Maintenant que vous avez arrêté votre carrière sportive, que faites-vous ?
Je vis à Copenhague avec ma famille. Je passe mon temps entre m’occuper d’eux, retaper des maisons que je revends et la course pour me maintenir en condition. Je ne suis plus trop le foot, en revanche. Il y a trois semaines, Chris Henderson, mon ancien coéquipier de Kansas City qui est maintenant directeur technique aux Seattle Sounders, est venu me rendre visite : on a été voir le FC Copenhague et c’était le premier match que je voyais depuis belle lurette. Sinon, je préfère voir ça depuis ma télé. C’est une vie tranquille, mais c’est une bonne vie.
Depuis des années, vous vous traînez un surnom : Danish Dynamite. Pourquoi ?
Ouais, ouais… Ça a commencé alors que je jouais pour Kansas City. Certains supporters ont inventé ce surnom et ça m’est resté. Je ne saurais pas vraiment vous en dire plus. Ils avaient probablement eu vent du surnom de l’équipe danoise de 86, Danish Dynamite, celle avec Preben Elkjær Larsen et Michael Laudrup. C’était probablement la seule chose qu’ils connaissaient du football danois aux États-Unis à l’époque, donc ils m’ont refilé le surnom.
En 1990, vous avez 19 ans et on vous promet un grand avenir en Europe. Chelsea et Lyon se positionnent sur vous. Mais vous choisissez le Standard Liège. Pourquoi ?
Si je me souviens bien, il y avait eu des soucis concernant mon contrat avec Chelsea et Lyon, donc ça n’avait pas pu se faire. Aussi, j’ai simplement choisi l’équipe dans laquelle j’étais sûr de pouvoir jouer. Mais il ne faut pas oublier qu’à l’époque, il y avait beaucoup de bons joueurs qui évoluaient encore dans le championnat belge. Sans parler du fait que le Standard est un grand club belge. J’ai adoré les moments passés là-bas. Je sortais d’un petit club danois (le BK Frem, ndlr) et c’était ma première fois à l’étranger. On affrontait Anderlecht, Bruges… Il y avait même un derby avec une autre équipe de Liège. Je me rappelle aussi de Saint-Trond, une petite équipe avec un stade où les mecs dans le public étaient à deux mètres du terrain. Et puis, Sclessin, c’est un endroit spécial pour moi : mon dernier match en équipe du Danemark, je l’ai joué là-bas lors de l’Euro 2000. J’y ai débuté et fini ma carrière, en quelque sorte. C’était une belle manière de finir, je crois. Pleine d’émotion.
Un peu plus tard, vous signez à Saint-Étienne et ça ne se passe pas très bien. Comment vous vous êtes retrouvé là-bas ?
Avant ça, j’avais fini meilleur buteur du championnat suisse avec le Servette Genève en 1992. C’est la raison pour laquelle Saint-Étienne m’a signé. Mais j’ai fait les Jeux olympiques de Barcelone durant l’été 92. On avait une très bonne équipe, mais on a joué de manière horrible et on s’est fait sortir en poules. Du coup, je suis arrivé en retard pour la préparation à Saint-Étienne. Surtout, je ne me suis pas adapté au système de jeu développé par l’équipe. Des fois, ça ne marche pas, ça ne veut pas rentrer. Saint-Étienne, c’était l’une des équipes avec qui ça n’a pas marché, tout simplement. L’équipe jouait trop défensivement et on n’avait pas beaucoup de techniques de ballon dans l’équipe. Je crois qu’on a fait un nombre incalculable de 0-0 ou de 1-1. Or, mon jeu reposait uniquement sur de bons ailiers et de bons passeurs. Le bon vieux joueur de surface de réparation.
J’ai joué avec Laurent Blanc pendant une courte période, un mec très sympathique. Et il y avait ce libéro, Sylvain Kastendeuch. Un bon gars aussi
Ceci étant, il y avait de bons joueurs de ballon. Je pense notamment à Ľubomír Moravčík…
(Il coupe) Oui ! Je me souviens de lui, il était incroyable ! Sans doute le meilleur joueur avec qui j’ai joué (on peut aussi compter Igor Dobrovolski et Michael Laudrup). Le genre de joueur qui peut voir la passe avant tout le monde. Et un bon gars, en plus. Il était étranger aussi et il savait combien c’était difficile de s’intégrer dans un club parce qu’il était passé par là. À plusieurs reprises, il m’avait prêté sa moto pour que je me fasse des balades dans les environs. Si je ne dis pas de bêtise, j’ai joué avec Laurent Blanc pendant une courte période, juste avant que je parte. Un mec très sympathique. Il y avait ce libéro qui est parti pour Toulouse après : Sylvain Kastendeuch. Un bon gars aussi. Je ne sais pas si je pourrais dire qu’il était mon ami, mais c’était définitivement le genre de mec à qui tu pouvais parler facilement.
