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Mihajlović face à la malédiction Montella
En cas de succès ce soir face au Torino, Vincenzo Montella pourrait aligner une troisième victoire de rang cette saison face à la formation de Siniša Mihajlović. De quoi ressusciter une loi des séries qui dure depuis que les deux hommes sont joueurs. Car du temps de sa superbe à la Lazio, le Serbe n’a pas pu remporter la moindre rencontre contre la Roma de l’Aeroplanino.
Douze janvier 2017. Le Toro vient de s’incliner deux buts à un face au Milan en Coppa Italia, et Siniša Mihajlović râle. « On a perdu deux fois contre le Milan cette saison sans être inférieurs sur l’ensemble des 90 minutes… On ne peut s’en prendre qu’à nous-mêmes, car ce qu’on a fait s’apparente à un suicide. On a dominé, mais Milan a marqué deux fois en trois minutes… C’est douloureux de se faire éliminer comme ça. » Dans le camp d’en face, son homologue Vincenzo Montella est beaucoup plus mesuré : « De mon point de vue, on a mérité de battre cet adversaire compliqué » , se contente de déclarer le Mister milanais. Et de s’éclipser de la zone mixte avec le sourire en coin entendu de celui qui savait de toute façon comment tout cela allait se finir. Après tout, pour battre Siniša Mihajlović, personne ne connaît mieux que lui la recette.
Mihajlović, maudit du derby
Zéro. Comme le nombre de derbys remportés par Siniša Mihajlović sous le maillot de la Lazio quand il affrontait la Roma avec Vincenzo Montella dans ses rangs. Entre 1999 et 2004, les deux hommes se sont pourtant croisés à six reprises sur le pré lors de derbys de la capitale. Quand le Serbe allait de déception en déception face à la Louve, Montella, lui, frappait à pas moins de sept reprises face au rival. Comme un symbole, la première fois que les deux hommes s’affrontent sous les maillots laziale et romain, Montella déploie déjà ses ailes d’Aeroplanino en marquant le second but des siens, quand Mihajlović et la défense des Biancocelesti doivent s’incliner à quatre reprises face aux attaquants de la Louve. Le Serbe réduira bien le score sur penalty, mais la Lazio ne peut que s’incliner lourdement ce 21 décembre 1999, dernier derby romain des années 90. « La Roma détruit la Lazio » titrera la Gazzetta dello Sport le lendemain. Mihajlović ne le sait pas encore, mais il n’en est qu’au début de ses peines face à la meute giallorossa emmenée par Vincenzo Montella.
Montella, bête noire de la Lazio
Entre 1999 et 2004, soit treize rencontres disputées en Serie A et Coppa Italia, la Lazio ne remporte qu’une fois le derby de Rome, le 25 mars 2000. Un match que Mihajlović manque, en raison d’une suspension. Et, là encore, Montella avait bien failli gâcher la fête en ouvrant le score dès la troisième minute de jeu d’une reprise acrobatique, avant que Nedvěd et Veron ne frappent à leur tour pour faire triompher la cause laziale. La suite n’est que déceptions et contre-performances pour les Ciel et Blanc, qui devront attendre le 6 janvier 2005 pour enfin réussir à vaincre le rival honni. Une série noire marquée de deux défaites cuisantes, où Montella joue un rôle prépondérant. Il y a bien sûr cette demi-finale retour de Coupe d’Italie en 2003, où le petit Italien s’en va débloquer une rencontre crispante d’un but de rapace peu avant l’heure de jeu.
Mais il y a surtout le match chef-d’œuvre de Montella, ce 5-1 du 10 mars 2002, où il fait exploser à lui seul l’arrière-garde de la Lazio, composée notamment de Nesta, Fernando Couto et, bien sûr, de Siniša Mihajlović. Pendant une heure, l’Aeorplanino ne touche plus terre et plante un quadruplé phénoménal. Deux coups de casque où son mètre 72 décolle plus haut que tous les défenseurs laziali, un but de renard et une frappe monstrueuse dans la lucarne plus tard, la Lazio doit concéder sa plus lourde défaite lors d’un derby depuis 1933.
Rivalité amicale
Un match forcément traumatisant pour un Laziale pur jus tel que Mihajlović, qui avait accepté de revenir sur la rencontre pour les médias transalpins : « Montella nous marque trois buts dans la première demi-heure et Nesta, qui devait assurer son marquage, demande le changement. Mais moi, je lui dis : « Hé ho, Nesta, putain, tu es le capitaine, alors n’abandonne pas ! »Du coup Zaccheroni (l’entraîneur de la Lazio, ndlr) pense me remplacer moi, qui suis pourtant l’un des moins mauvais sur le terrain, et je lui dis : « Vous êtes fou ? » Du coup, c’est bien Nesta qui est sorti. » Et quand on lui demande d’évoquer précisément le cas de Montella, le Serbe avoue avec humour qu’il associe l’ancien Romanista à certains des moments les plus douloureux de sa carrière : « Franchement, je le préfère comme entraîneur. Parce que penser à lui quand il était joueur… Ça fait revenir à la surface de très mauvais souvenirs. »
Sentimental, mais pas rancunier, Mihajlović a su quand même relativiser les misères que Montella lui a fait subir du temps de leurs années romaines. Les deux hommes s’apprécient et entretiennent une amitié sincère, qui a résisté au passage du temps. Car avant de s’écharper lors des derbys romains, Montella et Mihajlović ont évolué deux saisons ensemble, de 1996 à 1998, sous le maillot de la Sampdoria, où ils ont pu tisser des liens solides. « C’était mon équipier et toujours un jeune garçon à l’époque. Mais nous avions déjà une excellente relation professionnelle et personnelle. Nous sommes amis » , confie Mihajlović. « Oui, nous sommes amis, malheureusement on n’a pas trop le temps de se voir, mais il y a énormément de respect mutuel. Sinisa a dit qu’il visait la lune ? Il devient poétique, il lit trop de livres maintenant sans doute. Quand je l’ai quitté, il ne lisait que des romans légers, je ne le reconnais plus » , plaisante en retour Montella. « Nous nous apprécions, mais comme entraîneur, j’espère quand même lui causer quelques peines, indépendamment de notre amitié » , nuançait également Mihajlović. Pour y parvenir, une victoire face au Milan ce lundi soir semble indispensable. Dans le cas contraire, le Serbe sait que Vincenzo Montella ne se privera pas de prolonger dans leurs carrières d’entraîneurs la série noire qui l’accablait déjà du temps de leurs carrières de joueurs. En toute amitié, bien évidemment.
Par Adrien Candau
Propos de Siniša Mihajlović et Vincenzo Montella issus de la Gazzetta dello Sport et de la Repubblica.