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Mihály Szeróvay : « La Finlande a appris à penser son football »

Propos recueillis par Adrien Candau
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Après une carrière sinueuse en D3 et D2 hongroise et finlandaise, le Finno-Ougrien Mihály Szeróvay est devenu en septembre 2020 le premier professeur de football de la patrie de Mika Häkkinen. Un poste à l'intitulé étrange, où il pilote une batterie de programmes pour perfectionner et affiner le fonctionnement du football bleu et blanc, dans les années à venir. Quand il ne cogite pas sur le futur, le bonhomme disserte aussi bien sur ses deux pays, la Hongrie et la Finlande, qui se sont conjointement qualifiés pour le dernier Euro.

Mihály, depuis septembre 2020, vous êtes le seul et unique professeur de football de Finlande, à l’université de Jyväskylä. Typiquement, comment on arrive à candidater pour un job comme celui-là ?Plus jeune, j’ai joué comme gardien semi-professionnel en Hongrie. Puis, en 2007, je suis allé en Finlande pour réaliser mon master en marketing du sport et je jouais au football dans le même temps. Ensuite, j’ai entrepris un doctorat en sciences sociales du sport, dont le football était le sujet principal. Je traitais des processus de développement du football hongrois et du football finnois, au travers de différents prismes culturels, sociaux et historiques. J’ai officié ensuite comme professeur au Royaume-Uni à l’université de Southampton, où ils avaient un programme de football studies. L’Angleterre m’a vraiment ouvert les yeux sur la diversité des champs de recherche qui sont applicables au football. Tout cela m’a donné un bagage solide pour candidater à ce poste de professeur de football en Finlande.

Vous parliez des cursus spécifiquement dédiés au football au Royaume-Uni. En Finlande, de telles formations existent-elles ?Absolument pas, du moins jusqu’à très récemment. L’université de Jyväskylä est spécialisée dans l’étude de l’éducation physique. Les sciences sociales applicables au management du sport y sont aussi enseignées, mais il n’y avait pas de programme dédié à un sport en particulier. En Angleterre, l’industrie et la culture football sont si fortes que de tels programmes sont installés depuis un certain temps. Mais en Finlande, c’est la première fois qu’un poste universitaire entièrement dédié au football a été attribué.

Si une université a un étudiant qui veut faire un master sur le football, on va, via notre département recherche et développement, lui trouver un sujet intéressant, qui pourra bénéficier au football finlandais.

Justement, votre travail consiste en quoi précisément ?Déjà, il faut savoir que ce poste a été créé à la suite d’une coopération entre l’université de Jyväskylä et la fédération de football finlandaise. En gros, il vise à utiliser la recherche pour améliorer le football du pays, au sens large. Ma mission inclut de la recherche, mais surtout de développer et coordonner les études scientifiques, sociologiques, sportives et historiques, relatives au football finlandais. Ensuite, je dois faire en sorte que les données et informations rassemblées soient correctement exploitées et analysées, donc, en somme, de les transformer en savoir. C’est en compilant et en analysant ces données qu’on peut, par exemple, déterminer ce qu’il faut changer dans la formation des coachs. Ou savoir où on a le plus besoin d’entraîneurs dans le pays. Ou encore déterminer comment améliorer la gestion des départements marketing des clubs finnois, pour que ces derniers soient gérés de manière plus rentable et raisonnable.

Ça couvre un champ très large de thèmes et de problématiques…Oui, et c’est à moi d’aiguiller le sens de toutes ces études. Par exemple, si une université a un étudiant qui veut faire un master sur le football, on va, via notre département recherche et développement, lui trouver un sujet intéressant, qui pourra bénéficier au football finlandais. Par ailleurs, je vous disais auparavant qu’on n’avait pas de cours dédié au foot en Finlande, jusqu’à très récemment. Ce n’est plus tout à fait le cas, puisqu’on a mis en place ces dernier mois un module individuel consacré au football. Et on espère développer de plus en plus de contenus universitaires consacrés à l’étude de la discipline.

