il a obtenu de grands résultats.
Quels souvenirs gardes-tu justement de tes matchs face à la U de Chile de Sampaoli quand tu évoluais à Colo-Colo ?
C’était compliqué. Leur pressing était vraiment étouffant. Ils avaient aussi de très bons joueurs. À ma connaissance, ce fut une des meilleures équipes de l’histoire de la U de Chile. Une équipe très dynamique, qui ne t’offrait aucun répit.
Un joueur se dépense-t-il davantage avec des entraîneurs comme Bielsa ou Sampaoli ?
Oui, tu dois davantage donner de toi avec ce type d’entraîneurs. Ils vivent les matchs de manière beaucoup plus intense. Ils sont plus exigeants. Tu dois courir davantage…