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Milan Borjan, ayez foi en lui
Gardien le plus sollicité de la phase de poules de C1, Milan Borjan a gagné sa course contre une blessure au dos subie il y a six jours : mardi soir, le Canadien se présentera bien face au PSG. La dernière étape d’une histoire construite sur deux continents et sept pays.
Drôle de double vie que celle menée par Milan Borjan. Dans la première, le bonhomme est gardien à l’Étoile rouge de Belgrade, en Super Liga, un championnat dont il est devenu un repère central et où il n’a jamais perdu la moindre rencontre à domicile (la seule a eu lieu en Ligue Europa, en octobre 2017, contre Arsenal, 0-1, but de Giroud). Plutôt pépère et suffisant pour gagner un premier titre de champion de Serbie, au printemps dernier. Ce qui lui a ouvert les portes d’une seconde histoire : celle d’un homme-cible, chargé de tenir la boutique face aux vents européens, et qui est le gardien le plus sollicité depuis le début de la phase de poules de la Ligue des champions avec trente-cinq arrêts réalisés en cinq matchs, dont onze lors de la défaite au Parc (6-1), début octobre. Et alors ? Borjan assure, se montre le plus souvent héroïque et dépasse le résultat brut. Mieux, les performances du gardien lui permettent surtout d’étirer son histoire : un récit qui s’étale sur sept pays, douze clubs et deux continents.
Fondations fragiles et naissance
Que raconte-t-il ? Une intégration : celle d’un adolescent des années 1990, qui a quitté la Croatie, puis la Serbie, pour fuir la guerre et rejoindre le Canada en 2000 dans les bras d’un père footballeur et d’une mère coiffeuse. Le point de chute s’appelle Winnipeg, puis Hamilton, où Milan Borjan commence le foot et se fait repérer par un entraîneur uruguayen, Jorge Armua. Un temps, Borjan pense rejoindre l’Europe et Venise, mais un problème de passeport l’empêche de partir en Italie. Puis, c’est l’Argentine qui se profile, via un essai de trois mois à Boca Juniors (il fera aussi un essai quelques années plus tard à River), où le portier tape dans l’œil des dirigeants avant de faire de nouveau face à des soucis administratifs. Finalement, ce sera le Nacional de Montevideo avant de signer du côté de Quilmes, en Argentine. Un démarrage bordélique qui pose des fondations fragiles à un gardien qui deviendra international canadien, choix motivé par sa volonté de redonner au pays qui a accueilli sa famille ce qu’il lui a donné, en 2011. Soit après un atterrissage délicat en Europe.
Ainsi, Milan Borjan déplie aussi l’idée d’une reconquête. Lorsqu’il arrive en Serbie, au Rad Belgrade, en janvier 2009, il n’est personne et va mettre plusieurs mois à gagner une chance de se montrer en équipe première, avant de se tirer en Turquie et en Roumanie et de se retrouver sans boulot cinq ans plus tard. Une bascule décisive : alors qu’il est proche de s’engager avec le FK Sarajevo, le Canadien décide finalement de signer au Ludogorets Razgrad. Nous sommes le 12 septembre 2014, le gardien titulaire du club bulgare, Vladislav Stoyanov, est suspendu, son remplaçant vient de se luxer l’épaule, et la petite bande a rendez-vous à Liverpool, pour disputer un match de Ligue des champions quatre jours plus tard. Résultat, Borjan est balancé numéro un à Anfield, sort une prestation XXL et ne craque qu’en fin de match en concédant un penalty de Steven Gerrard dans les arrêts de jeu, alors que le Ludogorets tenait un 1-1 historique. Une naissance, une vraie.
Le gardien « peu académique »
Aujourd’hui, Milan Borjan est un produit fini. « Peu académique » comme le souligne son ancien coéquipier Damien Le Tallec, mais fini. Qu’importe, le gardien de 31 ans est en train de vivre son quart d’heure de gloire. À l’aller à Paris, il avait déjà sorti une prestation convaincante malgré la débâcle. De manière plus spectaculaire et plus efficace, il a rendu une copie parfaite face à Liverpool le 6 novembre (2-0). Une rencontre que le natif de Knin (Croatie) avait dessiné en révélateur après un début de campagne passée à « trop respecter » Naples, le PSG et Liverpool. La réception du PSG ce soir est alors la dernière étape d’une aventure qui devrait s’arrêter, sauf exploit immense, mais qui laissera le souvenir d’une Étoile rouge joueuse, accrocheuse, prête à se surpasser. C’est également l’image qui colle à l’international canadien (40 sélections), qui a démarré sa semaine dernière par une blessure au dos lors d’un déplacement à Subotica (1-3). Finalement, Borjan devrait bien être au rendez-vous. Pour un nouvel exploit ? Et si…
Par Maxime Brigand