D’autres souvenirs de Saint-Étienne ?
(Il se marre) Je me rappelle qu’il y avait un endroit où on pouvait manger les meilleures pizzas que j’ai jamais mangées. Ça n’était même pas un restaurant, simplement un van ou un camping-car dans lequel ils avaient mis un four à bois et qui venait une fois par semaine. Donc le mardi, c’était pizza. Ils faisaient des pizzas au roquefort incroyables.
Saint-Étienne, c’est le début des montagnes russes pour vous : vous faites les aller-retour entre des clubs danois et des clubs comme Francfort ou Séville. Comment expliquez-vous ce long passage mouvementé ?
Disons qu’en onze ans de carrière professionnelle, j’ai fait beaucoup de clubs et que, forcément, il y a eu des hauts et des bas. Surtout que dans tous ces clubs, il y a toujours des changements de dirigeants, d’entraîneurs qui veulent tailler l’effectif comme ils le souhaitent. Et puis, il ne faut pas oublier que la majorité de ma carrière a été faite avant l’arrêt Bosman et seulement trois joueurs étrangers pouvaient jouer dans l’équipe. Au Standard, on avait sept nationalités différentes : des Brésiliens, des Luxembourgeois, des Hongrois, des Mexicains… Et trois places. C’était comme ça. Mais je crois qu’à part Saint-Étienne où j’ai joué de malchance, le reste du temps, j’ai pris du plaisir dans ma carrière.
C’est d’ailleurs étonnant d’avoir autant voyagé à cette époque, non ?
J’ai peut-être un peu plus voyagé que la normale, c’est vrai. Mais ce n’est qu’une question d’opportunités, vous savez. Quand je suis parti aux États-Unis, j’avais déjà joué la Coupe du monde, l’Euro. Je voulais juste essayer quelque chose de nouveau. Chris Henderson, avec qui j’avais joué à Francfort, m’a simplement demandé si je voulais venir et j’ai dit : « Ouais, pourquoi pas ? » Disons que parfois, j’y allais plus pour l’expérience que pour l’argent. Notamment aux États-Unis parce que j’aurais pu rester en Espagne où je gagnais un salaire plus élevé. Mais j’étais déjà venu à plusieurs reprises aux USA en vacances pour voir Chris dans le Colorado et je trouvais ça vraiment sympa. À Francfort, on rigolait souvent en se disant qu’un jour, peut-être, on jouerait ensemble sur le sol américain. Donc bien sûr, l’argent est important, je ne dis pas le contraire. Mais pas le plus important. Et si Chris Henderson n’avait pas été mon ami, je n’aurais probablement jamais fini aux Kansas City Wizards.
Ça a dû être un grand changement sportif pour vous, la MLS, non ?
Oh, c’était à peu près du niveau du championnat danois. Mais vous savez, vous pouvez dire que j’étais un aventurier plus qu’un joueur professionnel, mais le fait est que j’étais très professionnel. Je me suis toujours entraîné plus que tous mes coéquipiers. En Espagne, vous devez faire exactement ce que le coach dit, mais aux États-Unis, j’ai aimé la liberté qu’on nous donnait. On nous disait : « Tu peux faire ce que tu veux, tant que tu le fais bien. » Et puis, le Kansas, c’était l’endroit parfait pour vivre la vraie Amérique. Si tu vas à New York, c’est cosmopolite. Le Kansas, c’est tranquille, au milieu du pays et tu peux encore y voir des vrais cowboys, avec le chapeau et les bottes ! (rires) C’était une expérience incroyable d’être là-bas, j’en ai vraiment profité. Au point que j’y retourne souvent : il y a deux ans, j’ai fait le tour des USA en van pendant trois mois.