Le système éducatif finlandais est réputé pour être le meilleur du monde. La fédération de football du pays a-t-elle compris qu’elle pouvait mettre cette expertise à profit ?Tout à fait. Je pense qu’il y a une volonté de mobiliser l’une de nos forces, qui est l’éducation, dans le football. La fédération finlandaise a d’ailleurs initié de gros changements ces dernières années. Ils ont mis beaucoup de moyens dans le secteur recherche et développement pour affiner leur processus de décision, afin que celui-ci soit davantage basé sur des preuves et des faits analytiques. J’en fais partie, mais je ne suis pas seul : elle a embauché des analystes, des scientifiques, un data ingénieur… Ce n’est pas rien pour une petite fédération comme celle de la Finlande, qui compte 150 employés au grand maximum. Et ce n’est aussi sans doute pas un hasard si l’analyse de performances et de matchs que fait le staff de l’équipe nationale a été aussi souvent saluée au pays. La Finlande a appris à mieux penser son football, et ça se voit avec ce que réalise sa sélection.

Vous avez acquis la nationalité finlandaise, mais vous êtes hongrois de naissance. Les deux pays se sont qualifiés à l’Euro, après des décennies d’absence sur la plus haute scène continentale, même si la Hongrie avait aussi déjà composté son billet pour le tournoi en 2016. Comment l’expliquez-vous ?Via mes recherches, j’ai justement comparé l’évolution du football finlandais et celle du football hongrois. Ce sont deux pays qui sont similaires dans ce qu’ils représentent aujourd’hui, d’un point de vue footballistique : ce sont ce que j’appelle des nations de football périphériques, car leur population est relativement réduite, tout comme leur pouvoir financier. Cependant, ils ont quand même réussi à se qualifier pour l’Euro : pour la Finlande, c’est une première, quand la Hongrie n’avait pas participé au tournoi entre 1972 et 2016. Ce qui est intéressant, c’est que leurs ressemblances s’arrêtent au terrain : quand vous regardez leurs modèles sociétaux, l’histoire, la gouvernance de leurs clubs de football, ces deux pays sont différents en tous points. En résumé, ils sont parvenus à un résultat similaire et appliquant deux modèles sportifs et organisationnels quasiment opposés.

Comment expliquer que deux modèles aussi antagonistes parviennent à leurs fins, alors ?Pour le comprendre, il faut regarder ce qu’il se passe au-delà du football. Prenez la Hongrie, un pays post communiste, qui a connu un âge d’or footballistique dans les années 1950 et 1960. Ensuite, ils ont décliné, y compris après la chute de l’URSS, même si, en matière de popularité, le football a toujours été le sport numéro un là-bas. Le gouvernement conservateur arrivé au pouvoir en 2010 ne l’a pas oublié et a réinjecté des ressources dans le foot pour construire des stades, des académies et restructurer la politique sportive du pays. Par exemple, les droits TV du championnat ont atteint des montants jamais vus : les clubs de D1 hongroise ont touché 12,2 millions d’euros par an de 2012 à 2016 (ce montant a encore été réévalué pour la période 2016-2021, puisqu’il grimpe à presque 13 millions d’euros par an, NDLR). Et qui paye pour ces droits ? L’entreprise audiovisuelle publique hongroise, la MTVA.

Le championnat finnois n’a presque aucun revenu de diffusion, les budgets des clubs restent très faibles et le pays a dû adapter sa politique sportive en conséquence.

Le football est devenu stratégiquement important pour le pouvoir en place.Voilà. D’ailleurs, on reproche à ces sommes investies dans le foot de suivre une logique qui n’est pas celle du marché, et d’être artificiellement gonflées par l’État. Les résultats, en revanche, sont incontestables : quand vous regardez l’équipe nationale hongroise à l’Euro, beaucoup de joueurs évoluent dans le championnat local, c’est symptomatique d’une ligue qui peut garder ses joueurs. Et évidemment, il faut souligner que la Hongrie s’est qualifiée pour les deux dernières éditions de l’Euro.

