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Mike Cestor : « Craiova est un mini-Vélodrome »
Après des années à arpenter les divisions inférieures (anglaises et françaises), Mike Cestor se retrouve aujourd'hui en première division roumaine avec l'Astra Giurgiu. Un bond en avant pour ce défenseur français de 26 ans, qui s'apprête à disputer les demi-finales de la coupe nationale dans un pays atypique qui a du mal à payer les salaires. Mais qui représente une voie possible pour la Coupe d'Europe.
Un Français en Roumanie, c’est assez rare…En première division, on ne doit pas être plus d’une dizaine en ce moment. Ici, à Astra, on est trois à parler français : Julien Bègue, Jacques Zoua et moi. On est tous arrivés cet été.
Tu ne t’es donc pas senti trop seul, quand tu as débarqué ?Je suis venu sans ma femme, parce que je venais un peu à l’aveugle. Je ne savais pas si ça allait bien se passer.
Mais c’est clair que la présence des « Français » a facilité mon intégration. Seul, ça aurait été compliqué. En vérité, on reste plutôt entre nous. Les Roumains nous ont bien accueillis, mais vu qu’on ne parle qu’anglais… C’est plus facile d’avoir un petit groupe de Français dans le vestiaire.
Comment tu t’es retrouvé là ?Le directeur sportif de l’Astra Giurgiu m’a appelé après la Coupe du monde pour que je fasse un essai. Ça a fonctionné, et j’ai signé. Bon, je t’avoue que j’étais perplexe au départ. J’avais entendu des choses…
À propos de quoi ?Bah, qu’il y avait des problèmes au niveau des salaires. Plusieurs agents m’ont conseillé de ne pas y aller. Et puis, je me suis dit qu’il fallait tenter le coup ! Même si niveau jeu, je ne connaissais rien.
Et alors, ce niveau de jeu ?Disons que Cluj, qui est la meilleure équipe de Roumanie, pourrait viser le haut de la deuxième partie de tableau en Ligue 1. Pareil pour Craiova et le Steaua Bucarest. Nous, on se battrait pour le maintien. Il y a quatre-cinq ans, l’Astra était dans un bon cycle.
Il avait sorti l’Olympique lyonnais en Ligue Europa, il avait disputé les poules de la C3… Ça s’est un peu calmé, ces deux dernières années.
Concernant la paye, elle tombe normalement ?Il y a des retards, quand même. Il ne faut pas être pressé. La réputation n’est pas usurpée ! On a déjà fait la grève, hein, il y a des frondes. On a refusé de s’entraîner cette saison, parce qu’on n’était pas payés. On est venus, mais on a refusé de s’entraîner. Je ne sais pas si on verrait ça ailleurs, en première division…
Sur le terrain, ça se passe plutôt bien pour toi. Tu as été élu dans le onze type de la phase régulière en championnat, c’est ça ?Au début, je ne jouais pas trop parce que je venais d’arriver. Puis, le coach s’est fait virer et le nouveau m’a fait jouer. Là, j’ai montré de la régularité. Un troisième entraîneur est arrivé, et j’ai alors vraiment fait mon trou.
Le foot roumain a quelques particularités ?La vraie différence, ce sont les contre-attaques.
En France, il y a beaucoup d’attaques placées. Ici, c’est énormément de contre-attaques. Ce n’est pas qu’on attend davantage, mais c’est plus désordonné. On va attaquer à sept, quoi.
Mais vous devez être cramés, au bout des 90 minutes ?Ça nécessite beaucoup d’énergie, c’est vrai. Mais on travaille bien physiquement, avec un préparateur italien.
Et la vie est comment, là-bas ?Moi, je vis à Bucarest dans une résidence privée. Il y a tout, c’est une belle ville. Ça m’a un peu surpris, parce que je ne connaissais pas. L’image que j’avais de la Roumanie, c’était celle que les Roumains de France me renvoyaient. Une image de pauvreté, quoi. Finalement, ce n’est pas du tout ça. Sinon, il faut savoir que le temps est étrange. En été, il fait super chaud. Et en hiver, il fait extrêmement froid. Une fois, j’ai réellement eu envie que le match s’arrête. C’est la première fois que ça m’arrive. J’avais les pommettes toutes gonflées ! Alors que j’ai joué à Épinal, où les températures ne sont pas très élevées.
Avant d’arriver en Roumanie, tu as beaucoup côtoyé les divisions inférieures anglaises. Avec Leyton Orient, Boreham Wood, Woking… Le foot britannique ne te manque pas ?Il me manque beaucoup. Le combat, le kick and rush, le rythme… Tu rencontres du beau monde, comme Harry Kane.
La Coupe te donne l’occasion d’affronter de grosses équipes, comme Arsenal ou Southampton. Mais je n’ai pas envie de repartir dans ces petites divisions. J’en ai fait le tour. Ça m’a forgé, j’ai énormément évolué grâce à ce parcours. Mais même si c’est intéressant financièrement, j’ai envie de surfer sur la vague de la première division roumaine.
Tu as connu l’Italie, aussi. Tu as été formé à Pise où tu as croisé Leonardo Bonucci, avant que le club ne fasse faillite. Un retour en Italie te plairait ?Franchement, ça ne me dit rien. C’est trop tactique, c’est très physique…
J’ai pas mal appris là-bas, mais le jeu ne me plaît pas. Ça ne m’emballe pas.
Le fait de revenir en France, à Épinal, ne t’a pas donné envie de rester sur ta terre natale ?En fait, des clubs de Ligue 2 comme Clermont et de National étaient intéressés par mes services. Mais ça ne s’est jamais fait. Après, s’il y a un bon projet en France, pourquoi pas !
Revenons à la Roumanie. L’ambiance, les supporters, c’est comment ?Nous, à l’Astra, il n’y a pas beaucoup de supporters dans le stade. 1500, 2000 personnes… Mais à Craiova, c’est énorme. On est sur du 15 000-17 000 fans. C’est un mini-Vélodrome !
C’est effrayant ?Au début, c’est impressionnant. Surtout que ça faisait longtemps que je n’avais pas joué devant autant de monde. Les cinq premières minutes, tu as les jambes lourdes. Après, ça ne m’a pas fait la même sensation que quand j’avais joué devant 25 000 personnes à 18 ans. Car mon parcours atypique m’a permis d’acquérir de l’expérience un peu partout. C’est ce qui m’a permis de m’imposer ici sans trop de difficultés.
Aujourd’hui, c’est la demi-finale aller de Coupe de Roumanie à Cluj. Ce serait un exploit de les éliminer ?Ah, clairement ! Ça fait deux-trois ans qu’ils sont considérés comme des monstres, ici. Cluj, c’est énormément d’expérience.
Et c’est hyper solide. Mais on va jouer la Coupe à fond. On est vraiment focalisés dessus. Sur une confrontation aller-retour, ça peut le faire. Et puis, si on gagne la compétition, on peut aller en Ligue Europa quand même.
Ce qui t’inciterait sûrement à rester…Déjà, il me reste deux ans de contrat. Donc je suis encore là, dans tous les cas. Mais c’est vrai que la Ligue Europa, ça fait rêver.
Propos recueillis par Florian Cadu