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Milan-Inter : la guerre de l’étoile
Conjointement de retour au sommet de la Serie A, les deux clubs lombards s'affrontent ce samedi, dans un derby qui a retrouvé une bonne partie de sa saveur d’antan. Tout particulièrement cette saison : avec deux coachs porteurs d’idées de jeu affirmées et d’un style offensif, Nerazzurri et Rossoneri - qui comptent chacun 19 Scudetti au compteur - se disputent un titre qui serait synonyme de seconde étoile sur leur maillot.
En Italie, on parle de Scudetto della stella. Le Scudetto de l’étoile. Au Milan, on se souvient très bien du premier astre que le club a épinglé à son maillot : à l’issue d’une saison 1979 brillante, le Diavolo coiffait Pérouse au poteau, notamment grâce à un tout jeune Franco Baresi, qui s’imposait déjà comme l’un des défenseurs les plus brillants de sa génération. Côté Interista, le souvenir est aussi intense. La dixième étoile, qui date de 1966, vient achever un cycle de domination entamé en 1963 et conclu par un troisième titre domestique en quatre saisons. C’est également le dernier trophée soulevé par l’Inter d’Helenio Herrera, dont le catenaccio signature avait régné sur l’Europe du football. Des décennies plus tard, les deux clubs lombards ne visent plus exactement les pinacles du continent. Mais ils se sont au moins redonné les moyens de grimper le col le plus escarpé de la Botte : le Scudetto et la deuxième étoile qui trône en son sommet.
La classe Internazionale
Avec chacun 19 championnats au compteur, Milanisti comme Interisti peuvent ambitionner d’ajouter un nouvel astre sur leur distingué maillot. Si la politique sportive décadente de la Juventus aura bien aidé les écuries lombardes à retrouver les deux premières places du championnat ces dernières saisons, les formations milanaises ont aussi recommencé à bien travailler, chacune à leur façon. Après avoir subtilisé à la Juve l’excellent Giuseppe Marotta pour piloter son secteur sportif, l’Inter a regoûté aux délices d’un titre national sous Antonio Conte, avant de mettre Simonze Inzaghi aux manettes. Un coach plus jeune, plus moderne aussi, qui veut une formation protagoniste, articulée autour d’un 3-5-2 offensif et structurée par des automatismes collectifs clairs, travaillés et répétés. Meilleure attaque de Serie A la saison dernière, l’Inter (3e, à 1 point de l’Atalanta, actuel leader du championnat) est – avec la Juventus – l’équipe la mieux armée de Serie A. Si elle a perdu un cadre important en la personne d’Ivan Perišić, elle a bénéficié du retour en prêt de Romelu Lukaku, qui forme avec Lautaro Martínez ce qui constitue sans doute le meilleur duo d’attaque du pays. Blessé, le Belge devrait néanmoins manquer le derby et être suppléé par un Edin Džeko vieillissant.
Les pistons bleu et noir garantissent, eux, un rendement plus nuancé : Denzel Dumfries à droite et Federico Dimarco à gauche offrent une force de frappe offensive importante, mais aussi une qualité de replacement encore trop souvent aléatoire défensivement. Les Nerazzurri doivent bien souvent s’en remettre à la qualité individuelle de leur trio de défenseurs centraux pour blinder leurs arrières : l’élégant Alessandro Bastoni brille dans la relance et l’anticipation, quand Milan Škriniar est depuis plusieurs saisons l’un des (si ce n’est le) meilleurs joueurs de duel du championnat. Jadis impressionnant de sérénité, le Néerlandais Stefan de Vrij a connu un dernier exercice compliqué et doit prouver qu’il est capable de se remettre à flot mentalement. Tout aussi qualitatif, le milieu de terrain nerazzurro n’est pas non plus exempt de défauts. Si Nicolò Barella – auteur d’un but splendide face à la Cremonese mardi dernier – est devenu un box to box de référence, Hakan Çalhanoğlu a un niveau de performances autrement plus intermittent. Clé de voûte de l’entrejeu, Marcelo Brozović est lui en deçà de ses standards habituels, en ce début de saison. Le Croate serait bien inspiré de monter en puissance face au Milan ce samedi.
La mécanique du diable
Les armes du rival rossonero sont elles moins tape-à-l’œil, mais au moins aussi aiguisées. S’il affiche une unité de moins que l’Inter au compteur, le Diavolo reste invaincu en Serie A (2 victoires, 2 nuls) et toujours tenant d’un jeu protéiforme, où les gars de Pioli savent aussi bien presser haut, assumer la possession, que jouer habilement en transition. L’équipe type rouge et noir reste sensiblement identique à celle de la saison dernière, celle du titre, ses points forts comme faibles n’ayant pas davantage changé. Le côté gauche reste incroyablement dangereux, animé par la doublette Théo Hernández-Rafael Leão, quand leurs pendants à droite, Calabria et Messias, sont beaucoup plus quelconques. Dans les cages, Mike Maignan s’affirme toujours comme le meilleur portier du championnat, bien aidé par une doublette axiale Tomori-Kalulu impressionnante dans les duels et difficile à prendre en défaut dans la profondeur. Tonali et Bennacer offrent des assurances techniques et physiques au milieu, quand l’increvable Giroud reste une arme de choix aux avant-postes. Seule innovation majeure : le recrutement du Belge Charles De Ketelaere, qui alterne avec Brahim Diaz pour occuper le poste de meneur de jeu du 4-2-3-1. L’ex-prodige de Bruges s’est jusqu’ici fendu d’un début de saison prometteur et sa qualité de passe pourrait bien faire des misères à la défense interista. C’est donc un derby savoureux qui s’annonce, entre deux équipes qui ont su retrouver une ligne sportive cohérente et des prétentions légitimes au Scudetto. Au Scudetto et à une deuxième étoile synonyme de vingtième titre, voué à rester plus que tous les autres dans la mémoire des tifosi.
Par Adrien Candau