A contrario, les droits TV de la Veikkausliiga, l’élite finlandaise, sont presque inexistants…Exactement. Le championnat finnois n’a presque aucun revenu de diffusion, les budgets des clubs restent très faibles et le pays a dû adapter sa politique sportive en conséquence. Aujourd’hui, parmi les joueurs finlandais sélectionnés pour l’Euro, un seul évolue en D1 finnoise (Daniel O’Shaughnessy, NDLR).

Comment l’expliquer ?La Finlande n’a pas, comme la Hongrie, une grande histoire footballistique. Son football professionnel a commencé à se développer après la première qualification du HJK Helsinki pour la C1, en 1998. Ça a permis aux joueurs finlandais de gagner en visibilité et plusieurs d’entre eux sont partis évoluer à l’étranger, notamment en Premier League. D’ailleurs, dans les années 2000, la Finlande avait une génération dorée, menée par Jari Litmanen et Sami Hyypiä. À plusieurs reprises, elle a manqué d’un rien la qualification pour un grand tournoi. Aujourd’hui, la grande force de la sélection, c’est plutôt l’expérience internationale de ses joueurs et sa structure collective. L’assemblage de ce groupe de joueurs a été minutieusement effectué, et ces gars jouent ensemble depuis un bon paquet d’années.

Après la guerre civile finlandaise de 1917, ce sont les sports d’hiver et d’endurance qui ont gagné en popularité, notamment car ils étaient adaptés à un pays rural.

Pourquoi le niveau comme la popularité du foot en Finlande ont-ils stagné pendant aussi longtemps ?Le football finlandais n’a pas participé à la création et à la formation de l’identité nationale. Après la guerre civile finlandaise de 1917 (un conflit à l’issue duquel le Grand-Duché de Finlande, composante de l’Empire de Russie, est devenu un État indépendant, NDLR), ce sont les sports d’hiver et d’endurance qui ont gagné en popularité, notamment car ils étaient adaptés à un pays rural, qui bénéficiait de très peu d’infrastructures sportives. Et puis, bien sûr, il y a le pesäpallo, le sport finlandais par excellence, qui est devenu extrêmement populaire au détour des années 1920.

Le pesäpallo ?C’est une forme de baseball finnois, créé chez nous au moment précis où le pays se forgeait son identité nationale. Le pesäpallo est devenu un sport majeur en Finlande, notamment dans les espaces ruraux. Le jeu a rapidement gagné en popularité au sein des forces de défense nationale et de l’armée, juste après la guerre civile finlandaise, qui avait vu le pays s’émanciper de la Russie (la Garde blanche, la milice d’indépendance et d’autodéfense finlandaise, avait notamment fait de la discipline son sport fétiche, NDLR).

La popularité du football a pu être freinée par celle du pesäpallo, donc ?La Finlande est un petit pays. Quand vous avez 5 millions d’habitants, les sports sont en compétition pour capter l’intérêt des gens. Retenez aussi qu’après la guerre civile finno-russe, la société civile finlandaise a ressenti le besoin de se retrouver, notamment via des associations sportives et des sports comme le pesäpallo. C’était un moyen de créer un sentiment d’union, de solidarité, après l’indépendance nouvellement acquise du pays. Le pesäpallo est une variante du baseball beaucoup moins individuelle, basée sur une coopération élargie entre les joueurs et il était clairement dans l’air du temps. Ensuite, la Finlande a commencé à s’urbaniser, à pouvoir construire massivement des terrains et des stades et ça a changé. Aujourd’hui, le sport numéro un en Finlande, en matière de popularité et de revenus, reste le hockey sur glace. Néanmoins, le foot est le sport qui compte le plus de licenciés et ce n’est pas anodin.

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