Vous avez marqué l’histoire des Kansas City Wizards puisque vous avez offert son premier titre au club, une MLS Cup en 2000…
Ce qu’on ressent à ce moment-là est assez indescriptible, surtout qu’on avait eu beaucoup de mal à gagner contre Los Angeles en demi-finale et que j’avais marqué à la toute fin. C’était fantastique. Je savais que c’était la fin de ma carrière, la dernière fois que je jouerais un match de toute ma vie. Je savais que c’était LE moment. Je suis tombé à genoux, j’ai regardé le ciel et je savais. Un grand jour.
Sauf que ce n’était pas votre dernier match en tant que footballeur ! À 41 ans, vous avez joué vingt minutes pour votre ancien club, le B1908 !
(Il se marre) Oui, c’est un tout petit club. Ils n’avaient pas assez de joueurs sur le banc. Deux étaient blessés et deux autres malades. Je n’étais même pas joueur, j’ai rendu service à mon ami qui est entraîneur de l’équipe. Pour me marrer, j’ai dit : « OK fais-moi entrer ! » Le pire, c’est que j’ai failli marquer !
Pourquoi avoir pris votre retraite à seulement 30 ans ?
Je pense que vous ne me contredirez pas : la vie passe à une vitesse folle. Quand j’y repense, je me dis que c’était la bonne décision à prendre : j’avais joué dans six pays différents, joué la Coupe du monde et l’Euro. J’avais tout essayé. J’aurais pu tenter de jouer trois, quatre ans de plus, mais je n’aurais rien eu à découvrir.
Après votre carrière de footballeur, vous avez fait dans le triathlon et l’Iron Man. Pourquoi ?
J’aime bien m’entretenir. C’est une part importante de ma vie. J’ai toujours trouvé marrant cette faculté qu’on a à repousser nos limites, donc je voulais voir la vitesse à laquelle je pouvais faire un triathlon, la vitesse à laquelle je pouvais terminer un Iron Man. C’est vrai que j’ai terminé un Iron Man en dessous des dix heures, mais ça n’était pas du grand niveau, ceci dit. Moi, j’ai toujours été un sprinteur et, pour être bon en triathlon, il faut être un coureur de fond. Ça ne m’empêche pas de continuer à courir. Là, je m’entraîne pour le marathon de Copenhague.
Je me rappelle du moment où les deux frères Laudrup se sont retrouvés sur le terrain, en réalisant que c’était le dernier match de Michael
Vous avez obtenu 18 sélections en équipe du Danemark tout au long de votre carrière. Une relation compliquée, débutée sur les chapeaux de roues, puis plus rien avant la Coupe du monde 98. Comment l’expliquez-vous ?
C’est très simple : il y avait des joueurs bien meilleurs que moi. Ebbe Sand, Jon Dahl Tomasson, Brian Laudrup. Quand tu es attaquant, tu dois marquer, c’est comme ça. Ça n’était pas forcément mon cas. À la Coupe du monde, j’ai assisté au dernier match de Michael Laudrup contre le Brésil. Je me rappelle encore du moment après le match où les deux frères se sont retrouvés sur le terrain en réalisant que c’était le dernier match de Michael.
Durant ce Mondial, vous prenez un carton rouge pas forcément mérité contre l’Afrique du Sud. Comment avez-vous vécu ce moment ?
J’ai un très bon souvenir de cette Coupe du monde parce qu’on est allés loin dans la compétition. Mais ce moment, c’est un très mauvais souvenir pour moi. Quand je regarde ma carrière, je n’ai aucun regret, à part celui-là. J’étais en forme, motivé et un stupide arbitre vient ruiner ta vie, te briser ton rêve d’enfance. Il était fou : il a mis trois cartons rouges pour rien. Il faisait 45° au soleil, donc je pense que l’arbitre s’était pris un méchant coup de soleil. Du coup, je n’ai joué que sept ou huit minutes, pas plus. Personne n’a jamais vraiment compris ce qui s’est passé. Une grosse déception pour moi.
Du coup, c’est quoi le mieux : le foot ou le triathlon ?
Actuellement, c’est le triathlon parce que mon niveau au foot n’est pas terrible. Mais bien évidemment, mes meilleurs souvenirs – et j’en ai tellement que je ne pourrais pas tous les compter – sont des souvenirs de football.
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